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Un labo à soi : l’idéologie DIYbio de démocratie des biotechnologies et la conjonction entre facultés manuelles et autonomieEsquivel Sada, Daphné 06 1900 (has links)
Après des décennies de luttes sociales engagées pour la démocratisation des biotechnologies, des pays des quatre coins du globe assistent à l’essor de la « Do-It-Yourself Biology » (DIYbio). Dans le prolongement des mouvements source ouverte et DIY/Maker, la DIYbio entreprend de démocratiser les biotechnologies en les livrant aux mains du public. Le principe en étant que chaque citoyen doit pouvoir s’approprier et fabriquer librement des bio-artefacts. L’objectif de la présente thèse est de comprendre ce modèle démocratique, de saisir les enjeux sociaux et culturels soulevés par l’imbrication entre autonomie individuelle et bio-innovation sur laquelle il s’appuie, ainsi que ses résonnances à l’ère néolibérale. À la croisée des études sur la science et de la théorie critique, cette étude interroge la démocratie DIYbio à partir de son idéologie, une notion entendue non pas en un sens péjoratif, mais en tant qu’une vision du monde.
L’hypothèse déployée à travers les chapitres pose que la démocratie DIYbio repose sur un déplacement de l’idéal d’autonomie politique, des facultés réflexives vers les facultés manuelles de bio-expérimentation, donnant lieu à ce que je nomme, en analogie avec le concept d’espace public, le « laboratoire autonome ». L’idéologie du laboratoire autonome y est examinée en dialogue permanent avec son alter ego technoscientifique, le programme de la biologie synthétique. Cette double focale fait ressortir l’engouement commun des domaines socio-politique et scientifique, pour les facultés manuelles comme médium privilégié de leurs activités. Conceptuellement, cette thèse puise dans les assises épistémologiques de la culture hacker, alors que son corpus analytique est composé d’entretiens qualitatifs menés auprès d’acteurs du réseau DIYbio, d’observations réalisées au sein de groupes DIYbio canadiens et de données documentaires. À l’aide de l’analyse du discours, six grands piliers de la structure idéologique du laboratoire autonome y sont mis à nu: l’articulation entre les inscriptions socio-culturelles des adeptes (artistes, techies et universitaires en biotechnosciences) et leur quête d’autonomie individuelle dans le travail de laboratoire; l’idéal d’une modalité de recherche présidée par des valeurs d’auto-référentialité et d’autodétermination normative, ouvrant par là à l’instauration d’un processus de laissez-faire bio-expérimental aux dépens de médiations sociales (telles que le savoir théorique, le jugement des pairs et l’enseignement universitaire) qui assoient la pratique de la science en tant qu’entreprise collective; la capacité d’innovation comme condition à l’autonomisation bio-expérimentale; le mode d’existence technologique assigné à la matière vivante et la conception de l’éthique comme conduite individuelle responsable; la démocratisation de la propriété intellectuelle sur les entités biotiques; et enfin, une lutte socio-politique en faveur du génie génétique conjuguée à une perspective positiviste de l’opposition publique aux biotechnologies. Je suggère que les soubassements idéologiques du laboratoire autonome répondent aux impératifs d’une « démocratisation néolibérale » des biotechnologies. L’approche manuelle de la démocratie DIYbio révèle somme toute une déprise des exigences de la démocratie délibérative, dans la mesure où y est promulgué non pas l’idéal de l’éthique de la discussion, mais plutôt l’ethos hacker de la source ouverte et sa défense de la souveraineté individuelle dans l’innovation. / After decades of social struggles over the democratization of biotechnologies, societies from all corners of the globe witness the burgeoning of « Do-It-Yourself Biology » (DIYbio). In the wake of the open-source and DIY/Maker movements, DIYbio claims that every citizen should be able to freely appropriate and make bio-artefacts. Accordingly, it undertakes the democratization of biotechnologies by putting them in the hands of the public. This doctoral dissertation seeks to understand this democratic model, to grasp the social and cultural stakes of the intertwining between individual autonomy and bio-innovation on which