Ce mémoire traite de la formation des catégories de race et de sexe dans la littérature de voyage el les nouvelles françaises de la fin du dix-huitième siècle et du début du dix-neuvième siècle. À travers l'analyse textuelle et la remise en contexte de la pensée de deux auteurs français, soit Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814) et Chateaubriand (1768-1848), les liens et les intersections entre la race et le sexe tels gue définis en cette période charnière seront mis en lumière. Concernant Bernardin de Saint-Pierre, c'est son voyage à l'Isle de France effectué à la fin des années 1760 et dont le récit fut publié en 1773, ainsi gue sa célèbre nouvelle Paul et Virginie (première parution en 1784) que l'auteur a située dans la même île, qui seront étudiés. Quant à Chateaubriand, il sera ici question du voyage qu'il a effectué dans les années 1791-1792 aux États-Unis et dont le récit ne fut publié pour la première fois qu'en 1826, et une des nouvelles que lui inspira ce voyage, Atala, publiée pour la toute première fois en 180 l. Le fait de se pencher sur ces deux auteurs, tous deux rattachés au courant romantique français et qui ont voyagé dans des contrées situées aux antipodes l'une de l'autre permet d'appréhender la construction des catégories dont il est question ici dans une perspective transatlantique et étendue. Plusieurs thèmes se dégagent donc dans cette étude. En premier lieu, l'étude de la vision et la critique de l'esclavage de Bernardin de Saint-Pierre fait ressortir les contradictions qui y sont inhérentes, à savoir la mise de l'avant d'une vision racialisée des rapports sociaux entre individus et la légitimation d'une entreprise coloniale à visées civilisatrices. Dans un second temps, l'analyse de la prise de parole de Chateaubriand pour défendre les populations amérindiennes qui font face à leur destruction montre comment, sous cette défense et sous une admiration apparente, se cache une conception hiérarchisée des rapports entre populations européennes et amérindiennes. Dans les deux cas, les auteurs prennent la parole pour défendre des populations qu'ils réduisent à des victimes passives et que seuls des Européens vertueux pourraient faire progresser. De même, les différences entre les peuples sont essentialisées, c'est-à-dire ancrées dans une nature supposée, figée et immuable ; le mélange qui pourrait se produire entre eux est par le fait même abhorré et décrié. La race et le sexe se rencontrent alors dans un troisième temps : si le métissage est vivement critiqué, les auteurs attribuent aux femmes le rôle de perpétuer la nation, la race et des valeurs sociales en adéquation avec les lois naturelles. Ce sont donc des femmes en tant que mères et correspondant au nouvel idéal bourgeois de la domesticité qui sont mises en valeur dans les récits et nouvelles de Bernardin de Saint-Pierre ct de Chateaubriand. De plus, que ce soit dans Paul el Virginie ou dans Atala, non seulement la vertu et la chasteté des deux héroïnes sont exaltées, mais les relations familiales et amoureuses ne sont légitimes que par la proximité familiale et raciale entre les protagonistes. L'endogamie sociale et raciale idéelle présentée par les auteurs est alors poussée à tel point qu'elle se rapproche symboliquement de l'inceste. Les liens entre famille, nation, race et sexe apparaissent alors clairement, et le fait que ces catégories se définissent et se nourrissent mutuellement n'en devient que plus évident.
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Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.4113 |
Date | 06 1900 |
Creators | Montocchio, Clémence |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Mémoire accepté, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/4113/ |
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