De quels critères disposons-nous pour évaluer la validité d’une opinion ?La<p>première partie de la thèse revient sur les tentatives des approches contemporaines<p>de l’argumentation de répondre à cette question. Les approches normatives<p>(pragma-dialectique et logique informelle) évaluent la construction des preuves à<p>l’aune d’un idéal de rationalité, lui-même garanti par un ensemble de règles quant à<p>la construction et la formulation publique des arguments. Les approches descriptives<p>(travaux de Plantin et Doury en particulier) se fondent sur une critique de cette<p>méthode :en prétendant fournir des évaluations objectives des arguments, les<p>théoriciens normatifs s’engagent dans le processus argumentatif et, en définitive,<p>produisent des contre-argumentations et non des évaluations. C’est à l’aune du<p>problème du statut épistémologique de la preuve en histoire que j’ai choisi d’illustrer<p>les limites de l’approche descriptive. En particulier, l’oeuvre du critique littéraire<p>Hayden White se caractérise par une même relation entre (1) un scepticisme sur la<p>possibilité d’établir des critères de rationalité et (2) un parti-pris descriptif :les<p>explications historiques pourraient être décrites comme autant de figures rhétoriques,<p>mais on ne saurait définir un critère permettant d’en évaluer la validité. Comme l’a<p>bien montré Carlo Ginzburg, le scepticisme de White ouvre la porte à toutes les<p>dérives négationnistes.<p>Partant, dans une seconde partie, je propose un modèle d’analyse alternatif. Ce<p>modèle s’appuie sur la définition de la rhétorique comme une dunamis par Aristote :<p>une capacité perfectible à porter un regard technique sur les preuves. Il s’agit,<p>concrètement, de prendre en compte trois points de vues sur la preuve :(1) le point<p>de vue de l’orateur qui invente ses preuves face à un problème concret ;(2) le point<p>de vue de l’artisan qui façonne la matière persuasive; (3) le point de vue de<p>l’auditoire qui reçoit les preuves. L’exercice de ces trois points de vues permet à<p>l’analyste de juger les choix rhétoriques d’un orateur à l’aune de sa propre<p>conscience, perfectible par l’exercice, des alternatives possibles et de leur pertinence<p>en fonction des auditoires concernés. Le critère de rationalité n’est alors pas idéaliste<p>ou transcendant, il est humaniste (Chaïm Perelman, Emmanuelle Danblon) :il est de<p>l’ordre de l’expérience acquise.<p>Dans une troisième partie, j’applique mon modèle à trois ouvrages d’histoire :<p>(1) Les traites négrières d’Olivier Pétré-Grenouilleau ;(2) La vie fragile d’Arlette<p>Farge ;(3) The Ascent of Money de Niall Ferguson. Dans chaque cas, j’évalue les<p>choix rhétoriques des historiens (quant aux usages des preuves extra-techniques et<p>à la construction des trois preuves techniques) au regard des problèmes<p>épistémologiques qu’ils affrontent* et des auditoires potentiels auxquels ils<p>s’adressent. Dans chaque cas, je consacre une partie de l’analyse aux réactions<p>suscitées par leurs ouvrages. Ce faisant, je peux mesurer le caractère anti-rhétorique<p>des pratiques actuelles de la critique :le repérage d’une figure de rhétorique<p>(analogie ou métaphore), d’une forte personnalité ou d’un appel aux émotions<p>suffisent à disqualifier un argument aux yeux des critiques. En d’autres termes, notre<p>tradition critique est pétrie d’illusions normatives et, en premier lieu, l’illusion selon<p>laquelle une preuve pourrait être administrée sans technique. Je conclus en montrant<p>que ces illusions, entretenues par notre tradition philosophique, nous ont fait perdre<p>beaucoup de temps dans le développement d’une formation à l’argumentation qui<p>soit de nature à exercer la dunamis critique des étudiants.<p><p>*<p>(1) établir la vérité historique sur un sujet à fort potentiel polémique ;(2) exprimer les intuitions de la<p>phase de découverte ;(3) formuler et justifier une prédiction. / Doctorat en Langues et lettres / info:eu-repo/semantics/nonPublished
Identifer | oai:union.ndltd.org:ulb.ac.be/oai:dipot.ulb.ac.be:2013/209342 |
Date | 28 February 2014 |
Creators | Ferry, Victor |
Contributors | Danblon, Emmanuelle, Preyat, Fabrice, Loir, Christophe, Badir, Sémir, Provenzano, François, Dominicy, Marc, Spina, Luigi |
Publisher | Universite Libre de Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Faculté de Philosophie et Lettres – Langues et Littératures, Bruxelles |
Source Sets | Université libre de Bruxelles |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | info:eu-repo/semantics/doctoralThesis, info:ulb-repo/semantics/doctoralThesis, info:ulb-repo/semantics/openurl/vlink-dissertation |
Format | 1 v. (297 p.), No full-text files |
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