À près de trente ans d'écart, les romans de La Place de l'étoile (1968) de Patrick Modiano et de La Compagnie des spectres (1997) de Lydie Salvayre font référence à l'Occupation allemande en France. A travers le discours délirant et la logorrhée des personnages de Modiano et de Salvayre transparaît ce que Régine Robin appellerait une «mémoire saturée». Cette saturation de la mémoire émerge d'un double contexte historique. D'une part, l'histoire racontée se rapporte à la période de l'Occupation dont les souvenirs ne parviennent pas à s'effacer chez les protagonistes de ces romans; d'autre part, la narration rend compte d'une réalité sociale plus récente de la France qui, aujourd'hui encore, accepte mal son passé et qui, paradoxalement, multiplie les commémorations et les monuments à la mémoire des morts provoqués par cette guerre. Par là, on peut juger que les personnages de Schlemilovitch, de Louisiane et de Rose qui ne parviennent pas à trouver leurs identités personnelles et qui sont obsédés, voire hantés par le passé, renvoient à une collectivité plus vaste, la France, qui ne semble pas non plus parvenir à s'acquitter de son histoire. Le souvenir de l'Occupation, tant au niveau des personnages fictionnels que de la réalité française actuelle, semble en effet toujours tourmenter les consciences. Pour saisir ce tourment mémoriel, nous étudierons, dans notre premier chapitre, la place qu'occupent l'histoire et la mémoire dans la fiction afin d'observer les tensions qui se manifestent entre ces notions. Les textes de Modiano et de Salvayre nous amèneront à nous interroger sur la manière dont s'articule la mémoire à des faits historiques, et sur les modalités de la fiction. Nous verrons que la fiction permet d'ouvrir un espace nouveau à partir d'un monde réel et connu d'où peut surgir une représentation mémorielle d'une réalité factuelle. Dans le second chapitre, nous examinerons ensuite comment le souvenir de l'Occupation travaille les personnages de La Place de l'étoile et de La Compagnie des spectres pour modeler leur discours selon un verbalisme délirant. Ce chapitre sera consacré à l'étude des personnages de Schlemilovitch, de Rose et de Louisiane, et de l'univers fictionnel dans lequel ils évoluent, ce qui nous permettra de saisir en quoi consiste leur pathologie mémorielle où passé et présent ne sont plus mis à distance. Dans le troisième et dernier chapitre, nous replacerons ces deux romans dans leur paysage mémoriel respectif, notamment grâce à l'étude de l'historien Henry Rousso sur l'évolution de la mémoire de l'Occupation et ce qu'il a nommé le «syndrome de Vichy». Nous verrons comment ces deux récits rendent compte de l'éclatement de la mémoire en mémoires particulières par lequel se manifeste une difficulté à disposer d'une unité qui saurait rassembler la société française sous un même attachement. Nous terminerons avec la mise au jour du paradoxe des Français qui désirent garder du passé une mémoire vivante, mais qui, par trop vouloir se le rappeler, finissent, sans le vouloir, par l'oublier. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Mémoire, Occupation allemande, Fiction, Salvayre, Modiano.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.2248 |
Date | January 2009 |
Creators | Vallet, Noémie |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Mémoire accepté, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/2248/ |
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