Ma thèse a pour thème la lutte pour la reconnaissance menée dans le cadre d'un État multinational qui est aujourd'hui institué en Bolivie comme modèle d'organisation politique. Parler de reconnaissance m'amènera à parler également de majorités traitées comme « minorités » nationales à l'intérieur de l'État-nation, et plus particulièrement de la relation qu'ont entretenue les autochtones boliviens avec l'État et la société. Pour moi, parler de reconnaissance suppose qu'il faut réfléchir sur les asymétries créées durant la colonie et renforcées par le système libéral et sa gouvernance dans la République. Les asymétries auxquelles je fais référence se fondent entre autres sur la différenciation d'application et de distribution de droits qui a nui l'autonomie des individus et particulièrement celle des Autochtones. Le vécu des autochtones boliviens s'est passé dans un cadre de déni de justice. En ce sens, l'injustice - ou déni de justice - est un élément crucial dans la mesure où elle permet d'organiser et de structurer l'ensemble des règles (Constitution politique de l'État et diverses lois) justifiant la discrimination, l'exclusion, la disqualification et l'invisibilité des Autochtones. Par ailleurs, le mépris et le déni de justice ont été les éléments ayant mobilisé les méprisés autour de la lutte pour la reconnaissance. C'est pour cela qu'à juste titre Nancy Fraser signale que « c'est à partir de l'injustice vécue que se déploie la lutte pour la reconnaissance » (Fraser 2002) de tous ces groupes marginalisés et méprisés (femmes, minorités visibles, homosexuels, trans et autochtones). J'ai dressé une analyse sociohistorique de la relation des autochtones avec l'État (au sens large : État colonial et républicain) pour examiner la non-reconnaissance dans le contexte. Je montre que les différents rapports souvent conflictuels entre les institutions et les Autochtones le sont en raison du refus de reconnaissance des cultures autochtones. J'ai également analysé les différentes constitutions du pays - dix-sept en tout - qui montrent une répétition sinon une résistance à intégrer les Autochtones. On voit notamment très clairement à travers l'article de la citoyenneté que l'on renforce l'exclusion de l'Indien. J'analyse aussi ce que j'ai appelé l'exclusion imaginaire à travers l'actualité bolivienne où l'on voit émerger de manière frappante un racisme et une discrimination sans gêne et où l'on procède à la disqualification de l'Indien. Enfin, étant donné que les mouvements sociaux et autochtones ont modifié le statu quo, on assiste aujourd'hui à une refonte de fond en comble du cadre normatif qui a permis, entre autres, l'égalisation des droits (quoique pour certaines nations cela soit encore formel), mais qui est en train d'être révoqué par les personnes ayant souffert du déni de justice. J'affirme dans ma thèse que ce cadre normatif n'est pas le seul garant de la « vie ensemble », mais qu'il constitue néanmoins un pas important dans la « bonne direction » - d'autant plus que la société bolivienne nécessitait un cadre permettant le déploiement de ses différentes nations (au nombre de 36 selon la Nouvelle Constitution politique de l'État). C'est à la lumière de l'actualité politique que j'ai pu faire dans cette thèse une évaluation de ce que les Autochtones ont appelé la Refondation du pays, même si l'actualité dépasse aujourd'hui l'étude effectuée. Selon les Autochtones, le cadre normatif aurait permis un premier pas vers la refondation du pays. Toutefois, si la refondation suppose pour moi la reconnaissance, il s'agit d'un processus à faire, à construire, et donc d'un processus social. La reconnaissance serait en fin de compte la possibilité du « vivre bien » selon les formes traditionnelles autochtones de partage et de respect, même si les 182 années de vie en marge sont difficiles à effacer. Les relations sociales restent tendues et le gouvernement d'Evo Morales ne parvient pas toujours à respecter les principes du vivre ensemble. Plusieurs groupes autochtones critiquent farouchement sa position, ce que j'ai analysé dans le dernier chapitre de cette thèse. C'est ainsi que j'ai choisi, afin de parler de la reconnaissance, d'examiner le chapitre IV de la Phénoménologie de l'esprit de Hegel, lequel explique en fait la non-reconnaissance en montrant les rapports de domination qui en découlent. J'ai complété ce chapitre avec une discussion plus actuelle sur la reconnaissance à travers Taylor (1997), Honneth (2001), Kymlicka (2002) et Fraser (2005).
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Reconnaissance, non-reconnaissance, Bolivie, autochtones, mouvements autochtones, mouvements sociaux, déni de justice, exclusion imaginaire, exclusion juridique, refondation, décolonisation, constitution politique, plurinational, pluriethnique
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.5510 |
Date | 08 1900 |
Creators | Paniagua Humeres, Roxana |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Thèse acceptée, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/5510/ |
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