it is grounded, as well as and its neoliberal echoes. At the crossroads between science studies and critical theory, this study delves into the DIYbio democracy through its ideological content, understood here not in a derogatory sense, but rather as a vision of the world. Each chapiter explores the hypothesis that the democratic model of DIYbio rests on a displacement of the ideal of political autonomy, its center of gravity moving from mental towards manual faculties. This gives rise to what I call the « autonomous laboratory », a notion analogous to the concept of public sphere. The ideology of the autonomous laboratory is examined in constant dialogue with its technoscientific alter ego, namely synthetic biology. This twofold perspective highlights how both the sociopolitical and the scientific domains share a common cherishing of manual faculties as the prime medium of their activities. Conceptually, this study draws on the epistemological foundations of the hacker culture. The corpus analysed consists of qualitative interviews conducted with actors of the DIYbio network, of observations within Canadian DIYbio groups, and of documentary data. Through discourse analysis, this dissertation brings to light six pillars of the ideological structure of the autonomous laboratory: the sociocultural identities of the adherents—grouped as artists, techies and biotechnoscience academics—and their quest for individual autonomy in bio-experimental work; the ideal of a research model rooted on self-referentiality and normative self-determination, which fosters a bio-experimental laissez-faire process at the expense of social mediations (such as abstract knowledge, peer judgement, academic education) that ground the practice of science as a collective activity; the reliance of bio-experimental autonomy on the innovation regime; the technological mode of existence ascribed to living entities and the view of ethics as an individual responsible act of conduct; the democratization of intellectual property over biological entities; and lastly, the combination between a sociopolitical commitment to genetic engineering and a positivist representation of the public opposition to gene technologies. I suggest that the ideological cornerstones of the autonomous laboratory meet the exigencies of a “neoliberal democratization” of biotechnologies, and that the DIYbio hands-on approach to democracy reveals, all in all, a disengagement from deliberative democracy biddings. Rather than the ideal ethics of discussion, it favors the open-source hacker ethos ingrained in the individual autonomy on innovation.
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Biohacking and code convergence : a transductive ethnographyChoukah, Sarah 01 1900 (has links)
Cette thèse se déploie dans un espace de discours et de pratiques revendicatrices, à l’inter- section des cultures amateures informatiques et biotechniques, euro-américaines contempo- raines. La problématique se dessinant dans ce croisement culturel examine des métaphores et analogies au coeur d’un traffic intense, au milieu de voies de commmunications imposantes, reliant les technologies informatiques et biotechniques comme lieux d’expression médiatique. L’examen retrace les lignes de force, les médiations expressives en ces lieux à travers leurs manifestations en tant que codes —à la fois informatiques et génétiques— et reconnaît les caractères analogiques d’expressivité des codes en tant que processus de convergence.
Émergeant lentement, à partir des années 40 et 50, les visions convergentes des codes ont facilité l’entrée des ordinateurs personnels dans les marchés, ainsi que dans les garages de hackers, alors que des bricoleurs de l’informatique s’en réclamaient comme espace de liberté d’information —et surtout d’innovation. Plus de cinquante ans plus tard, l’analogie entre codes informatiques et génétiques sert de moteur aux revendications de liberté, informant cette fois les nouvelles applications de la biotechnologie de marché, ainsi que l’activité des biohackers, ces bricoleurs de garage en biologie synthétique. Les pratiques du biohacking sont ainsi comprises comme des individuations : des tentatives continues de résoudre des frictions, des tensions travaillant les revendications des cultures amateures informatiques et biotechniques.
