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"Nova et Vetera" : o de cómo fue apropiada la filosofía neotomista en Colombia, 1868-1930 (catolicismo, educación y modernidad desde un país poscolonial latinoamericano)/“Nova et Vetera” : l'appropriation de la philosophie néothomiste en Colombie, 1868-1930 (catholicisme, éducation et modernité depuis un pays postcolonial latino-américain/"Nova et Vetera" : how the neo scholastic philosophy was appropriated in Colombia, 1868-1930 (catholicism, education and modernity from a postcolonial perspective)Saldarriaga Vélez, Oscar 07 September 2005 (has links)
Le sujet central de cette recherche est la manière dont le mouvement intellectuel et politique connu sous le nom de «restauration de la philosophie de saint Thomas d'Aquin» a influencé l'enseignement en Colombie, entre 1968 et 1930. La Colombie apparaît, avec le Canada, comme l'un des rares pays où les conditions politiques ont favorisé le développement de « l'expérience néothomiste » jusqu'à « ses dernières conséquences ». Son analyse revêt donc une portée qui dépasse les bornes d'une simple « étude de cas ». En effet, la Colombie fut presque le seul pays latino-américain où, à la fin du XIXe siècle, un parti conservateur catholique, par le biais d'une alliance avec une aile libérale modérée, mit sur pied une constitution qui, doublée d'un Concordat signé avec le Sainte Siège, déclara le catholicisme comme « la religion de la nation » et soumit le système d'instruction officiel au contrôle doctrinal de l'Église. À partir de cette donnée, la plupart des analystes colombiens et étrangers ont diagnostiqué comme l'une des causes du retard, voire l'échec, des projets de modernisation scientifique et politique du pays, l'hégémonie de la philosophie néoscolastique. Cette mouvance a été menée de manière conjointe par Mgr. Rafael María Carrasquilla (1857-1930) surnommé « le Mercier colombien », recteur à vie du Colegio Mayor de Nuestra Señora del Rosario depuis 1890, et par plusieurs communautés religieuses -les jésuites, les frères des écoles chrétiennes, les maristes, les religieuses de la Présentation, les sœurs béthlemites, et autres. Le néothomisme, on a dit, fut l'écueil qui empêcha l'entrée en Colombie de la philosophie kantienne et l'arrivée de sa culture à l'incontournable « âge de raison », jusqu'à 1930 quand le parti libéral reprit le pouvoir. Et encore plus tard, si l'on considére que les programmes officiels de philosophie utilisés au baccalauréat et dans les universités ont été surveillés par la hiérarchie ecclésiastique jusqu'aux anées soixante, et que les derniers manuels scolaires d'inspiration thomiste furent édités en 1975.
je me suis intéressé à l'histoire du néothomisme à partir d'une métaphore : celle d'une machinerie dogmatique de négociation pour concilier les rapports Science/Foi. Elle m'a permis de développer l'hypothèse suivante: l'enjeu de la philosophie néothomiste était de fournir aux catholiques une «voie moyenne », un instrument de négociation intellectuelle et politique qui bénéficiait a la fois des prestiges de la Tradition et du dynamisme de la Nouveauté. Ce n'est pas par hasard que sa devise était Nova et Vetera, ou Vetera novis augere et perficere : «augmenter et perfectionner l'ancien avec le nouveau».
Le défi était de comprendre les mécanismes par lesquels le néothomisme a construit sa légitimité et validité auprès des savoirs philosophiques et scientifiques : l'accord entre les vérités absolues du dogme religieux avec les vérités relatives de la science, et le triage entre "le vrai et le faux" dans la pensée moderne. C'est pourquoi j'ai choisi, au niveau théorique, d'analyser cette question à la lumière de deux concepts: d'un côté, celui de régimes de vérité ou de véracité -les systèmes que déterminent historiquement les rapports vrai/faux dans une société-, du sceau de Michel Foucault, et de l'autre, celui de régimes de croyance ou de crédibilité -les règles qu'ont régi les rapports croyable/non-croyable- proposé par Michel de Certeau. Et au niveau pratique, le système de enseignement secondaire s'avérait comme un lieu d'observation privilégié: le champ où la philosophie, la science et la pédagogie négociaient leur contentieux sur les rapports entre le sujet et la vérité au fil des affrontements entre « le pouvoir pastoral » et le « pouvoir politique » dans les sociétés occidentales et occidentalisées.
Je me suis penché; d'abord, sur l'axe pédagogique, en parcourant l'histoire de l'éducation secondaire en Colombie le long du XIXe siècle, en repérant les évolutions du curriculum où l'on accordait des places et des fonctions à la philosophie : on a vu défiler les cours de logique, de psychologie, de métaphysique, de grammaire générale et raisonée et d'Idéologie, dans la foulée des luttes pour l'hégémonie sur les méthodes de connaissance et de conduite à utiliser dans la formation des nouvelles couches de lettrés. C'est ainsi que en Colombie, le rôle de la philosophie en tant que "couronnement" des études secondaires,ne s'est mise en place que très lentement. L'organisation d'un système officiel d'instruction "moderne" c-à-d, échelonné à trois niveaux (primaire; secondaire et universitaire) et axé sur ce rite de passage qui est le baccalauréat, a démarré à peine en 1892, de la main des communautés religieuses enseignantes apelées au pays par le régime politique de "la regeneracion", et en coïncidence avec la mouvance néothomiste globale.
