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Recours à l’avortement provoqué à Lomé (Togo) : évolution, facteurs associés et perceptions

N'Bouke, Afiwa 07 1900 (has links)
Le sujet de l’avortement provoqué demeure encore tabou au Togo et la compréhension du phénomène reste incomplète. La présente étude vise à dresser un portrait complet de ses divers aspects dans la capitale togolaise, qui a connu une baisse importante de la fécondité au cours des dernières années. À partir des données des Enquêtes démographiques et de santé (EDS) de 1988 et 1998, et de celles de l’Enquête sur la planification familiale et l’avortement provoqué (EPAP) de 2002, l’étude montre que le recours à l’avortement est à la hausse à Lomé, bien que l’estimation de son ampleur dépende de la méthode utilisée. Plus de 32 % des femmes ayant déjà été enceintes ont déclaré avoir avorté au moins une fois. Toutefois, l’avortement est plus fréquent chez les jeunes, qui y ont recours de manière plus précoce et plus rapprochée que leurs aînées. En contribuant ainsi à la régulation des naissances, l’avortement réduit la fécondité de 10 à 12 %. En utilisant les données de l’EPAP, réalisée auprès de 4755 femmes âgées de 15-49 ans, nous avons aussi étudié le recours à l’avortement comme une séquence d’étapes débutant par l’exposition au risque de grossesse jusqu’au recours à l’avortement, en passant par une absence de pratique contraceptive et le fait qu’une grossesse qui survient soit déclarée « non désirée ». L’ethnie et la génération sont associées à certaines étapes de la séquence alors que la religion, la parité, le statut matrimonial et le niveau d’instruction sont associés aux quatre étapes. Ainsi, le risque élevé d’avorter chez les femmes instruites découle en fait de leur risque élevé à toutes les étapes. En étant moins à risque de grossesse, les femmes qui ont au moins deux enfants sont plus susceptibles que les nullipares, d’utiliser une contraception moderne, de déclarer une grossesse comme non désirée et d’avorter. Si plusieurs grossesses non désirées surviennent aux âges jeunes, c’est surtout le caractère « hors union » de la grossesse qui fait qu’elle est considérée comme « non désirée » et interrompue. En outre, les femmes qui ont déjà avorté ou utilisé une contraception sont plus enclines à recourir à un avortement. Les résultats montrent également que le partenaire soutient souvent la femme dans la décision d’avorter et s’acquitte des coûts dans la majorité des cas. Malgré le fait qu’ils soient illégaux, plus de 40 % des avortements sont pratiqués à Lomé dans des centres de santé, par un membre du personnel médical, et à l’aide du curetage ou de l’aspiration. Mais, la moitié de ces avortements (22 %) avait été tentée au préalable par des méthodes non médicales. Plusieurs avortements ont aussi lieu soit à domicile (36 %), soit chez des tradi-thérapeutes (24 %), grâce à des méthodes non médicales. Par ailleurs, près de 60 % des avortements ont entraîné des complications sanitaires, conduisant la majorité des femmes à une hospitalisation. Sur le plan psychologique et relationnel, nous avons montré que la plupart des avortements ont entraîné des regrets et remords, de même que des problèmes entre les femmes et leurs parents. Les parents soutiennent en fait peu les femmes dans la décision d’avorter et interviennent rarement dans le paiement des coûts. L’étude a enfin révélé que la loi sur l’avortement est peu connue. Cependant, être âgée de 25 ans ou plus, en union ou très instruite, connaître des méthodes contraceptives, le recours d’une parente ou amie à l’avortement sont associés, toutes choses égales par ailleurs, à une plus grande chance de connaître la loi. L’analyse, en appuyant des déclarations des professionnels de la santé et des femmes, montre que malgré sa forte prévalence à Lomé, le recours à l’avortement demeure largement stigmatisé. Les quelques professionnels et femmes qui se sont prononcés en faveur de sa légalisation pensent que celle-ci permettrait de « réduire les avortements clandestins et risqués ». En fait, ce sont les femmes les plus instruites, âgées de 25 ans ou plus, utilisant la contraception, ayant déjà avorté ou connaissant quelqu’un l’ayant fait, qui sont plus aptes à approuver la légalisation de l’avortement. Celles qui appartiennent aux églises de type « pentecôtiste », plus sévères quant aux relations sexuelles hors mariage, sont par contre moins susceptibles que les catholiques d’avoir une telle attitude positive. / Induced abortion remains a taboo topic in Togo and the understanding of the phenomenon is still incomplete. This study aims to provide more complete portrait of its various aspects in the Togolese capital city, Lomé, where an important decrease in fertility has occurred during recent years. Using data from the 1988 and 1998 Demographic and Health Surveys (DHS) and from the 2002 Survey on Family Planning and Induced Abortion (EPAP), results clearly show that induced abortion prevalence has increased in Lomé, although the estimate of its magnitude depends on the method used. Overall, more than 32 % of ever-pregnant women declare having had at least one abortion. However, abortion is more common among young women, who make use of it at an earlier age and more frequently than older women. The intensity of abortion should then reduce fertility by 10 to 12 %. Using data from EPAP, conducted among 4755 women aged 15-49, we approached the abortion as a sequence of stages beginning with exposure to a pregnancy, going through a lack of contraceptive use and a declaration of a pregnancy as “unwanted” by the woman, and ending with abortion. While ethnicity and generation influence certain stages leading to the abortion, women’s religion, marital status and age, educational