Depuis le 1er janvier 2016, un nouveau Code de procédure civile est entré en vigueur pour faire passer la justice civile québécoise au XXIe siècle. Bien plus qu’une simple réforme, c’est une « nouvelle culture judiciaire » qui est encouragée, assurant des solutions adaptées aux besoins des justiciables. Dans cette perspective, il convient désormais, selon la lettre du Code, de «privilégier l’utilisation de tout moyen technologique approprié», c’est-à-dire satisfaisant au principe de proportionnalité. Une telle proposition, anodine de prime abord, est en réalité assez inédite : un principe relativement ancien – la proportionnalité procédurale – vient réguler un objet nouveau – les technologies de l’information. La présente thèse vise en ce sens à identifier toutes les ramifications et implications d’une telle approche, et ce, en deux temps successifs. Dans un premier temps, nous délimiterons la notion juridique de proportionnalité procédurale, qui a été relativement peu étudiée jusqu’à présent. Quant à ses origines, le principe de proportionnalité remonte à des millénaires avant notre ère, et n’a cessé de gagner de l’importance dans de nombreux domaines de droit : c’est donc l’histoire d’un «succès en puissance». Néanmoins, ce n’est qu’au milieu du XXe siècle, dans un contexte de crise de la justice civile et sous l’influence des théories utilitaristes, que la proportionnalité s’est développée en procédure civile (d’abord aux États-Unis, puis en Angleterre, pour ensuite percoler dans plusieurs autres juridictions). Ainsi, au Québec, la proportionnalité est aujourd’hui érigée en principe directeur de la procédure civile, qui porterait un véritable «effet système». Cette réussite n’est toutefois pas unanime puisque d’autres pays civilistes, dont la France au premier plan, relèguent la proportionnalité à l’état de simple concept, à la croisée de nouveaux principes managériaux (qualité, efficacité, célérité, etc.). Dans un deuxième temps, nous dégagerons l’action technologique que peut jouer le principe de proportionnalité procédurale. Selon nous, la nouvelle «procédure technologique», fondée sur la transmission technologique des actes et les technologies audiovisuelles, est insuffisante à elle seule : il s’agit d’un amas de règles techniques, sans cohérence, sans cohésion, trop mécaniques. Le principe de proportionnalité, appliquée aux moyens technologiques, apparaît alors comme une piste intéressante pour unifier et humaniser cette procédure technologique. Concrètement, le tribunal devrait autoriser, refuser ou ordonner le recours aux moyens technologiques selon une appréciation in concreto et in globo des intérêts en jeu. Par exemple, dans le cas d’un litige complexe, un témoignage à distance du témoin principal par Skype qui vivrait à côté du Palais de justice, devrait être refusé, car manifestement disproportionné. On voit alors poindre un sous-principe émergent de «proportionnalité technologique» qui aurait sa propre définition, son propre test, ses propres finalités. Plus avant, le juge devrait désormais assumer un nouvel office par rapport aux technologies de l’information, notamment en faisant des choix technologiques, en assurant une forme de Technology Assessment. Au bout du compte, une telle approche, qui se développe dans le contexte québécois, offre un discours assez inédit sur la technique en procédure civile : la proportionnalité n’est ni reniée (passé, tradition, juridico), les technologies ne sont ni rejetées (avenir, innovation, technico), l’un et l’autre doivent être indissociables. C’est donc un message en trois mots que porte la présente thèse : modernisation en modération. / January 1, 2016 marked the entry into force of the new Code of Civil Procedure, leading Québec’s civil justice system into the 21st century. This new Code is much more than a simple reform; rather, it encourages a wholly “new legal culture” by providing solutions adapted to the needs of its citizens. As such, to quote the Code itself, “appropriate technological means should be used whenever possible”, i.e. conforming to the principle of proportionality. This proposition may appear trivial upon first glance, but actually contains a fairly innovative reality: a well-established principle – that of procedural proportionality – now regulates a new area of activities – being information technologies. This thesis aims to identify all of the ramifications and implications of this application and will do so in two steps. First, we will begin by defining the legal concept of procedural proportionality, which has been relatively little studied until now. As to its origins, the concept of proportionality itself goes back millennia and, throughout time, has gained prominence in several fields of law: it is therefore the story of an ever-growing trend. That being said, it was only in the middle of the 20th century, against a backdrop of civil justice crises and under the influence of utilitarian theory, that proportionality was introduced as a matter of civil procedure (first in the United States, then in England, to finally percolate into other jurisdictions). In Québec, proportionality is today a guiding principle of procedure, which qualification has had a genuinely systemic effect. This gain is however not unanimous, as several other civil jurisdictions, France being the first, relegates proportionality to the rank of mere concept, theoretically located at the intersection of new managerial principles of civil procedure (such as quality, efficiency, celerity, etc.) In a second step, we will examine the practical technological effects of the principle of procedural proportionality. In our opinion, what we call “technological procedure” based on electronic transmission of documents and audiovisual technologies is insufficient in and by itself: it is only a mass of technical rules, without coherence or cohesion, much too mechanical. The principle of proportionality, applied to technologies, is therefore an interesting way to unify and humanise technological procedure. Concretely speaking, this means that a court should authorize, refuse or order the use of technologies according to an in concreto and in globo analysis of the interests at stake. For instance, in the case of a complex litigation, the use of Skype for the remote testimony of a main witness who lives next to the courthouse should be refused, since it is manifestly disproportional. In this manner, we are witnessing the emergence of a new sub-principle, what we call “technological proportionality” herein, which has its own definition, test and finalities. Furthermore, judges will henceforth have to assume a new role with respect to information technologies, notably by making technological choices and performing a form of “technology assessment”. In the end, such an approach, as it develops in Québec, offers a novel discussion on technology in civil procedure: neither proportionality (ancient, traditional, legal) nor technologies (futuristic, innovative, high-tech) are rejected; in fact, one cannot be dissociated from the other. The message of this thesis can therefore be summarised by three simple words: modernization in moderation.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018PA01D007 |
Date | 18 January 2018 |
Creators | Guilmain, Antoine |
Contributors | Paris 1, Université de Montréal, Jeuland, Emmanuel, Benyekhlef, Karim |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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