I - LE CONTEXTE PREALABLE A L'ETUDE Au niveau international et au niveau des pays dont le Gabon, les années 1990 ont vu émerger une activité et une mobilisation sans commune mesure autour des technologies de l'information et de la communication et du paradigme de la société de l'information. Le Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI) de l'ONU est venu en 2003 à Genève et en 2005 à Tunis, couronner l'intérêt accordé à ce sujet par la communauté internationale. A l'échelle du Gabon, après plus de dix ans d'évocation et d'action pour et par les TIC mises en perspective avec les préoccupations de développement par plusieurs acteurs, des signaux forts sont apparus : création d'institutions publiques et privées consacrées aux TIC, création des associations et mise en place de nombreux projets estampillés « TIC », etc. C'est fort de ces constatations estimées à priori significatives, qu'il est apparu particulièrement intéressant de mener une étude géographique et géopolitique visant à rendre à compte des dynamiques et des implications socio-spatiales portées directement et indirectement par les TIC. II - LE CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE La première partie de l'étude s'emploie d'abord à définir la problématique et les hypothèses dont on peut retenir ce qui suit : la rhétorique autour des TIC et de la société de l'information, permet d'identifier aisément depuis le global jusqu'au local, du Nord au Sud, plusieurs acteurs, des stratégies et des visions croisées voire contradictoires, sur le rôle moteur que jouent et que peuvent encore jouer les TIC en Afrique. Quelles sont dès lors, dans le cas du Gabon, les traductions socio-spatiales des processus liés à l'insertion des TIC dans les territoires, depuis l'espace global, national, régional et local ? Les dynamiques socio-territoriales de l'insertion des TIC au Gabon s'accompagnent-elles d'effets structurants susceptibles de servir les ambitions de diversification de l'économie du Gabon ? La réponse est négative en ce sens qu'en l'état actuel de l'observation minutieuse de ces processus, il n'y a, hormis des évocations politiques ponctuelles ou conjoncturelles, des signaux suffisamment forts accréditant de l'intégration de la problématique des TIC dans les stratégies de développement des pouvoirs publics. Ensuite, pour mieux répondre à ces questions et évaluer la pertinence des hypothèses, la première partie rassemble des matériaux divers tirés du Gabon en tant qu'espace d'étude principal, du Sénégal, de l'Europe et de l'histoire de l'appropriation géographique de l'information et de la communication. Avec cette trame, elle connecte des éléments apparemment incompatibles pour in fine déblayer le cadre propice pour mener une étude géographique et géopolitique de l'insertion des TIC au Gabon : la mobilisation de ressources de nature différente, l'association de concepts géographiques (le territoire et le réseau) avec des concepts polysémiques sans appartenance bien identifiée (NTIC, TIC, etc.), l'adoption d'une orientation épistémologique claire à partir de laquelle, la géographie déploie une approche structurante de l'appropriation de l'objet TIC pour produire un discours scientifique opératoire et construire des problématiques territorialisées innovantes : d'où la géographie de la société de l'information, le concept des Objets Géographiques à Visibilité Réduite (OGVR), la dimension géographique et géopolitique des noms de domaine, etc. III - LES TRADUCTIONS SOCIO-SPATIALES DE L'INSERTION DES TIC AU GABON DEPUIS LES ANNEES 1980 L'histoire contemporaine du Gabon est celle d'un pays africain dont l'espace de circulation de l'information et de la communication a été régulé et structuré par l'économie d'exportation des matières premières (le bois, le pétrole et les mines). Pour la période récente (années 1980-2000) mais aussi lointaine, l'insertion des TIC a dû composer avec un pays aux infrastructures plus tournées vers l'extérieur que l'intérieur. Avec en sus, un réseau de télécommunications insuffisant et qui a connu une évolution bicéphale (dosage déséquilibré entre le déploiement de nouvelles infrastructures et la permanence d'équipements obsolètes) caractérisant globalement le système de l'information et de la communication du pays, le déploiement technique et réglementaire (la régulation comme facteur du renforcement de l'insertion) des réseaux de la téléphonie mobile (AMPS, GSM), de l'Internet et des TIC a tantôt renforcé les inégalités territoriales d'accès préexistantes, tantôt recentré partiellement vers l'intérieur, l'espace national et régional d'accès aux TIC. C'est ce qu'illustre la géopolitique de l'insertion des TIC au Gabon via les trajectoires de plusieurs acteurs, institutionnels, associatifs, citoyens, etc... observables