Dans ses œuvres dramatiques, Shakespeare fait la part belle aux mots étrange(r)s, qu’il s’agisse de mots isolés, de phrases ou encore de scènes entières en langue étrangère. L’hétérolinguisme (Rainier Grutman) shakespearien se manifeste également par la présence dans ses pièces de variétés sociales ou régionales de l’anglais. Son importance est cependant moins quantitative que qualitative. En effet, les mots étrangers de Shakespeare font presque toujours l’objet d’une mise en scène, à une époque où la langue anglaise était elle-même en pleine quête identitaire. Leur rôle n’est jamais purement ornemental : ils déstabilisent et inquiètent la langue qui les accueille tout en entretenant avec elle une relation souvent ludique, comme en témoignent les nombreux jeux de mots interlinguistiques inventés par Shakespeare. Par ailleurs, la cohabitation des langues dans certaines de ses pièces entraîne parfois des opérations de traduction plus ou moins hasardeuses, qui font elles aussi l’objet d’une véritable mise en scène. En nous donnant à entendre les fréquents « dérapages » de la traduction, Shakespeare nous fait voir l’envers de la langue, qui court toujours le risque de devenir à son tour étrangère. La traduction des textes hétérolingues du dramaturge eux-mêmes n’est pas moins problématique. L’épreuve de l’« étranger au carré » lance en effet au traducteur un certain nombre de défis que cette thèse a pour vocation d’explorer. Néanmoins, si la pluralité des langues est d’ordinaire vécue comme une malédiction pour la traduction, elle représente également une chance pour la langue traduisante : contrainte de se « déprovincialiser », elle « se met à proliférer », selon les mots respectifs de Ricœur et de Berman. / If we understand “strange” in the former sense of “foreign, alien” as well as “unusual or surprising”, « strange words » play a significant role in Shakespeare’s drama, whether they take the form of single words, whole sentences or even entire scenes written in a foreign language. Shakespearian heterolingualism (Rainier Grutman) also encompasses social or regional varieties of English in the plays. Its importance, however, has less to do with quantity than quality. Indeed, Shakespeare’s “strange words” are highly theatrical and often take centre stage, in an age when the English language itself was beginning to define its identity. Their role is rarely ornamental—they destabilise and unsettle their host language even as they playfully interact with it, as is demonstrated by the many interlingual puns concocted by Shakespeare. Moreover, the cohabitation of languages in some of Shakespeare’s plays can sometimes lead to questionable acts of translation. As Shakespeare stages the frequent “slips” of translation, he unveils the other side of the English language, which always runs the risk of becoming foreign in its turn. The translation of Shakespeare’s heterolingual texts themselves is no less problematic. The trial of the doubly foreign presents the translator with a number of challenges that this thesis proposes to explore. Nevertheless, if the plurality of languages is usually perceived as a curse when it comes to translation, it also opens up opportunities for the translating language: forcefully “de-provincialised” (Ricoeur), the mother tongue begins to thrive.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2016PA100111 |
Date | 19 November 2016 |
Creators | Lacroix, Mylène |
Contributors | Paris 10, Berthin, Christine |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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