Ce travail entend interroger du point de vue du genre les pratiques de lecture des femmes dans la première moitié du XIXe siècle. La manière dont les femmes lisaient et l’usage qu’elles pouvaient faire de leurs lectures demeurent très mal connus, au-delà des discours et des représentations entourant à l’époque la lecture féminine. De ceux-ci se dégage l’idée durable que les femmes, pour l’essentiel lectrices de romans, lisent mal. Cette étude propose de renverser le prisme d’analyse pour interroger le point de vue des lectrices sur leurs propres pratiques. Pour cela, les écrits personnels - journaux, autobiographies, correspondances - de soixante-six femmes nées entre 1789 et 1832 ont été rassemblés, et permettent de suivre leurs trajectoires à l’intérieur d’une biographie chorale. Ces textes mettent au jour une pluralité des pratiques et des usages de la lecture au quotidien, mais surtout ils interrogent deux phénomènes majeurs de la France du premier XIXe siècle : les logiques de sexuation à l’œuvre dans l’éducation, et la construction des identités sexuées. De fait, l’accès aux savoirs par le livre repose alors sur une inégalité fondamentale entre femmes et hommes, et l’apprentissage des manières de lire, ainsi que la liste des livres autorisés, doivent renvoyer l’image d’une féminité acceptable, suffisamment instruite mais non savante, pieuse et vertueuse. Pourtant, les écrits personnels soulignent à quel point dans le quotidien d’autres manières de faire s’élaborent et de nombreuses résistances voient le jour. Car l’expérience individuelle de la lecture, en ouvrant la porte vers des territoires intellectuels jugés illégitimes, permet de transgresser les attentes concernant l’éducation des filles. Au-delà, elle engage la lectrice dans un travail réflexif sur elle-même qui la conduit à sonder voire à reformuler son identité sociale. Par ce biais, l’autonomie intellectuelle des femmes et leur possible émancipation se trouvent directement questionnées. / This work aims to explain, from a gender perspective, reading practices of women in the early 19th century France. Until now, the way French women read in those days and their own uses of reading, behind stereotypes and sexist representations, are not really known in cultural history. According to these stereotypes, women read badly, or not seriously, and only “feminine literature”. Based on sixty six women’s personal writings (diaries, autobiographies, letters), this work aims to inverse this focus in order to analyze the women’s point of view on their own practices. Such analysis reveals how gender’s types shape first education and, more generally, social identities. Women have to read, of course, but only that kind of literature that would be acceptable for a « good wife », educated but not scholar, virtuous and pious. However, focusing on personal writings, we show that women were not passive within this social and cultural domination: as a reflexive experience, reading leads them to a wide reformulation of their social identity, which includes a possibility to emancipate by reading and learning.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2017LYSE2121 |
Date | 30 November 2017 |
Creators | Matamoros, Isabelle |
Contributors | Lyon, Planté, Christine, Rogers, Rebecca |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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