Dans « La musique parlée ou remarques sur la subjectivité dans la fiction à propos du "Neveu de Rameau" », Julia Kristeva élabore, à partir d'une idée de Diderot, une problématique autour de la proposition d'une « littérature musiquée ». Cette littérature, selon l'auteure, « cherche à égaler la musique en s'autonomisant du signifié, du signe, voire de la grammaticalité, et en augmentant ainsi la participation du destinataire qui se constitue, au besoin, son signifié à lui [tout en] impliqu[ant] son identité dans le procès de transformation de sériations et de leurs supports matériels. » Vie secrète de Pascal Quignard répond à cette conception de la littérature. Cet ouvrage, à la fois roman et essai (mais, ni tout a fait l'un, ni tout à fait l'autre), se présente sous forme d'un texte fragmenté (forme à laquelle Quignard avait consacré son ouvrage: Une gêne technique à l'égard des fragments). Cette utilisation des fragments, en plus d'imposer un rythme au texte, permet de changer constamment de registre d'écriture. Passant de l'épisode autobiographique au traité sur l'amour, de la légende inuit au conte chinois, de la définition terminologique à la théorie psychanalytique, le texte vient déconstruire de l'intérieur le cadre linéaire habituel optant pour un éclatement des formes. C'est précisément cet éclatement qui place le lecteur au coeur d'une situation de « littérature musiquée ». À l'utilisation du fragment dans Vie secrète s'adjoint le procédé d'écriture ludique décrit par Quignard dans Rhétorique spéculative et qui sera aussi abordé à travers les théories sur le jeu de James P. Carse. Par ce procédé, l'auteur s'emploie à donner à certains termes des définitions autres que celles qui leur sont généralement attribuées. Ce faisant, il explique vouloir redonner aux mots leur sens « barbare », celui qui était présent avant que la langue les systématise. Le nouveau sens étant plus près de la sonorité du mot, ce dernier perd une partie de sa définition. Devenant plus flou, il est plus proche de l'indécision du sens qui caractérise la musique.
Par leur association dans Vie secrète, les procédés cités antérieurement appellent un fonctionnement « musical » du texte, un fonctionnement où, comme mentionné plus haut, le lecteur, en mettant en jeu son identité, participe à l'élaboration d'un signifié. En conséquence, le sens attribué à une telle littérature n'est jamais fixé; il se voit constamment reporté. C'est ainsi que Vie secrète, texte parlant de musique, devient, par une sorte d'osmose, une représentation de la « littérature musiquée ». ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Musique, Écriture, Littérature, Littérature musiquée, Langage, Jeu, Fragment, Pascal Quignard, Vie secrète.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.2879 |
Date | January 2006 |
Creators | Allard, Geneviève |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Mémoire accepté, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/2879/ |
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