Comment humains et chimpanzés définissent et brouillent les frontières entre leurs espèces lors de leurs interactions ? Tel sera le leitmotiv de notre étho-ethnographie, à l’intersection de l’anthropologie sociale, des études des sciences, et de la primatologie. Au fondement de cette recherche se trouve un travail de terrain de longue durée mené dans un laboratoire de sciences cognitives situé au Japon, au sein duquel sont enseignées aux chimpanzés des compétences langagières dans le but de caractériser leur monde perceptuel. Cependant, au cœur même du contexte ce laboratoire, la nature des relations entre humains et chimpanzés est un aspect crucial de ce programme de recherche ; les deux espèces y forment une communauté hybride faite d’affects, de relations sociales et de collaboration scientifique. Afin de fournir une étude comparative, nous avons également mené une série d’ethnographies plus brèves – sur le modèle de la méthodologie multi-site – en observant cette même problématique à l’œuvre au sein de diverses institutions au Japon - zoo, sanctuaires et réserves - ainsi qu’au sein de la station japonaise pour l’étude de la culture des chimpanzés qui se trouve à Bossou, en République de Guinée. En outre, ce travail narre l’expérience que nous avons faite de devenir expérimentatrice au sein du laboratoire étudié. Le résultat en est multiple. Nous commencerons par explorer l’histoire des études sur les chimpanzés menées à l’Institut de Recherche sur les Primates de l’Université de Kyoto (KUPRI) ainsi que les pratiques de soin et de recherche qui s’y sont mises en place. Ensuite, nous étudierons les dynamiques qui caractérisent (1) les frontières physiques, lors d’interactions sociales entre deux espèces qui peuvent s’avérer dangereuses, (2) les frontières expérimentales, lorsque le chimpanzé n’est pas seulement celui qui fait l’objet d’une expérience mais qui met également à l’épreuve son expérimentateur, (3) et les frontières symboliques, lorsqu’est interrogée la définition de la « personne » humaine et non humaine. Ainsi, quatre points principaux sont examinés à nouveaux frais, en particulier (a) la socialisation interspécifique (b) l’incarnation des relations inter-espèces dans un espace donné (c) les relations inter-espèces dans un contexte scientifique (d) l’examen de perspectives zoocentrées sur la « personne ». Nous conclurons avec l’évocation de nos espoirs et de nos attentes quant à un dialogue fructueux entre les différentes disciplines en jeu. L’apport de ce travail consistera en effet à mobiliser des concepts et des outils de la primatologie et des sciences sociales afin de proposer une analyse plus symétrique des relations entre humains et animaux. / How do humans and chimpanzees set and blur boundaries between species when interacting with each other? This is the leitmotif of this etho-ethnography at the intersection of social anthropology, social studies of science and primatology. This endeavor is based on long-term fieldwork conducted in a cognitive sciences laboratory in Japan, which teaches chimpanzees language-like skills as means to understand their perceptual world. However, in this laboratory setting, the human-chimpanzee relationship is a vital part of the research philosophy and both species constitute a hybrid community of affections, social relationships, and scientific partnering. As a comparative effort, a short-term multi-sited ethnography was conducted following the theme across institutions in Japan of zoo, sanctuary and field-site type, in addition to the Japanese field station for the study of chimpanzee culture, in Bossou, Africa. Moreover, this work draws on the experience of becoming, at the same time, an experimenter in the targeted laboratory. The result is multifold. We shall explore first, the history as well as the caretaking and research practices in chimpanzee studies at the Primate Research Institute of Kyoto University (KUPRI). Then, we shall investigate the dynamics of physical boundaries in dangerous interspecies social interactions; the experimental boundaries of testing and being tested by chimpanzees; and the symbolic boundaries concerning human and nonhuman personhood. As a result, four major points are brought to light in a renewed perspective, namely (a) interspecies socialization (b) the embodiment of interspecies social relations in space (c) interspecies social relations in scientific settings (d) animalcentric perspectives on personhood. We conclude with the hopes and prospects for a fruitful dialogue across disciplines. Overall, the differential endeavor of this work consists in mobilizing concepts and tools from both primatology and social sciences to propose a more symmetric analysis of the human-animal relationship.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018PSLEE035 |
Date | 10 January 2018 |
Creators | Bezerra de Melo Daly, Gabriela |
Contributors | Paris Sciences et Lettres, Descola, Philippe, Lestel, Dominique |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | English |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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