attainment and parity have significant association with all four stages. Thus, the expected high risk of abortion among educated women results from their higher likelihood at all stages. Even if they are less at risk of a pregnancy, women who have at least two children are more likely to use modern contraception, to declare a pregnancy as unwanted and to end it through abortion, compared to childless women. Even if several unwanted pregnancies occur at younger ages, it is mainly the “out of wedlock” character of the pregnancy that leads it to be considered as unwanted and to be interrupted. In addition, women who had a previous abortion or who used contraception are more likely to resort to abortion. The study also shows that the partner often supports the woman in the abortion decision-making process, and, in most cases, he pays the related costs. Even though they are clandestine, more than 40 % of abortions in Lomé are performed in healthcare centers by medical staff, and by using curettage or aspiration. However, in half of these cases (22 %), abortions had been previously attempted using non-medical methods. Probably to keep the abortion secret, many abortions also take place either at home (36 %) or through traditional therapists (24 %) using non-medical abortion methods. Consequently, almost 60 % of abortions resulted in health complications, leading the majority of women to hospitalization. On the psychological and relational side, we find that most women who have had abortions express regrets and remorse, and also commonly speak of problems between themselves and their parents. In fact, parents are rarely involved in the abortion decision-making and almost never pay the abortion fees. Finally, this study shows that the abortion law is barely known in Lomé. However, being older than 24 years, in a relationship or highly educated, having knowledge of contraceptive methods, having a relative or a friend who had an abortion are associated, other factors being equal, to a better knowledge of the law. By supporting qualitative statements from health professionals and women, the analysis illustrated that, despite its high prevalence in Lomé, abortion remains widely stigmatized. The few professionals and women, who are in favour of its legalization, believe that this would “reduce illegal and unsafe abortions”. Opinion on the legalization of abortion, which remains a sensitive and little studied topic, is influenced by women’s characteristics, especially their religion. In fact, women attending “Pentecostal churches”, which are less tolerant of sexual relations outside marriage, are less likely than Catholics to approve the legalization of abortion. The most educated and older women, those who use contraception, who had an abortion or know someone who had an abortion, are also more likely to have such positive attitude.
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Recours à l’avortement provoqué à Lomé (Togo) : évolution, facteurs associés et perceptions

N'Bouke, Afiwa 07 1900 (has links)
Le sujet de l’avortement provoqué demeure encore tabou au Togo et la compréhension du phénomène reste incomplète. La présente étude vise à dresser un portrait complet de ses divers aspects dans la capitale togolaise, qui a connu une baisse importante de la fécondité au cours des dernières années. À partir des données des Enquêtes démographiques et de santé (EDS) de 1988 et 1998, et de celles de l’Enquête sur la planification familiale et l’avortement provoqué (EPAP) de 2002, l’étude montre que le recours à l’avortement est à la hausse à Lomé, bien que l’estimation de son ampleur dépende de la méthode utilisée. Plus de 32 % des femmes ayant déjà été enceintes ont déclaré avoir avorté au moins une fois. Toutefois, l’avortement est plus fréquent chez les jeunes, qui y ont recours de manière plus précoce et plus rapprochée que leurs aînées. En contribuant ainsi à la régulation des naissances, l’avortement réduit la fécondité de 10 à 12 %. En utilisant les données de l’EPAP, réalisée auprès de 4755 femmes âgées de 15-49 ans, nous avons aussi étudié le recours à l’avortement comme une séquence d’étapes débutant par l’exposition au risque de grossesse jusqu’au recours à l’avortement, en passant par une absence de pratique contraceptive et le fait qu’une grossesse qui survient soit déclarée « non désirée ». L’ethnie et la génération sont associées à certaines étapes de la séquence alors que la religion, la parité, le statut matrimonial et le niveau d’instruction sont associés aux quatre étapes. Ainsi, le risque élevé d’avorter chez les femmes instruites découle en fait de leur risque élevé à toutes les étapes. En étant moins à risque de grossesse, les femmes qui ont au moins deux enfants sont plus susceptibles que les nullipares, d’utiliser une contraception moderne, de déclarer une grossesse comme non désirée et d’avorter. Si plusieurs grossesses non désirées surviennent aux âges jeunes, c’est surtout le caractère « hors union » de la grossesse qui fait qu’elle est considérée comme « non désirée » et interrompue. En outre, les femmes qui ont déjà avorté ou utilisé une contraception sont plus enclines à recourir à un avortement. Les résultats montrent également que le partenaire soutient souvent la femme dans la décision d’avorter et s’acquitte des coûts dans la majorité des cas. Malgré le fait qu’ils soient illégaux, plus de 40 % des avortements sont pratiqués à Lomé dans des centres de santé, par un membre du personnel médical, et à l’aide du curetage ou de l’aspiration. Mais, la moitié de ces avortements (22 %) avait été tentée au préalable par des méthodes non médicales. Plusieurs avortements ont aussi lieu soit à domicile (36 %), soit chez des tradi-thérapeutes (24 %), grâce à des méthodes non