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« Ça dépend » : converser, publier et scroller sur les réseaux sociaux à l’adolescenceParent, Emmanuelle 11 1900 (has links)
Les adolescentes et adolescents multiplient leurs activités sur Instagram, Snapchat, Tiktok et autres réseaux sociaux. Cette présence en ligne inquiète puisque plusieurs recherches corrèlent l’exposition aux écrans à certains impacts négatifs sur le bien-être. Ces préoccupations vis-à-vis le temps-écran mènent l’État, les entreprises et les organismes communautaires à proposer des recommandations qui visent l’autorégulation. Bien qu’intéressante, cette approche en prévention éclipse les dynamiques collectives mises en lumière par les études en sciences sociales qui rapportent la perspective des ados, suggérant que les réseaux sociaux jouent un rôle important dans le maintien de relations sociales et l’expression personnelle. Cette thèse se penche sur les façons dont les personnes adolescentes participent collectivement et au quotidien à la médiatisation de pratiques sociales dans l’écosystème des plateformes, particulièrement via les réseaux sociaux. Elle rappelle l’importance d’écouter les ados avec leur allégresse, leurs incertitudes et leurs contradictions, afin d’incorporer davantage les questions sociales lorsqu’on parle de leur utilisation des réseaux sociaux, notamment en développant des interventions qui les concernent.
L’aspect social de la question de recherche est d’abord observé à travers le concept sensibilisateur de la deep mediatization, rappelant que les pratiques mises en données aujourd’hui sont le berceau des transformations sociales de demain. Avec une attention particulière à l’écosystème des plateformes, les mécanismes de datafication, commodification et sélection ainsi que les affordances permettent de faire un pont entre l’expérience rapportée par les jeunes, la formation de normes sociales, et l’architecture des réseaux sociaux. Mobilisant une méthodologie qualitative, cette démarche donne une voix à des jeunes de 14 à 17 ans de milieux différents, en documentant leur expérience des médias sociaux grâce à une analyse thématique de 19 entrevues et de 2 groupes de discussion. Les résultats de la thèse documentent les façons nuancées dont les personnes adolescentes composent avec leurs relations sociales et la panoplie de fonctionnalités pour converser, publier et scroller. Ces pratiques sociales génèrent des données qui peuvent bénéficier aux réseaux sociaux, et nous invitent à considérer l’ado non pas comme une victime des effets des plateformes, mais comme une personne occupant un rôle actif dans le façonnement de leur écosystème.
Cinq normes sont identifiées pour étudier la force injonctive du collectif dans les pratiques des ados: 1) la sensibilité à autrui au moment de converser; 2) la disponibilité en tout temps pour converser; 3) la fréquence et la qualité du contenu partagé selon le type de publication; 4) se présenter authentiquement conforme et 5) scroller sur les réseaux sociaux les plus populaires. Enfin, on apprend que les ados considèrent davantage les relations sociales que les fonctionnalités lorsqu’une pratique est collectivement imbriquée, comme l’entretien d’une conversation médiatisée ou la publication. Et à l’opposé, les ados se disent plus affecté.e.s par les fonctionnalités du réseau social quand l’activité est réalisée individuellement, comme scroller. Comprendre l’agentivité de l’environnement en ligne et son processus normatif selon le caractère social d’une pratique nous informe de nouvelles manières d’intervenir auprès des ados pour une utilisation plus lucide du numérique. / Adolescents are using Instagram, Snapchat, Tiktok and other social media more than ever
before. Their increased presence online is worrisome because a number of studies
establish correlations between screen time and negative impacts on well-being. Concerns
about the amount of time spent with screens have led governments, companies and
community organizations to issue recommendations that call for self-regulation of time
spent online. Despite its benefits, this approach to prevention fails to consider the
collective dynamics highlighted by social science research that, drawing on adolescents’
perspectives, illustrate the important role of social media in personal expression and
maintaining social relationships. This thesis examines the ways in which adolescents
participate collectively and on a daily basis in the mediatization of social practices within
an ecosystem of platforms, particularly through their activities on social media. It argues
for the importance of listening to adolescents’ voices, with all their enthusiasm,
uncertainties, and contradictions, in order to look beyond individual uses of social media
when designing programs and interventions that concern them.
We frame our observations using the sensitizing concept of deep mediatization, that
reminds us how today’s data practices are the source of tomorrow’s societal
transformations. Within an ecosystemic perspective on digital platforms, the concept of
affordances establishes links between the mechanisms of datafication, commodification
and selection, platform architectures, the formation of social norms and youth’s
experiences on social media. Using a qualitative methodology, we documented the social
media experiences of young people aged 14 to 17 from a variety of backgrounds, through
a thematic analysis of 19 interviews and two focus groups. The results document the
subtle ways that adolescents manage their social relationships and the multiple
functionalities offered by these media to converse online, post content and scroll. While
direct messaging, posting and scrolling all generate data that fuel the economic model of
various social media platforms, the active role of young people on social media invites us
to consider adolescents not as victims needing protection from social media but as fullfledged
participants in shaping their ecosystem.
The injunctive effect of the community on adolescents’ practices is apparent in five norms
identified from their comments : 1) being sensitive to others while direct messaging; 2)
the expectation of constant availability to converse online; 3) implicit rules about the
frequency and quality of content posted according to the type of publication; 4)
presenting oneself authentically while fitting in (i.e. being a unique individual but not too
different); and 5) scrolling on the most popular social media. Our results demonstrate
that when a practice is collectively configured and visible, as in the case direct messaging
or posting, adolescents rely heavily on social cues and relationships and platform
functionalities have limited effects. In contrast, they appear to be more dependent on
what the platforms propose when an activity, like scrolling, is primarily individual.
Understanding how the agency of the online environment and the normative processes
at work vary according to the social characteristics of different social media practices
opens the door to imagining new ways of intervening in order to encourage a more lucid
use of digital environments by youth.
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