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La figure de Narcisse dans la littérature et la pensée médiévales / The figure of Narcissus in medieval thoughts and literature

Romaggi-Trautmann, Magali 01 December 2018 (has links)
Les mythes grecs « font signe sans signifier, montrant, dérobant, toujours limpides disant le mystère transparent, le mystère de la transparence1 ». Maurice Blanchot dans cette remarque met en valeur le mystère inhérent à tout mythe. Il en va ainsi pour le mythe de Narcisse qui a connu un succès considérable à l’époque médiévale mais dont il n’est pas aisé de fixer un sens stable. C’est de la version du célèbre poète de l’époque augustéenne, Ovide, que les auteurs médiévaux ont hérité. La richesse de la légende, conférée par les nombreux ajouts d’Ovide, leur a permis de déployer à leur tour de nombreux sens nouveaux.Narcisse est avant tout perçu comme figure amoureuse. Narcisse est l’amant malheureux qui souffre d’une passion si forte qu’il finit par en mourir. L’objet de l’amour de Narcisse est bien souvent tu et oublié dans les reprises médiévales. Peu importe finalement qu’il ait aimé une ombre, l’accent est mis sur l’intensité de son amour et surtout sur ses funestes conséquences. La passion entraîne Narcisse sur le chemin de la mort : mort de l’esprit sous le coup de la folie et mort physique. Narcisse a été un objet de choix pour la poésie de la fin’amor. Troubadours et trouvères ont réélaboré la figure de Narcisse en parfait représentant du fin amant entre les XIIe et XIIIe siècles. Par ailleurs, la figure de Narcisse entretient des liens étroits avec les représentations du mélancolique, issues des théories psychophysiologiques sur l’amour de la philosophie et de la médecine.Le mythe a également inspiré des lectures morales. En effet, tout un pan des reprises du mythe – le pan chrétien – dévoile Narcisse sous les traits d’un pécheur entaché de défauts. L’orgueil dont il fait preuve est dans la conception chrétienne laracine de tous les maux ; ce vice engendre la vanité et l’arrogance. De la fin du XIIe au XIVe siècles, les clercs font de Narcisse l’incarnation parfaite de tous ces défauts. Selon la perspective adoptée la condamnation change légèrement mais l’idée reste lamême : Narcisse est imbu de sa propre personne et en tire une satisfaction trop haute.Enfin l’eau de la source, l’un des motifs essentiels du mythe de Narcisse, a été le point de convergence de plusieurs traditions qui ont fini par s’entremêler dans les œuvres médiévales : le motif biblique de l’eau d’un côté, de l’autre les conceptions néoplatoniciennes sur le reflet et le mythe antique de Narcisse. Un réseau d’images similaires irrigue ces traditions, constitué de l’eau claire, du reflet et de la fontaine. Le "fons" antique s’est peu à peu métamorphosé en fontaine médiévale jusqu’à devenir véritable miroir. Le motif du miroir s’autonomise peu à peu par rapport à la surface des eaux. La dimension fantasmatique de l’amour de Narcisse pour son reflet s’amplifie nettement. Se voir soi-même dans un miroir constitue une expérience étrange où l’individu touche au secret de son être. Incapable de l’atteindre réellement, il voit son intimité se dérober à lui, ce qui provoque son désenchantement. Le miroir, véritable porte d’entrée sur le rêve, est un motif idéal pour figurer tous les possibles de l’acte d’écriture. C’est pourquoi certaines reprises médiévales offrent l’utopie d’un amour partagé tandis que d’autres préfèrent peindreles travers de l’être humain. Le miroir enfin se fait métaphore de l’écriture ellemême. La présence de Narcisse se réalise sous des formes plus ou moins implicites dans ces œuvres dont la portée réflexive est actualisée par le motif du miroir. / Greek myths « font signe sans signifier, montrant, dérobant, toujours limpides disant le mystère transparent, le mystère de la transparence2 ». With these words, Maurice Blanchot insists on the very mystery of all myth. It is also the case for the myth of the Narcissus that has known a considerable success in the medieval time but for which it is difficult to … a stable meaning. It is the famous Augustinian poet Ovidius myth that the medieval authors inherited. They added new meanings to the already rich legend, following the footsteps of Ovidius.Narcissus is foremost a figure in love. Narcissus is the unfortunate lover who suffers such a strong passion he dies from it. What he is in love with can be ignored in the medieval versions. Even if he loved a shadow, it is the intensity of his love and the funest consequences the texts insist on. Passion drives Narcissus on the road to death : spiritual death because of Madness et physical death. Narcissus was a prime subject for fin’amor poetry. Troubadours and trouveres made of Narcissus the perfect example of the fin amant between the XIIth and XIIIth centuries. Moreover Narcissus is the deeply linked to the representation of the melancholic that came from the psycho-physiological philosophical and medical theories of love.Moral Reading were also inspired by the myth. Indeed, Narcissus becomes a sinner full of flaws Under the Christian vision of the myth. Pride is the origin of all the flaws: vanity and arrogance are direct consequences. Narcissus becomes the perfect incarnation of these sins. Depending of the point of view the condemnation may vary but the idea is still the same: Narcissus is self-important and is too pleased with himself. Finally the water from the source, one of the most important aspect of the Narcissus mythology, became the meeting point of several traditions which interlaced in the medieval work: biblical water on one side and neoplatonician conceptions of reflection and ancient myth of Narcissus. The ancient fons transforms itself into a medieval fountain and a true mirror. The mirror becomes more and more independent from the surface of water. The phantasmatical dimension of the Narcissus love for his reflection is developed.

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