Au Maroc, l’insertion professionnelle des jeunes diplômés est problématique. Lors des décennies qui suivent l’indépendance, cette catégorie sociale fait valoir sa formation pour obtenir un emploi dans un secteur public alors en pleine expansion. Un tel débouché consolide une représentation du diplôme comme voie infaillible de promotion sociale. Or, l’application des mesures d’ajustement structurel, à partir de 1983, freine de façon drastique le rythme d’insertion dans la fonction publique. Mis à mal, l’Etat employeur n’est pas relayé par un secteur privé, au demeurant incapable d’assurer la stabilité sociale afférente aux emplois publics.Depuis la fin des années 1980, des « diplômés chômeurs » s’organisent dans des structures militantes pour revendiquer collectivement leur insertion dans la fonction publique. Leurs demandes donnent lieu à diverses formes d’action : marches, sit-in, grèves de la faim, occupations de bâtiments ou lobbying direct auprès des responsables publics. Le discours collectif met en avant le statut de diplômé et l’ « injustice » implicite au chômage de cette catégorie. Devenue une constante de la scène protestataire, la mobilisation des diplômés chômeurs est parvenue à se stabiliser dans une version apparemment « apolitique ». Son efficacité est imprévisible mais réelle, au regard des postes d’emploi accordés aux militants, ce qui entretient une disponibilité de candidats pour le passage à l’acte. L’efficacité de la mobilisation tient aux modalités d’insertion des protestations dans l’arène politique marocaine, faisant du « diplômé chômeur » l’objet d’usages disparates.En tant que catégorie sociologique et acteur protestataire, les diplômés chômeurs incitent une pluralité d’acteurs à « faire et à dire ». Les modalités d’action et de discours des chômeurs sont en constant mouvement, altérées ou intégrées aux calculs de partis en situation de concurrence électorale, de coalitions protestataires élargies critiques à l’égard du régime, de responsables publics visant à légitimer leurs décisions, etc. Protéiforme et apparemment inépuisable, la dynamique protestataire des diplômés chômeurs nous renseigne sur les limites autoritaires des expressions de mécontentement au Maroc. Elle nous permet d’approcher les modalités de la gestion de la question sociale et les ressorts du traitement des débordements sociaux et des (potentielles) oppositions politiques. Si la gestion par la force n’a pas disparu, elle est sans doute effacée et dépassée par une approche publique qui vise à domestiquer la mobilisation protestataire. / In Morocco, educated youth faces difficulties to join the job market. After the independence in 1956, this social category use to be recruited in a growing public sector, therefore consolidating an image of the university diploma as an infallible channel of social promotion. However, structural adjustment policies, implemented since 1983, dramatically slowed down the recruitment of civil servants. The “employer-State” will barely be relieved by a private sector unable to assure the stability of public sector jobs. Since the end of the eighties, « unemployed graduates » organise themselves in mobilization structures claiming for recruitments in the public administration. They set up a wide range of actions: rallies, sit-in, hunger strikes, building occupations or lobbying actions. The collective discourse stresses the interpretation of unemployment as an « injustice » suffered by the graduates. The mobilisation of unemployed graduates has achieved a high level of stability within the contentious politics Moroccan arena. Using an apparently “apolitical” discourse, the action of the unemployed periodically succeeds in obtaining jobs. The efficacy of the collective action is to be understood as an assumption of the targets and stakes that unemployed graduates serve in the multiple scenes of the political. Action and discourse modalities are in constant movement. They are influenced (and sometimes co-opted) by parties within electoral contexts, by contentious actors within projects of opposition to the regime, and by public authorities trying to legitimize their choices. Diversified and apparently inexhaustible, the collective action of the unemployed graduates sheds some light on the authoritarian limits to the expression of collective grieves in Morocco. It enables us to observe how the social question is approached and how power deals with social unrest and potential political oppositions.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2011AIX32055 |
Date | 09 September 2011 |
Creators | Emperador Badimon, Montserrat |
Contributors | Aix-Marseille 3, Camau, Michel |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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