La présente étude conduit les traditions fragmentées de la culture littéraire de Trieste vers les préoccupations contemporaines de la littérature mondiale à l’époque actuelle où la mondialisation est largement perçue comme le paradigme historique prédominant de la modernité. Ce que j’appelle la « littérature globalisée » renvoie à la refonte de la Weltliteratur – envisagée par Goethe et traduite comme « world literature » ou la « littérature universelle » – par des discours sur la culture mondiale et le post-nationalisme. Cependant, lorsque les études littéraires posent les questions de la « littérature globalisée », elles sont confrontées à un problème : le passage de l’idée universelle inhérente au paradigme de Goethe entre le Scylla d’un internationalisme relativiste et occidental, et le Charybde d’un mondialisme atopique et déshumanisé. Les spécialistes de la littérature mondiale qui tendent vers la première position acquièrent un fondement institutionnel en travaillant avec l’hypothèse implicite selon laquelle les nations sont fondées sur les langues nationales, ce qui souscrit à la relation entre la littérature mondiale et les littératures nationales. L’universalité de cette hypothèse implicite est réfutée par l’écriture triestine.
Dans cette étude, je soutiens que l’écriture triestine du début du XXe siècle agit comme un précurseur de la réflexion sur la culture littéraire globalisée du XXIe siècle. Elle dispose de sa propre économie de sens, de sorte qu’elle n’entre pas dans les nationalismes littéraires, mais elle ne tombe pas non plus dans le mondialisme atopique. Elle n’est pas catégoriquement opposée à la littérature nationale; mais elle ne permet pas aux traditions nationales de prendre racine. Les écrivains de Triestine exprimaient le désir d’un sentiment d’unité et d’appartenance, ainsi que celui d’une conscience critique qui dissout ce désir. Ils résistaient à l’idéalisation de ces particularismes et n’ont jamais réussi à réaliser la coalescence de ses écrits dans une tradition littéraire unifiée. Par conséquent, Trieste a souvent été considérée comme un non-lieu et sa littérature comme une anti-littérature.
En contournant les impératifs territoriaux de la tradition nationale italienne – comme il est illustré par le cas de Italo Svevo – l’écriture triestine a été ultérieurement incluse dans les paramètres littéraires et culturels de la Mitteleuropa, où son expression a été imaginée comme un microcosme de la pluralité supranationale de l’ancien Empire des Habsbourg. Toutefois, le macrocosme projeté de Trieste n’est pas une image unifiée, comme le serait un globe; mais il est plutôt une nébuleuse planétaire – selon l’image de Svevo – où aucune idéalisation universalisante ne peut se réaliser. Cette étude interroge l’image de la ville comme un microcosme et comme un non-lieu, comme cela se rapporte au macrocosme des atopies de la mondialisation, afin de démontrer que l’écriture de Trieste est la littérature globalisée avant la lettre. La dialectique non résolue entre faire et défaire la langue littéraire et l’identité à travers l’écriture anime la culture littéraire de Trieste, et son dynamisme contribue aux débats sur la mondialisation et les questions de la culture en découlant. Cette étude de l’écriture triestine offre des perspectives critiques sur l’état des littératures canoniques dans un monde où les frontières disparaissent et les non-lieux se multiplient. L’image de la nébuleuse planétaire devient possiblement celle d’un archétype pour le monde globalisé d’aujourd’hui. / The present study brings the fragmented traditions of Triestine literary culture to bear on contemporary preoccupations with world literature at a time when globalization is widely perceived as the predominant historical paradigm that informs modernity. What I am calling “global literature” refers to the refashioning of Weltliteratur – envisioned by Goethe and translated as “world literature” or “littérature universelle” – by discourses on global culture and post-nationalism. However, when literary studies take on questions of global literature they are faced with a problem, navigating the universal idea of Goethe’s paradigm between the Scylla of a relativist, occidental internationalism and the Charybdis of a dehumanized, atopian globalism. Proponents of world literature who lean towards the former position gain an institutional foothold by working with the implicit hypothesis that nations are based in language, which underwrites the relationship between world literature and national literatures. The universality of this implicit hypothesis is what Triestine writing disproves.
In this study, I argue that Triestine writing in the first decades of the twentieth century acts as a precursor to thinking about global literary culture for the twenty-first century. It has its own economy of sense, whereby it doesn’t fit into literary nationalisms, but it doesn’t fall into atopian globalism either. It is not emphatically opposed to national literature; rather it does not admit national traditions to take root. Triestine writers expressed a desire for a sense of unity and belonging, as well as a critical conscience that undoes that desire. It resists the idealization of its particularities, and never successfully coalesces into a unified literary tradition. Consequently, Trieste has often been thought of as a non-place and its literature as antiliterature.
In bypassing the territorial imperatives of the Italian national tradition – as the case of Italo Svevo illustrates – Triestine writing was later caught up in the literary-cultural parameters of Mitteleuropa, where its literary expression was imagined as a microcosm of the former Habsburg Empire’s supranational plurality. However, the projected macrocosm of Trieste is not a unified image, like a globe; but instead it is a nebula – as Svevo had imagined it – where no universal idealizations could gain a foothold. This study interrogates the image of the city as a microcosm and as a nowhere and how that relates to the macrocosm of the atopias of globalization, in order to demonstrate that Triestine writing is global literature ante litteram. The unresolved dialectics of doing and undoing literary language and identity through the act of writing that animates Triestine literary culture plays out in globalization debates and the questions of culture that arise from it. Triestine writing offers critical perspectives on the status of canonic literatures in a world of disappearing borders and placeless places, where the nebula is a master image for today’s world.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/13610 |
Date | 08 1900 |
Creators | Rivlin, Tzvi R. |
Contributors | Cochran, Terry |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | English |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
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