Une des manières de moduler ces tensions s’incarne dans un processus connu sous le nom de forking, entrevu ici comme l’expérience d’une bifurcation. Autrement dit, le forking est ici définit comme passage vers un seuil critique, déclinant la technologie et la biologie sur plusieurs modes. Le forking informe —c’est-à-dire permet et contraint— différentes vi- sions collectives de l’ouverture informationnelle. Le forking intervient aussi sur les plans des iii semio-matérialités et pouvoirs d’action investis dans les pratiques biotechniques et informa- tiques. Pris comme processus de co-constitution et de différentiation de l’action collective, les mouvements de bifurcation invitent les trois questions suivantes : 1) Comment le forking catalyse-t-il la solution des tensions participant aux revendications des pratiques du bioha- cking ? 2) Dans ce processus de solution, de quelles manières les revendications changent de phase, bifurquent et se transforment, parfois au point d’altérer radicalement ces pratiques ? 3) Quels nouveaux problèmes émergent de ces solutions ?
L’effort de recherche a trouvé ces questions, ainsi que les plans correspondants d’action sémio-matérielle et collective, incarnées dans trois expériences ethnographiques réparties sur trois ans (2012-2015) : la première dans un laboratoire de biotechnologie communautaire new- yorkais, la seconde dans l’émergence d’un groupe de biotechnologie amateure à Montréal, et la troisième à Cork, en Irlande, au sein du premier accélérateur d’entreprises en biologie synthétique au monde. La logique de l’enquête n’est ni strictement inductive ou déductive, mais transductive. Elle emprunte à la philosophie de la communication et de l’information de Gilbert Simondon et découvre l’épistémologie en tant qu’acte de création opérant en milieux relationnels. L’heuristique transductive offre des rencontres inusitées entre les métaphores et les analogies des codes. Ces rencontres étonnantes ont aménagé l’expérience de la conver- gence des codes sous forme de jeux d’écritures. Elles se sont retrouvées dans la recherche ethnographique en tant que processus transductifs. / This dissertation examines creative practices and discourses intersecting computer and biotech cultures. It queries influential metaphors and analogies on both sides of the inter- section, and their positioning of biotech and information technologies as expression media. It follows mediations across their incarnations as codes, both computational and biological, and situates their analogical expressivity and programmability as a process of code conver- gence. Converging visions of technological freedom facilitated the entrance of computers in 1960’s Western hobbyist hacker circles, as well as in consumer markets. Almost fifty years later, the analogy drives claims to freedom of information —and freedom of innovation— from biohacker hobbyist groups to new biotech consumer markets. Such biohacking practices are understood as individuations: as ongoing attempts to resolve frictions, tensions working through claims to freedom and openness animating software and biotech cultures.
Tensions get modulated in many ways. One of them, otherwise known as “forking,” refers here to a critical bifurcation allowing for differing iterations of biotechnical and computa- tional configurations. Forking informs —that is, simultaneously affords and constrains— differing collective visions of openness. Forking also operates on the materiality and agency invested in biotechnical and computational practices. Taken as a significant process of co- constitution and differentiation in collective action, bifurcation invites the following three questions: 1) How does forking solve tensions working through claims to biotech freedom? 2) In this solving process, how can claims bifurcate and transform to the point of radically altering biotech practices? 3) what new problems do these solutions call into existence?
This research found these questions, and both scales of material action and agency, in- carnated in three extensive ethnographical journeys spanning three years (2012-2015): the first in a Brooklyn-based biotech community laboratory, the second in the early days of a biotech community group in Montreal, and the third in the world’s first synthetic biology startup accelerator in Cork, Ireland. The inquiry’s guiding empirical logic is neither solely deductive or inductive, but transductive. It borrows from Gilbert Simondon’s philosophy of communication and information to experience epistemology as an act of analogical creation involving the radical, irreversible transformation of knower and known. Transductive heuris- tics offer unconvential encounters with practices, metaphors and analogies of code. In the end, transductive methods acknowledge code convergence as a metastable writing games, and ethnographical research itself as a transductive process.
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