L’étatisation libérale du système hospitalier français est un paradoxe bien établi que notre recherche propose de réinterroger par deux détours. Le premier est historique. Il s’agit d’ouvrir la focale temporelle en s’intéressant à un réformisme gestionnaire qui apparaît dès les années 1960, alors que la littérature sur la politique hospitalière se concentre sur la période postérieure aux années 1980. Le second est organisationnel. L’étatisation est moins appréhendée à travers la multiplication de normes et de procédures dans les hôpitaux que comme une mise en administration se traduisant par l’apparition et la stabilisation d’organisations publiques spécialisées. Au croisement de la sociologie de l’action publique et de l’étude de l’administration, notre questionnement porte sur la façon dont les réformes hospitalières successives peuvent contribuer à la définition, à l’affirmation et à la reconnaissance d’un centre politico-administratif dans une perspective sociohistorique. Nous avançons l'hypothèse générale que ces réformes cristallisent trois processus étroitement imbriqués participant à l'institutionnalisation d'une organisation administrative spécialisée que l'on appelle l'Etat hospitalier. Premièrement, elles soutiendraient une redistribution et une concentration des prérogatives administratives en matière hospitalière au sein d'une seule organisation (processus de monopolisation). Deuxièmement, elles favoriseraient l'accumulation par cette organisation de capacités administratives nouvelles qui lui donneraient une plus grande autonomie à l'égard des groupes extérieurs (processus d'autonomisation). Troisièmement, elles produiraient et seraient éclairées par un ensemble de savoirs spécialisés qui fonderaient la légitimité des interventions étatiques (processus de légitimation). Notre observation historique des activités réformatrices permet de dégager trois séquences temporelles qui montrent l’inégale continuité de ces processus et leur plus ou moins forte articulation en fonction des périodes historiques. Si les réformes contribuent à forger un Etat hospitalier relativement autonome, ses frontières organisationnelles et ses principes de légitimation ne sont pas définitivement arrêtés. Notre enquête s’appuie sur un protocole combinant travail archivistique, entretiens semi-directifs avec des conseillers ministériels, des hauts fonctionnaires et des experts du ministère de la Santé, lecture de la littérature grise (rapports administratifs et experts, publications ministérielles), de la presse professionnelle et généraliste, étude des débats parlementaires et analyse biographique du personnel administratif d'encadrement du ministère de la Santé. / The « neoliberal statization » of French hospital system is a well-established paradox that our research reexamines through two ways. The first one is historical. It consists in studying managerial reformism which emerged in the 1960s, whereas most investigations are focused on policies implemented after the 1980s. The second one is organizational. The statization is to be understood less as proliferation of norms and procedures in hospitals than as the formation and the stabilization of public specialized organizations. At the intersection of the policy analysis and the sociology of administration, this study focuses on how hospital reforms can contribute to the definition, the consolidation and the recognition of a political-administrative center in a sociohistorical perspective. Our main hypothesis is that hospital reforms crystallize three interconnected processes which underpin the institutionnalization of a specialized administrative organization called the Hospital State. Firstly, reforms support the redistribution and concentration of administrative prerogatives on hospitals within one single organization (process of monopolization). Secondly, they help increase the capacities of this organization that in turn strengthen its autonomy from other agents (process of autonomization). Thirdly, they generate and rely on specialized knowledge that justifies state interventions (process of legitimation). Our historical observation of reform activities leads to outline three temporal sequences. These reveal an uneven continuity of these processes and their unequal articulation depending on historical periods. If reforms contribute to forging a relative autonomous Hospital State, its organizational boundaries and its principles of legitimation are far from being stabilized. Our investigation is based on various materials : records from administrative and private organizations ; interviews with minister’s advisers, senior civil servants and experts of the Ministry of Health ; grey literature (administrative and expert reports, ministerial publications) ; national newspapers and professional journals ; parliamentary debates ; biographies of supervisory staff members at the Ministry of Health.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018GREAH014 |
Date | 16 March 2018 |
Creators | Gay, Renaud |
Contributors | Grenoble Alpes, Ihl, Olivier |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.003 seconds