Hervé de Nédellec o.p. joua un rôle de premier plan dans la défense du patrimoine doctrinal de Thomas d’Aquin contre les effets des condamnations de la fin du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle. Il a néanmoins défendu une position sur la distinction entre l’être et l’essence divergeant sensiblement de la distinction thomasienne, alors que cet élément se présente comme central à la pensée de l’illustre dominicain. Cette étude vérifie cette divergence et en rend compte, considérant le contexte historique et le rôle assumé par Hervé dans la défense de la pensée de son confrère. Allen (1958) caractérise la perspective hervéenne par son essentialisme et son approche sémantique, ainsi que par le rejet de la distinction réelle (Gilles de Rome et Thomas d’Aquin) et de la distinction intentionnelle (Henri de Gand). Il évoque par ailleurs l’influence de Godefroid de Fontaines, de Siger de Brabant et d’Averroès au regard de la distinction entre l’être et l’essence selon le mode de signifier retenue par Hervé. Ces observations se voient ici confirmées par l’exposé et la comparaison des principes ontologiques assumés par les différentes positions. Il est par le fait même rendu manifeste que Siger de Brabant, Godefroid de Fontaines, Hervé de Nédellec et encore Dietrich de Freiberg, tenants de la distinction sémantique, rejettent les positions adverses en raison de mêmes éléments qu’ils critiquent de celles-ci. La communauté doctrinale entre la distinction selon le mode de signifier et la théorie modiste ainsi que leur source commune dans le Commentaire à la Métaphysique d’Averroès sont par ailleurs mises au jour. Les modistes distinguent le signifié principal et les propriétés concernant (circa) le signifié principal. Dans la perspective sémantique, l’essence, l’étant et l’être sont conçus comme des propriétés concernant le signifié principal à la manière des propriétés circa de la grammaire spéculative. À l’instar des propriétés circa, « essence », « étant » et « être » diffèrent non parce qu’ils signifient différentes déterminations, mais au sens où ils signifient une même chose de différentes façons. L’analyse des objections soulevées par les tenants de la distinction sémantique et des éléments constitutifs de leur position fournit des outils nouveaux pour apprécier la distinction entre l’être et l’essence chez Thomas d’Aquin. Celle-ci se révèle procéder d’un cadre théorique inconciliable avec celui adopté par Hervé de Nédellec. Nous faisons ici valoir que cette liberté doctrinale d’Hervé de Nédellec s’explique par cela que la distinction entre l’être et l’essence n’était pas constitutive du fonds thomasien concerné par les ordonnances d’enseignement dominicaines de la fin du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle, notamment puisqu’elle n’a pas été ciblée par les condamnations doctrinales ecclésiales ni par le correctoire de Guillaume de la Mare. / Hervaeus Natalis o.p. played a leading role in defending the doctrinal heritage of Thomas Aquinas against the effects of the condemnations of the end of the 13th and beginning of the 14th centuries. Nevertheless, he would have supported a position on the distinction between being and essence which is irreconcilable with the Thomasian distinction, even though this element is central to the thought of the illustrious Dominican. The present study verifies this discrepancy and give an account of it, considering the historical context and the role assumed by Hervaeus in the defence of the thought of his confrere. Allen (1958) characterizes the Hervean perspective by its essentialism and its semantic approach, as well as by the rejection of the real distinction (Giles of Rome and Aquinas) and the intentional distinction (Henri of Ghent). He also evokes the influence of Godfrey of Fontaines, Siger of Brabant and Averroes with regard to the distinction between being (esse) and essence according to the mode of signifying adopted by Hervaeus. These claims are here confirmed by the exposition and comparison of the ontological principles assumed by the different stances. By the same token, it is made clear that Siger of Brabant, Godefroid of Fontaines, Hervaeus Natalis and also Dietrich of Freiberg, the proponents of the semantic distinction, reject the opposing positions on the basis of the same elements that they criticize in them. The doctrinal community between the distinction according to the mode of signifying and the Modist theory, as well as their common source in the Commentary on the Metaphysics of Averroes are also brought to light. The Modists distinguish between the object signified and the properties concerning (circa) the object signified. In the semantic perspective, essence, ens and esse are conceived as properties concerning the object signified in the manner of the circa properties of speculative grammar. Like the circa properties, “essence”, “ens” and “esse” do not differ because they signify different determinations, but they differ in the sense that they signify the same thing in different ways. The analysis of the objections raised by the proponents of the semantic distinction and of the constitutive elements of their position provides new tools for appreciating the distinction between being (esse) and essence in Aquinas. It proves to proceed from a theoretical framework that is irreconcilable with that adopted by Hervaeus. We argue here that this doctrinal freedom of Hervaeus is explained by the fact that the distinction between being (esse) and essence was not constitutive of the Thomasian fund concerned by the Dominican teaching ordinances of the end of the 13th and beginning of the 14th centuries, especially since it was not targeted by the ecclesial doctrinal condemnations nor by the correctory of William de la Mare.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/25250 |
Date | 08 1900 |
Creators | Barrette, Geneviève |
Contributors | Piché, David |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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