médicales. Par ailleurs, près de 60 % des avortements ont entraîné des complications sanitaires, conduisant la majorité des femmes à une hospitalisation. Sur le plan psychologique et relationnel, nous avons montré que la plupart des avortements ont entraîné des regrets et remords, de même que des problèmes entre les femmes et leurs parents. Les parents soutiennent en fait peu les femmes dans la décision d’avorter et interviennent rarement dans le paiement des coûts. L’étude a enfin révélé que la loi sur l’avortement est peu connue. Cependant, être âgée de 25 ans ou plus, en union ou très instruite, connaître des méthodes contraceptives, le recours d’une parente ou amie à l’avortement sont associés, toutes choses égales par ailleurs, à une plus grande chance de connaître la loi. L’analyse, en appuyant des déclarations des professionnels de la santé et des femmes, montre que malgré sa forte prévalence à Lomé, le recours à l’avortement demeure largement stigmatisé. Les quelques professionnels et femmes qui se sont prononcés en faveur de sa légalisation pensent que celle-ci permettrait de « réduire les avortements clandestins et risqués ». En fait, ce sont les femmes les plus instruites, âgées de 25 ans ou plus, utilisant la contraception, ayant déjà avorté ou connaissant quelqu’un l’ayant fait, qui sont plus aptes à approuver la légalisation de l’avortement. Celles qui appartiennent aux églises de type « pentecôtiste », plus sévères quant aux relations sexuelles hors mariage, sont par contre moins susceptibles que les catholiques d’avoir une telle attitude positive. / Induced abortion remains a taboo topic in Togo and the understanding of the phenomenon is still incomplete. This study aims to provide more complete portrait of its various aspects in the Togolese capital city, Lomé, where an important decrease in fertility has occurred during recent years. Using data from the 1988 and 1998 Demographic and Health Surveys (DHS) and from the 2002 Survey on Family Planning and Induced Abortion (EPAP), results clearly show that induced abortion prevalence has increased in Lomé, although the estimate of its magnitude depends on the method used. Overall, more than 32 % of ever-pregnant women declare having had at least one abortion. However, abortion is more common among young women, who make use of it at an earlier age and more frequently than older women. The intensity of abortion should then reduce fertility by 10 to 12 %. Using data from EPAP, conducted among 4755 women aged 15-49, we approached the abortion as a sequence of stages beginning with exposure to a pregnancy, going through a lack of contraceptive use and a declaration of a pregnancy as “unwanted” by the woman, and ending with abortion. While ethnicity and generation influence certain stages leading to the abortion, women’s religion, marital status and age, educational attainment and parity have significant association with all four stages. Thus, the expected high risk of abortion among educated women results from their higher likelihood at all stages. Even if they are less at risk of a pregnancy, women who have at least two children are more likely to use modern contraception, to declare a pregnancy as unwanted and to end it through abortion, compared to childless women. Even if several unwanted pregnancies occur at younger ages, it is mainly the “out of wedlock” character of the pregnancy that leads it to be considered as unwanted and to be interrupted. In addition, women who had a previous abortion or who used contraception are more likely to resort to abortion. The study also shows that the partner often supports the woman in the abortion decision-making process, and, in most cases, he pays the related costs. Even though they are clandestine, more than 40 % of abortions in Lomé are performed in healthcare centers by medical staff, and by using curettage or aspiration. However, in half of these cases (22 %), abortions had been previously attempted using non-medical methods. Probably to keep the abortion secret, many abortions also take place either at home (36 %) or through traditional therapists (24 %) using non-medical abortion methods. Consequently, almost 60 % of abortions resulted in health complications, leading the majority of women to hospitalization. On the psychological and relational side, we find that most women who have had abortions express regrets and remorse, and also commonly speak of problems between themselves and their parents. In fact, parents are rarely involved in the abortion decision-making and almost never pay the abortion fees. Finally, this study shows that the abortion law is barely known in Lomé. However, being older than 24 years, in a relationship or highly educated, having knowledge of contraceptive methods, having a relative or a friend who had an abortion are associated, other factors being equal, to a better knowledge of the law. By supporting qualitative statements from health professionals and women, the analysis illustrated that, despite its high prevalence in Lomé, abortion remains widely stigmatized. The few professionals and women, who are in favour of its legalization, believe that this would “reduce illegal and unsafe abortions”. Opinion on the legalization of abortion, which remains a sensitive and little studied topic, is influenced by women’s characteristics, especially their religion. In fact, women attending “Pentecostal churches”, which are less tolerant of sexual relations outside marriage, are less likely than Catholics to approve the legalization of abortion. The most educated and older women, those who use contraception, who had an abortion or know someone who had an abortion, are also more likely to have such positive attitude.

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