L’orature est un concept encore peu exploité dans la recherche littéraire. Historiquement rattachées aux classes populaires, les œuvres orales ont été mises à l’écart de l’étude d’une littérature dite sérieuse. La philologie classique du 20ème siècle a vu advenir une approche nouvelle des poèmes homériques, justement dans leurs liens avec une tradition orale antérieure. Tant dans la forme que dans le fond, les grandes épopées grecques sont reliées à une conception orale de la littérature et du soi. Le collectif littéraire est remis au goût du jour, mais pas de la manière dont il avait été envisagé auparavant : la question n’est plus de savoir si Homère était seul derrière son document, mais plutôt de réussir à concevoir le processus littéraire qui accoucha de l’Odyssée comme une co-création à grande échelle, des sources du mythe jusqu’à sa transmission.
En réhabilitant ces thématiques, ces chercheurs ont ouvert la porte à une nouvelle perception de la littérature. Cette époque coïncide par ailleurs à l’émergence de nouvelles traditions littéraires scripturaires. L’emprise coloniale et esclavagiste s’effritait devant les volontés d’indépendances, et de ce vivier politique émergea nécessairement la question culturelle. Ces populations se retrouvaient munies d’une langue et d’une écriture qu’elles n’avaient pas choisies. Les traditions orales présentes initialement dans ces communautés rentrèrent en contact avec la maîtrise de l’écriture, et l’époque contemporaine voit fleurir de nombreuses jeunes traditions littéraires, dans lesquelles se retrouvent de multiples éléments de l’oralité, qui forment les composantes de l’orature.
Ma réflexion s’articule autour de ces deux pôles : la compréhension occidentale de l’orature, à travers les études homériques ; et les traces et pratiques de l’orature dans de nouvelles traditions littéraires, principalement dans le cas de la littérature francophone antillaise. Mener cette étude en miroir me permet de combler mutuellement les lacunes de chaque approche et de m’offrir un panorama plus complet sur l’orature. Resurgit alors la notion de collectivité, ainsi qu’une conception socio-politique de la littérature. Les composantes de l’orature exacerbent la dimension fédératrice de la littérature. / Orature is still an under-exploited concept in the literary field. Traditionally linked to the less educated classes, oral literature was ignored by research on the so-called serious literature. During the 20th century, a new approach of Homeric poems emerged from classical philology specialists. This approach presupposed a strong influence of a previous oral tradition on Homer’s epics. Both the form and the substance of those epics are tied to an oral conception of the self and literature. The idea of collective writing reappears, but not in the way it was conceptualized before. The question was no longer whether or not Homer was the sole author of the texts bearing his name. Rather, this research sought to conceive the literary process leading to the writing of The Odyssey as a collective creation, from earlier sources of the myth to its ongoing transmission, a process that exceeds any single life span.
In revitalizing this perspective, researchers paved the way to a new perception of literature. This renewal overlaps with the emergence of new written traditions. Slavery and colonialism collapsed in conjunction with the will to independence, and the cultural issue arose against the backdrop of this political context. Those decolonizing populations were left with foreign languages and an unrelated writing-based structuring of society. The initial oral traditions present in those communities merged with literacy, and the contemporary era is filled with emergent literary traditions. These new literatures bear the marls of orality which constitute the orature component.
In this contest, my study focuses on two aspects. First, I analyze the western comprehension of orature as exemplified in the Homeric epics. Secondly, I examine the remnants and practices of orature in emergent literary traditions, especially in the French Antilles’ literature. Studying those two elements allows for a better comprehension of the phenomenon of orature. Which underscores the collective and sociopolitical dimension of literature.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/25060 |
Date | 08 1900 |
Creators | Curtaud, Mathilde O. |
Contributors | Cochran, Terry |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
Page generated in 0.0029 seconds