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Le néak sraè, riziculteur khmer : mobilité paysanne, localité et communauté au Cambodge postcolonialMénard, Yann 02 1900 (has links)
Dans le Cambodge angkorien, les souverains khmers administraient une paysannerie mouvante par le biais de temples-palais. Lorsque les Français prennent le contrôle, en 1845, ils se retrouvent devant une « masse paysanne inorganisée, inorganique même » (Delvert, 1961 : 201) et restent « confondus devant la mobilité des Cambodgiens » (Forest, 1980 : 30). À l’époque postcoloniale, les ethnologues feront essentiellement le même constat, pendant que John F. Embree (1950) proposera de catégoriser les sociétés indianisées du Sud-Est asiatique comme étant « loosely structured » : postulant une faible intégration individuelle des structures sociales donnant lieu à une prévalence de comportements individualistes ad hoc et à des communautés sans réelle organisation. La proposition fera école.
Ces observations paraissent justes, mais l’analyse infructueuse. La structure dont parle Embree s’appuie sur une culture hautement syncrétique qui se reflétait aléatoirement dans les comportements. Mais l’organisation sociale khmère se trouve ailleurs : dans les solutions organisationnelles qui gouvernent les choix des individus lorsqu’ils doivent se regrouper afin d’effectuer des tâches récurrentes. À ce titre, les paysans khmers évoluaient dans une organisation sociale rigoureusement minimaliste et flexible. La maisonnée était l’élément essentiel, tandis que la communauté territoriale locale était contingente et fluctuante. Dans l’environnement naturel généreux du Cambodge, un petit groupe d’individus mobiles réunis sous un même toit pouvait aisément accomplir toutes les tâches nécessaires à sa survie. Alors on ne s’attachait jamais indéfiniment à une localité : seulement à des communautés sans cesse en évolution, centrées autour de pagodes agissant comme des ports d’ancrage. / In Angkorian Cambodia, Khmer rulers administered a moving peasantry through temple-palaces. When the French took over, in 1845, they found what administrators called an unorganized mass of peasants, “even inorganic” (Delvert, 1961: 201) and were confounded by Cambodian peasants’ mobility (Forest, 1980: 30). During the postcolonial era, ethnologists essentially came to the same conclusions, while John F. Embree (1950) proposed to categorize South-East Asian indianized societies as “loosely structured”. He postulated that the prevalence of ad hoc individualistic behavior and the lack of organization found in communities were due to a weak integration of social structures at the individual level. Many ethnologists followed in Embree’s path.
These observations appear just but the analysis seems unfruitful. Embree’s structure is modeled on a highly syncretic Khmer culture which was randomly reflected in individual behavior indeed. But Khmer social organization lies elsewhere: In the organizational strategies which govern individual choices when groups must come together to accomplish recurring tasks. In this respect, Cambodian peasants evolved in a social organization that was rigorously minimalistic and flexible. The household was the essential element here, while the local territorial community was incidental. In Cambodia’s generous natural environment, a small mobile group of individuals united under one roof could easily accomplish all the tasks essential to their survival. Thus the Khmer never attached themselves indefinitely to a locality: Only to ever evolving communities, centered on pagodas which acted as anchor harbors.
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Le néak sraè, riziculteur khmer : mobilité paysanne, localité et communauté au Cambodge postcolonialMénard, Yann 02 1900 (has links)
Dans le Cambodge angkorien, les souverains khmers administraient une paysannerie mouvante par le biais de temples-palais. Lorsque les Français prennent le contrôle, en 1845, ils se retrouvent devant une « masse paysanne inorganisée, inorganique même » (Delvert, 1961 : 201) et restent « confondus devant la mobilité des Cambodgiens » (Forest, 1980 : 30). À l’époque postcoloniale, les ethnologues feront essentiellement le même constat, pendant que John F. Embree (1950) proposera de catégoriser les sociétés indianisées du Sud-Est asiatique comme étant « loosely structured » : postulant une faible intégration individuelle des structures sociales donnant lieu à une prévalence de comportements individualistes ad hoc et à des communautés sans réelle organisation. La proposition fera école.
Ces observations paraissent justes, mais l’analyse infructueuse. La structure dont parle Embree s’appuie sur une culture hautement syncrétique qui se reflétait aléatoirement dans les comportements. Mais l’organisation sociale khmère se trouve ailleurs : dans les solutions organisationnelles qui gouvernent les choix des individus lorsqu’ils doivent se regrouper afin d’effectuer des tâches récurrentes. À ce titre, les paysans khmers évoluaient dans une organisation sociale rigoureusement minimaliste et flexible. La maisonnée était l’élément essentiel, tandis que la communauté territoriale locale était contingente et fluctuante. Dans l’environnement naturel généreux du Cambodge, un petit groupe d’individus mobiles réunis sous un même toit pouvait aisément accomplir toutes les tâches nécessaires à sa survie. Alors on ne s’attachait jamais indéfiniment à une localité : seulement à des communautés sans cesse en évolution, centrées autour de pagodes agissant comme des ports d’ancrage. / In Angkorian Cambodia, Khmer rulers administered a moving peasantry through temple-palaces. When the French took over, in 1845, they found what administrators called an unorganized mass of peasants, “even inorganic” (Delvert, 1961: 201) and were confounded by Cambodian peasants’ mobility (Forest, 1980: 30). During the postcolonial era, ethnologists essentially came to the same conclusions, while John F. Embree (1950) proposed to categorize South-East Asian indianized societies as “loosely structured”. He postulated that the prevalence of ad hoc individualistic behavior and the lack of organization found in communities were due to a weak integration of social structures at the individual level. Many ethnologists followed in Embree’s path.
These observations appear just but the analysis seems unfruitful. Embree’s structure is modeled on a highly syncretic Khmer culture which was randomly reflected in individual behavior indeed. But Khmer social organization lies elsewhere: In the organizational strategies which govern individual choices when groups must come together to accomplish recurring tasks. In this respect, Cambodian peasants evolved in a social organization that was rigorously minimalistic and flexible. The household was the essential element here, while the local territorial community was incidental. In Cambodia’s generous natural environment, a small mobile group of individuals united under one roof could easily accomplish all the tasks essential to their survival. Thus the Khmer never attached themselves indefinitely to a locality: Only to ever evolving communities, centered on pagodas which acted as anchor harbors.
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