Cette étude propose de réviser le postulat selon lequel le roman américain ne naît que dans les années 1820, pour suggérer que cette forme émerge plus tôt, entre 1789 et 1819. La période qui suit la fin de la guerre d’Indépendance n’est pas favorable à la naissance du roman : les élites craignent alors la déchéance de la jeune République, et la fiction risque de faire basculer le pays dans l’anarchie. Les œuvres des premiers auteurs américains sont fortement façonnées par l’impératif de didactisme et d’utilité sociale et morale qui pèse alors sur la création littéraire. Toutefois, le roman qui émerge dans les années 1790 demeure une forme sombre, plurielle et paradoxale qui résiste à toute tentative de recadrage et de maîtrise, comme en témoigne particulièrement l’œuvre de Charles Brockden Brown. Alors qu’une première tradition littéraire a commencé à se mettre en place au tournant du siècle, le roman subit une transformation esthétique majeure au cours des années 1800 et 1810. Il dépeint à présent avec nostalgie, dans une forme lisse, mesurée et linéaire, une Amérique qui n’existe plus ou qui n’a jamais existé, dans laquelle tout est perpétuellement ordonné et transparent. Ces ouvrages ne marquent pourtant pas l’avènement du roman américain, car leur équilibre est artificiel et les éléments sombres sont toujours lisibles au cours de ces deux décennies. Nous concluons qu’un roman spécifiquement américain se développe effectivement entre 1789 et 1819, qui, au moyen de deux esthétiques opposées mais complémentaires, s’interroge sur l’individualité, le temps et l’écriture, dans une quête perpétuelle d’équilibre et de maîtrise qui ne se réalise jamais vraiment. / Although critics still widely consider the American novel only emerges in the 1820s, this dissertation invalidates this assertion and suggests that it rises between 1789 and 1819 and has specific aesthetic characteristics. The period that follows the close of the Revolution is not favorable to the development of the novel: the elites fear the fall of the early Republic, and the novel might precipitate the nation into anarchy. The first American authors’ works are fashioned by the social and moral imperatives that influence writing at that time. Despite these measures, the novels published in the 1790s are dark, fragmented and paradoxical and resist any attempt at order and control, as Charles Brockden Brown’s works show. While the 1790s seem to witness the development of a specifically American tradition, the novel undergoes a major aesthetic change at the beginning of the 19th century. Long fictions now depict, with nostalgia and in a smooth, balanced, strongly linear form, an ordered and transparent American nation that is no more or that never existed. Yet these works do not indicate that the American novel has reached its mature form, as their balance is purely artificial and unruly elements are still at work during those decades. We conclude that a specifically American novel emerges during the thirty years following the Revolution: under two different but complementary aesthetics, this genre questions matters linked to individuality, time and writing, and is haunted by a quest for control and balance that never really comes to completion.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2014PA040180 |
Date | 12 December 2014 |
Creators | Dorotte, Juliette |
Contributors | Paris 4, Amfreville, Marc |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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