Centrée sur une réflexion des droits de l’homme à partir de l’expérience historique de la Shoah, la thèse porte sur l’enjeu fondamental du statut du religieux en modernité. Trois parties la composent, correspondant au génocide, à la modernité politique et à l’histoire du Salut : la première propose une interprétation de l’Holocauste en ayant recours aux catégories empruntées à l’historiographie, à la réflexion philosophique et à la tradition théologique. Elle rend compte de deux lectures concurrentes des Lumières, du renversement de la théologie chrétienne du judaïsme au XXe siècle, de la généalogie idéologique du nazisme ainsi que du contexte explosif de l’entre-deux-guerres. La seconde partie de la thèse avance une théorie des trois modernités, selon laquelle les États-Unis, la France et Vatican II représenteraient des interprétations divergentes et rivales des droits. Enfin, la troisième partie reprend les deux précédentes thématiques de la Shoah et de la modernité, mais à la lumière de la Révélation, notamment de l’Incarnation et de la Croix. La Révélation est présentée comme un double dévoilement simultané de l’identité de Dieu et de la dignité humaine – comme un jeu de miroir où la définition de l’homme est indissociable de celle de la divinité.
En provoquant l’effondrement de la Chrétienté, la sécularisation aurait créé un vide existentiel dans lequel se serait engouffré le nazisme comme religion politique et idéologie néo-païenne de substitution. Négation de l'élection d'Israël, du Décalogue et de l’anthropologie biblique, l’entreprise nazie d’anéantissement est comprise comme la volonté d’éradication de la Transcendance et du patrimoine spirituel judéo-chrétien, la liquidation du Dieu juif par l’élimination du peuple juif. Le judéocide pourrait dès lors être qualifié de «moment dans l’histoire du Salut» en ce sens qu’il serait porteur d’un message moral en lien avec le contenu de la Révélation qui interpellerait avec force et urgence la conscience moderne. L’Holocauste constituerait ainsi un kairos, une occasion à saisir pour une critique lucide des apories de la modernité issue des Lumières et pour un renouvellement de la pensée théologico-politique, une invitation à une refondation transcendante des droits fondamentaux, dont la liberté religieuse ferait figure de matrice fondationnelle. La Shoah apporterait alors une réponse au rôle que la Transcendance pourrait jouer dans les sociétés modernes. Mémorial de Sang refondateur des droits de la personne, l'Holocauste rendrait témoignage, il lancerait une mise en garde et poserait les conditions nécessaires d'un enracinement biblique à la préservation de la dignité de l’être humain. Aux Six Millions de Défigurés correspondrait la Création de l'Homme du Sixième Jour. En conclusion, un triangle synergique nourricier est soutenu par l’extermination hitlérienne (1941-1945), la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) et le Concile Vatican II (1962-1965) comme les trois piliers d’une nouvelle modernité, située au-delà des paradigmes américain (1776) et français (1789).
La Shoah inaugurerait et poserait ainsi les fondements d'un nouvel horizon civilisationnel; elle pointerait vers un nouveau départ possible pour le projet de la modernité. L'expérience génocidaire n'invaliderait pas la modernité, elle ne la discréditerait pas, mais la relancerait sur des bases spirituelles nouvelles. Cette refondation des droits fondamentaux offrirait alors une voie de sortie et de conciliation à la crise historique qui opposait depuis près de deux siècles en Europe les droits de l'homme et la Transcendance, Dieu et la liberté – modèle susceptible d’inspirer des civilisations non occidentales en quête d’une modernité respectueuse de leur altérité culturelle et compatible avec la foi religieuse. / As a reflection on human rights focused on the historical experience of the Holocaust, the dissertation looks at the status of religion in modernity. It is made up of three parts; genocide, the politics of modernity, and the history of salvation. The first suggests an interpretation of the Holocaust based upon categories borrowed from historiography, philosophical reflection, and theological tradition. It takes into account two readings of the Enlightment: the inversion of Christian theology towards Judaism in the twentieth century, the ideological sources of Nazism and the explosive time of the inter-war years. The second part of the thesis advances a theory of three ways of seeing modernity: those of France, America, and Vatican II, representing rival and divergent understandings of human rights. The third and final part takes the premises of the previous parts, but in the light of the Revelation, especially that of the Incarnation of the Cross. The Revelation is presented as a simultaneous revealing of God’s identity and human dignity – as an image in a mirror or as the definition of man being inseperable from that of God.
In causing the collapse of Christendom, secularization has created an existential vacuum which could be filled by Nazism as a political religion and a neo-pagan ideology of substitution. Negating the election of Israel, the Ten Commandments and biblical anthropology, the Nazi project of destruction is understood as the willingness to eradicate the Transcendence and the Judeo-Christian Tradition, the liquidation of the Jewish God by the elimination of the Jewish people. Judeocide can thus be described as a “Moment in the History of Salvation” in that it conveys a moral message connected with the content of the Revelation which strongly and urgently calls out to modern consciousness. The Holocaust is thus a Kairos, an opportunity for clear reviews of the aporias of a kind of modernity generated by the Age of Enlightment, for an invitation to a transcendent rooting-anchoring of human rights, and for a renewal of theological-political thought, where religious freedom appears as the foundation. As a Memorial of Blood reengaging human rights, the witness of the Holocaust represents a warning and shows the need for of a biblical understanding of the person to preserve human dignity. The six million victims correspond to the creation of man on the sixth day. As a conclusion, a synergy is claimed between Hitler’s extermination (1941-1945), the Universal Declaration of Human Rights (1948) and the Second Vatican Council (1962-1965) as the three pillars of a new modernity, beyond the American (1776) and French paradigms (1789).
The Shoah ushers in and lays the foundation of a new understanding of civilization. It points towards a new point of departure for the journey of modernity. The experience of genocide does not invalidate nor discredit modernity, but offers it up towards a new spiritual understanding. This understanding of fundamental rights offers a way of leaving behind and reconciling the historical crisis between God and liberty, human rights and Transcendence in Europe for the last two hundred years – which may equally be of use to non-western civilizations in their quest for a respectful modernity for their own cultures, compatible with their own faiths.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/4783 |
Date | 09 1900 |
Creators | Poëti, Martin |
Contributors | Nadeau, Jean-Guy |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
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