En réponse au traumatisme de la division nationale suscitée par la guerre civile et cristallisée pendant le franquisme, la figure d’Antigone resurgit avec force dans la dramaturgie espagnole. Le parcours de résistance de cette héroïne grecque devient, sous la plume des auteurs espagnols du XXème siècle, l’emblème de la « juste mémoire » (Ricœur, 2000). Partant de l’hypothèse que le corpus des Antigones espagnoles constitue un ensemble relevant d’une dynamique commune de relecture de l’histoire, cette thèse recherche, à travers un travail comparatif des structures et des symboliques, la cohérence des versions catalanes, galiciennes et castillanes, de l’exil comme de l’intérieur, pour la période comprise entre 1936 et 1989. Dix-huit pièces sont ainsi mises en perspective pour démontrer la conquête de discours mémoriels et compensatoires à partir des sources hypotextuelles que constituent la tragédie de Sophocle, mais aussi les autres versions théâtrales du mythe. La première partie examine les procédés de réécriture du mythe, de l’histoire et de la tragédie, pour qualifier les pièces et déterminer un éventuel noyau mythique ou un schéma référentiel récurrent. La notion de « (re)configurations contemporaines » au prisme du contexte politique émerge alors pour désigner les objets de ce travail. La deuxième partie analyse les convergences esthétiques et les motifs récurrents dans les textes, car les Antigones espagnoles contemporaines placent au centre de la scène la métaphore de la marge pour figurer l’exclusion politique, ou encore celle du chemin pour représenter les destins brisés et l’exil. Fondamentalement, ces œuvres forgent un tombeau littéraire pour les défunts oubliés, mais aussi un monument en l’honneur des invisibles. La dimension esthétique de cette place théâtrale compensatrice ouvre une réflexion sur son sens cathartique dans une société en recomposition pendant la Transition. En effet, le troisième volet de cette thèse est centré sur la théâtralisation de l’histoire : il s’agit d’étudier les dispositifs de déconstruction des récits nationaux à travers les différents réagencements du mythe des Labdacides. Cette clé de lecture révèle les stratégies de démythification-remythification qui président aux nouvelles charges sémantiques des épisodes mythiques, dépeignant un autoportrait déformant de la communauté espagnole en crise. À l’horizon de ces pratiques de réécriture, se lit la conception d’une époque historique comme une épopée, que la parole cérémonielle et le dispositif scénique peuvent contribuer à purger, par une distance qui englobe un large prisme, de la sacralité au grotesque. / Echoing the traumatic conflict within the nation caused by the Civil War and crystallized during Franco’s era, Antigone’s reappearance was extremely intense in Spanish dramatic creation. In contemporary rewritings, the resistance of this tragic character from Greek mythology turned out to be the emblem of a “fairer memory” (Ricoeur, 2000). This work asserts that the Spanish Antigones converge and share a common signification when it comes to rewriting History; and resorts to a comparative study of structures and symbols to shed light on the continuity between the Castilian, Catalan and Galician versions, between those written in exile or not, from 1936 to 1989. In order to establish the common dynamic, eighteen plays are compared, whose key idea is to create a memorial and a redeeming discourse based on the Greek sources but also inspired by other versions of the tragedy. Therefore, the first part examines the strategies implemented to rearrange the mythical pattern, the historical context and the tragic genre. This leads to the conclusion that there is no permanent mythical core nor a fully recurrent referential scheme. As such, the notion of “contemporary (re)configurations” through the prism of politics seems relevant to describe the rewritings. The second part analyses the aesthetic convergences and the recurring themes and metaphors throughout the texts and concludes that in the contemporary Spanish Antigones, the image of the margins embodying exclusion takes on centre stage while the image of the path is resorted to in order to evoke broken destinies and exile. Basically, these plays create a literary tomb for the forgotten deceased but also a monument in honour of the invisible –alive– ones. The aesthetic dimension of this compensatory play requires a reflection upon its cathartic sense in a transforming society during the Transition to democracy. Indeed, the third part of this work focuses on the dramatization of History, making it crucial to study the scenic devices that dismantle the official stories and political myths. This reveals the strategies of “demystification” followed by new mythifications that portray a distorting image of the Spanish community in crisis. Ultimately, these practices of rewriting show that the playwrights conceived their time as an epic and mythical phase which could be purged by theatrical ceremonial thanks to a distancing effect that covers a large prism, from sacred to grotesque.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2017BOR30024 |
Date | 22 September 2017 |
Creators | Blin, Fanny |
Contributors | Bordeaux 3, Breton, Dominique |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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