Notre analyse du rôle de l’association La ronde des poètes dans la lutte pour l’autonomie de la littérature camerounaise s’est appuyée sur l’approche sociologique de Pierre Bourdieu pour qui la société est constituée de champs spécifiques en lutte les uns contre les autres pour atteindre un statut privilégié dans le champ social, ce qui constitue un aspect de leur autonomie. Selon Bourdieu, l’étude des manifestations de l’autonomie des champs littéraires devrait tenir compte de toutes les actions entreprises par les agents dudit champ. En effet, ces différentes actions ne sont que des stratégies de lutte. Seulement, d’après Jacques Dubois, l’autonomie des littératures nationales n’est acquise que lorsque celles-ci possèdent un appareil institutionnel propre capable d’assurer seul la production et la diffusion des œuvres, la légitimation et la consécration des écrivains. Si toutes ces conditions réunies échappent encore à plusieurs littératures de l’Afrique subsaharienne, il n’en demeure pas moins que ces dernières sont engagées dans un processus de lutte pour leur autonomie, ce que prouve l’exemple de La ronde des poètes, notre prétexte pour observer les manifestations de l’autonomie au sein du champ littéraire camerounais.
Les stratégies de lutte de La ronde des poètes sont d’émergence et de fonctionnement.
Pour le premier cas, la formule associative qui donne plus de possibilités que ne pourrait avoir un auteur isolé, le choix de la poésie aussi qui est un genre dont la production des œuvres ne nécessite pas de gros moyens financiers, nous sont apparus comme des stratégies ayant permis aux membres de La ronde des poètes de devenir des écrivains dans un contexte de production défavorable. De plus, par leurs textes fondateurs, ils se définissent
comme un groupe ayant un programme d’action bien établi. Par ailleurs, ils attirent sur eux l’attention en se proclamant avant-gardistes et, pour le montrer, publient des manifestes et se détournent, idéologiquement parlant, de la poétique de la négritude dont la fixation sur la race a dominé la création littéraire pendant plusieurs décennies en Afrique. Les stratégies d’émergence de La ronde des poètes ont travaillé à l’identification de cette association comme un élément du champ littéraire camerounais ayant sa place aux côtés d’autres acteurs existant déjà dans ce champ.
Pour ce qui est des stratégies de fonctionnement, La ronde des poètes s’est dotée d’un statut légal en se faisant enregistrer auprès des autorités camerounaises, ce qui la consolide dans son champ social. Sur le plan littéraire, ses membres lui confèrent un caractère institutionnel en créant en son sein des formes d’instances littéraires. Leurs ateliers d’écriture assurent la création des œuvres, les instances de diffusion prennent chez eux la forme d’un bulletin hebdomadaire, « Le rondin », mais surtout d’une revue, Hiototi : Revue camerounaise de poésie, de lettres et de culture. Cette revue recueille les articles de critiques littéraires formés à La ronde des poètes et de ceux du Cameroun. Le « Prix de la poésie rondine » est leur instance de consécration interne. Cette association réussit ainsi à obtenir la reconnaissance de pairs, poètes et écrivains camerounais et étrangers, celle aussi d’autorités camerounaises et internationales. En somme, la réunion de ces instances institutionnelles montre combien la marche vers l’autonomie de la littérature camerounaise en général est réelle. / Our analysis of the role of the association The Round of Poets in the struggle for the autonomy of the Cameroonian literature was based on the sociological approach of Pierre Bourdieu for whom our society is made up of specific fields fighting against one another to reach a privileged status in the social field, which is an aspect of their autonomy. According to Bourdieu, the study of the autonomy of literary fields should take into account all the actions taken by the agents of a field. Indeed, these actions are all control strategies. Only, according to Jacques Dubois, the autonomy of national literatures is achieved when they have their own institutional apparatus capable by themselves of providing the production and distributing of works, the legitimation and consecration of writers. If African literatures cannot fulfill all these conditions, it remains that they are engaged in a process of struggle for their autonomy. The example of The Round of Poets shows that, this association being our excuse to observe the manifestations of autonomy within the Cameroonian literary field.
Control strategies of The Round of Poets are appearance and operating strategies.
For the first case, the associative formula that gives more opportunities than could have an isolated author, and also, the choice of poetry as a genre where the production of works does not require large financial resources, have emerged as strategies which allowed the members of The Round of Poets to become writers in an unfavorable production environment. In addition, by their founding documents, they define themselves as a group with an agenda established. Moreover, they draw attention to them by proclaiming avant-garde. To show this, they publish manifestos, and turn away, ideologically speaking, from the poetics of Negritude whose fixation on race dominated the literary creation during decades in Africa. The strategies of appearance of The Round of Poets worked to identify this association as part of the Cameroonian literary field and having its place alongside other components already existing in this field.
For the second case which regards operating strategies, The Round of Poets obtained a legal status by registering with the Cameroonian authorities, which action consolidates this group in its social field. On the literary side, its members give it an institutional character by creating instances relating thereto. Their writing workshops provide creative works; their instances of dissemination appear in the form of a weekly newsletter, “The Rondin”, but also as a review, Hiototi: Cameroon Journal of Poetry, Literature and Culture. This review collects articles from literary critics trained in The Round of Poets and of those of Cameroon. The “Prize of the Rondine Poetry” is their instance of internal consecration. Hence, this association has managed to get the recognition of peers which are Cameroonian and foreign poets and writers, as the Cameroonian and international authorities. In short, the combination of these institutional instances shows how the movement towards autonomy of Cameroonian literature in general is real.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/11078 |
Date | 11 1900 |
Creators | Ngomayé, Esther Solange |
Contributors | Semujanga, Josias |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
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