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Destruction, puissance et limites du cinéma dans les films d'Ozu YasujirôBeth, Suzanne 01 1900 (has links)
Cette thèse de doctorat se rapporte aux films du cinéaste japonais Ozu Yasujirô (1903-1963) suivant l'hypothèse principale que les enjeux de la destruction qui y sont mis en scène, sous la forme de la disparition des liens familiaux et de la mort, ne peuvent être éclairés par la narration, dont le caractère non dramatique est notoire. En figurant la dislocation de la famille, les films d'Ozu rendent plutôt compte de la vulnérabilité du monde à la prise cinématographique : la destructivité du médium s'y énonce comme sa capacité à mobiliser ce qui entre dans son champ et à le transformer en faire-valoir de son aptitude à produire des effets. Cette étude fait ainsi apparaître les images animées, en tant qu'elles relèvent de la logique technique régie par la modernité, comme une forme de désastre, qui atteint la famille comme expérience de la communauté, c'est-à-dire comme rapport constitutif à un hors-de-soi. Mais à cette destructivité fait également face, au sein même de la pratique cinématographique d'Ozu, une autre possibilité du cinéma, qui peut restaurer ces liens menacés.
Cette étude du cinéma d'Ozu montre sa profonde affinité avec la pensée du désœuvrement élaborée par Giorgio Agamben, les films du cinéaste et les travaux du philosophe s'éclairant mutuellement. Le concept de désœuvrement permet de reconsidérer les enjeux essentiels des films d'Ozu à un niveau à la fois thématique et formel, immatériel et matériel, articulant ces deux facettes pour en considérer le registre proprement médiatique. Le propos n'est pas essentiellement esthétique ou formaliste, mais s'intéresse avant tout au travail d'Ozu du point de vue des enjeux éthiques du cinéma, qui se formulent en termes de relation à sa puissance. Celle-ci concerne aussi bien l'attention d'Ozu à la vie collective que le soin qu'il porte aux potentialités expressives du cinéma, c'est-à-dire à la manière dont il se rapporte aux limites de son médium. / In this dissertation, the films of Japanese director Ozu Yasujirô (1903-1963) are studied according to the main hypothesis that the destruction they picture – disappearing family bonds, death – cannot be accounted for by plot development, its non-dramatic stance being well-known. As it is depicted in his films, family dissolution in fact testify for the world's vulnerability to cinematographic take: the medium's destructivity is especially expressed as an ability to mobilize what comes into its range and to transform it as a stooge for its own capacity to produce effects. This study then portrays moving images, inasmuch as they conform to the logic of modern technology, as a kind of disaster affecting family as a commununity, as an experience of being out-of-oneself. But Ozu's cinematographic practice shows as well ways to face such a destructivity, and points to another, restaurative potentiality for cinema.
This study of Ozu's cinema shows its profound affinity with Giorgio Agamben's conception of inoperativeness, the filmmaker's work and the philosopher's thought throwing light on each other. Through the concept of inoperativeness, the issues at the heart of Ozu's films are considered anew at a level both thematic and formal, immaterial and material, articulating these two aspects in order to tackle their very mediatic register. My approach, then, is not foremost aesthetic or formal but focuses on Ozu's films from the point of view of practice: it deals with ethical issues raised by the cinematographic medium, which express themselves in relation to power (or potentiality). This ethical concern relates to Ozu's attention to collectivity as well as to his care for cinema's expressive potentialities that is to say to the way in which his films face their medium's limits.
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