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Le langage théologique du Mal et du Salut dans la trilogie de Hans Urs von Balthasar. Une base pour la réflexion sur le langage de la théologie

Planchon, Félicien 08 April 2003 (has links)
Le mystère du mal – faute et/ou malheur – est la limite la plus compacte à laquelle se heurte la réflexion humaine en général et la réflexion théologique en particulier. J'ai entrepris de lire sous cet angle la trilogie de Balthasar, qui est son œuvre centrale : il s'agit de voir comment un théologien contemporain du calibre de Balthasar affronte ce mystère, et en quels termes se présentent pour lui le désir humain et l'espoir chrétien de salut. L'approche de Balthasar est phénoménologique ; mais à ce propos deux précisions s'imposent. D'une part, cette phénoménologie est théologique : l'événement de Révélation est sans analogie ; on ne peut le ranger parmi les autres phénomènes. D'autre part, une telle phénoménologie se situe au pôle positif d'un « choix fondamental ». Ce choix, qui est un leitmotiv qu'on peut suivre à la trace dans toute la trilogie, décide de l'orientation de toute vie spirituelle : ou bien l'être humain, en présence de ce qui s'offre à sa conscience connaissante, tend à se développer, s'affirmer, s'approfondir, ou bien au contraire, il se laisse saisir et emporter par le mystère de ce qu'il lui est donné de percevoir. La réflexion théologique de Balthasar a comme axe principal la kénose divine : kénose intra-trinitaire (le dépouillement mutuel des personnes divines l'une envers l'autre) ; kénose de création (Dieu posant hors de lui des créatures capables de s'opposer à lui) ; kénose d'alliance (Dieu s'impliquant dans les aléas d'une alliance avec son peuple) ; kénose révélatrice (l'Incarnation, la Passion et la mort en Croix du Verbe divin). Le thème récurrent est celui de la « non-puissance » de Dieu, de la « non-figure » du Fils ensanglanté et mourant sur la Croix. La kénose du Fils incarné s'inscrit dans une logique visionnaire, répondant à un souci obsessif de Balthasar : le souci du « salut-pour-tous ». En effet, le Fils incarné subit l'abandon du Père, jusqu'à partager l'enfermement sans issue des réprouvés éventuels: la « Descente aux Enfers », c'est l'épreuve de la « non-puissance » extrême, seule capable de délivrer l'éventuel réprouvé sans faire violence au Libre Arbitre qui, selon la doctrine, définit la dignité de la personne humaine. La théologie négative, selon Balthasar, n'est pas l'arrêt de la raison humaine devant l'infini divin qui dépasse les limites de la conscience connaissante : pour Balthasar, c'est la contemplation du mystère inconcevable de la kénose divine, de l'inimaginable dépouillement divin dans la Passion du Fils et la Descente aux Enfers. La kénose du Fils incarné, ce n'est pas un acte distinct du Dieu tout-puissant, qui se séparerait de sa toute-puissance pour rejoindre le niveau de la condition humaine : le dépouillement, la non-puissance, c'est la définition même de Dieu dans la vie trinitaire. Selon Balthasar, la Passion, la mort, l'abandon du Christ jusque dans les ténèbres de la perdition révèlent Dieu tel qu'il est de toute éternité. Percevoir le divin dans la « non-figure » du Christ en croix, c'est recevoir le don du regard simple, c'est se tenir au pôle positif du « choix fondamental » : être emporté, ravi par le mystère qui se révèle. Ainsi se définit ce que Balthasar rappelle avec insistance : l'humilité de la théologie et de son langage: l'ouverture contemplative au mystère et le respect des failles de toute construction « théo-logique », failles par lesquelles se manifeste le mystère de l'indicible, qui bouscule nos habitudes et nos représentations.

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