La thèse dévelopée par M. Foucault dans son livre Les mots et les choses m'a ouvert aux enjeux conceptuels d'un autre manuel qui obséda les lettrés colombiens le long du XIXe siècle, les Éléments d'Idéologie du comte Destutt de Tracy. En même temps, il mets en lumière une espèce de mouvement tectonique sous-jacent aux querelles entre anciens et modernes au XIXe siècle: l'enjeu était de se frayer un passage entre deux modes incompatibles d'envisager la science: les méthodes déductives de la science rationnelle -mathématique- et les méthodes inductives de la science expérimentale. Ce faisant, la frontière accordée jusqu'alors entre le domaine de «l'objectivité » ,et celui de «la subjectivité» a été bouleversée à cause de cette tension que Foucault a appelé empirico-trascendentale. Voici donc, la clé qui explique l'ambiguïté épistémologique dans laquelle se sont constitués lesdites sciences de l'homme, et qui a marqué toutes les «systèmes de pensée » nés tout au long de ce siècle, y compris la néoscolastique.
la comparaison nous a delivré la grille d'appropriation de la néoscolastique, c-à-d, le reseau de questions théoriques et pratiques à laquelle le néothomisme a du donner réponse autant de façon globale que locale.
Cette grille peut être décrite comme suit:
Le concordisme épistémologique entre les vérités absolues du dogme avec les vérités relatives de la science est rendu possible grâce à la formulation suivante: "Il faut reconnaître deux types de vérités, d'après sa source: primo, des vérités qui procédent de l'expérience, et cause de quoi elles sont relatives et muables, ce son les appelées objectives. Sécond, des vérités qui sont produites par le sujet lui-même hors de toute expérience, tels les vérités mathématiques. Elles sont immuables et absolues, et on les appele subjectives".
Or, il se fait que la distinction subjectif/objectif avait été thematisée de façon critique par Kant dès la fin du XVIII siècle, mais elle fut vulgarisée au XIXe siècle, dans la version tronquée -positiviste- que je viens de reférer, par Auguste Comte, et surtout, par Claude Bernard, dont l'Introduction à la médecine expérimentale, publiée en 1865, commença à être lue en Colombie depuis 1867. Cet enoncé; que j'appele "la charnière bernardienne" et qui a connu plusieures versions seculièeres ou religieuses -c'est ma thèse la plus forte-, a fourni un dispositif de négotiation, de "conciliation illusoire d'incompatibles" dont le néothomisme a profité pour faire passer l'idée de Dieu du côté des idéés subjectives. Et cet enoncé a été, d'après cette recherche, l'option stratégique que l'intelligentzia colombienne a appropriée pour la modernisation du pays; d'abord dans sa version séculaire et après dans la version catholique ou néoscolastique.
Or, une telle notion de vérité était vouée à l'échec du point de vue scientifique, comme l'a montré l'histoire des "systèmes de métaphysique scientifique" tels que le positivisme; l'évolutionisme, et d'autres, dans lesquels je propose d'inclure le néothomisme. Mais cet échec epistémologique s'est vu doubler d'un succès pédagogique qui, à mon avis, explique finalement la survie de toutes ces "philosophies" dans la plupart des systèmes educatifs du XXe siècle, : il s'est fait, que la "charnière bernardienne" a pu être traduite, aussi à plusieurs versions; dans une pyramide qui échelonne les modes de la connaissance humaine à trois étages: à la base, le sens commun (ou ensemble de vérités universels qui devraient être partagées pour tout être humain en tant que rationnel); au deuxième lieu, les vérités scientifiques (qui sont considérées en tant que donées objectifs apportés par les sciences positives), et le tout couronné par la philosophie, celle qui ramène toute connaissance, commune et scientifique, à l'unité, au vrai, au beau, et au bon. Une fois que le sujet -le jeune homme- a été soumis à ce parcours; la société et lui-même, peuvent être rassurés, parce il a appris la discipline de la verité, peu importe le contenu que cette philosophie scolaire ait prise.
Voilà pourquoi, s'il fallait que j'exprime mes résultats dans une seule phrase, -un peu trop publicitaire, hélas- je pourrais dire que le néothomisme a été une version du positivisme, ou la version catholique du positivisme, ou peut être, l'une des versions catholiques du positivisme, qui a eu son succés grâce à la pédagogie et non plus à l'épistémologie.
Mais alors, on se demande de plein droit, à quoi reconnait-on le positivisme? J'ai suggeré ici quelques pistes; mais elles constituent le matériau d'une recherche que j'entame à peine dans la compagnie d'une équipe de collègues et d'éleves, une recherche aussi engagée que celle-ci, du point de vue de nos pays postcoloniaux latinoaméricains.
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