surtout depuis le milieu des années 1990 jusqu'à nos jours. IV - LES TENDANCES LOURDES ET LES PERSPECTIVES DE L'INSERTION DES TIC AU GABON A quelques années de distance de l'effervescence née des dynamiques socio-spatiales de l'appropriation des TIC au Gabon, des lignes de force bien identifiées dessinent ce processus. Sur le plan politique, les pouvoirs publics ont décrété les TIC comme une composante essentielle de la stratégie de la diversification économique vers laquelle le pays veut tendre pour préparer l'après pétrole. Sauf que le décret ne suffit pas pour transformer le pays en pôle numérique majeur (PNM). Sur le plan des infrastructures et des réseaux publics et privés, l'espace national de circulation de l'information et de la communication demeure contrasté avec de fortes inégalités territoriales d'accès aux TIC révélatrices d'une fracture numérique persistance. S'y ajoute, l'existence d'infrastructures hors d'usage cohabitant avec des infrastructures modernes comme l'atterrissement au câble SAT-3 qui sont encore insuffisamment exploitées du point de vue des capacités offertes, de la concurrence de la gestion des équipements d'intérêt général (permanence du monopole de l'opérateur historique) et des prix élevés. Cette situation est symptomatique de l'ensemble de la politique publique dans le domaine des TIC (télécommunications, informatique, audiovisuel) qui a certes su intégrer historiquement les meilleures générations de technologies de la communication sans toutefois parvenir à penser progressivement un espace national de circulation de l'information et de la communication moins hétérogène. Sur le plan des usages des TIC, qu'ils soient populaires, professionnels ou administratifs, des évolutions notables sont observables au regard des efforts de nombreux acteurs privés surtout (promoteurs de cybercentres, de cybercafés, de télécentres, etc.). Ces derniers ont rendu possible l'émergence d'une économie numérique des services en attente d'un meilleur accompagnement politique, juridique, financier, etc... qui tarde malheureusement à prendre forme. A la fébrilité des actions politiques à l'échelle nationale, s'ajoute quasiment un non débat à l'échelle locale sur l'insertion des TIC de la part des élus. Au niveau des projets consacrés aux TIC, les pouvoirs publics n'ont pas suffisamment su tirer le meilleur parti socio politique de certains de ces projets menés avec de nombreux partenaires qui ne semblent pas motivés à renouveler ces expériences. Malgré cela, le gouvernement du Gabon maintient une certaine volonté politique à initier de nouveaux projets « TIC » dont certains ont pu être menés à bout avec des résultats flatteurs. Les acteurs du secteur privé par contre, ont pour beaucoup d'entre eux mener à terme des projets « TIC » qui ont eu pour objectif souvent, d'améliorer leur outil de production. A ce stade, la géopolitique de l'insertion des TIC au Gabon révèle un bicéphalisme emblématique devenu structurant : action politique résiduelle et instrumentalisation des TIC, modernité criante et obsolescence des infrastructures, dynamiques socio-territoriales des accès et inégalités spatiales équivalentes. Dans ce contexte, les évocations politiques d'une volonté du Gabon aspirant à la constitution d'un pôle numérique majeur (PNM) illustrent le développement ou le progrès socio économique par décret. Pour tendre véritablement vers cet objectif louable et ambitieux, le Gabon est obligé de se doter d'un projet politique approprié. Pour réussir, ce projet politique, plus que les tentatives précédentes, doit être capable d'identifier les meilleures conditions d'appropriation socioculturelle et économique des TIC. Il doit pouvoir porter une orientation claire et volontaire, rassembler et mobiliser les compétences nationales et locales associées aux partenaires externes. Ce projet doit enfin disposer d'une stratégie qui met en réseau, les différents secteurs de vie de la nation, des plus prioritaires à ceux qui le sont moins et surtout, qui situe le Gabon dans un espace national, régional et mondial car s'approprier les TIC aujourd'hui, c'est apprendre à vivre avec au quotidien. C'est de la prise en compte de ces enjeux géopolitiques des TIC par le Gabon (enjeux politiques, territoriaux, environnementaux, économiques et socioculturels), que va dépendre sa capacité à asseoir un leadership High Tech régional et définir une « autre » participation à la mondialisation et à la société de l'information.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00521429 |
Date | 03 February 2010 |
Creators | Makanga Bala, Martial Pépin |
Publisher | Université Michel de Montaigne - Bordeaux III |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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