Les études de la relation entre les humains et les animaux prennent petit à petit leur place en anthropologie. Depuis plusieurs points d’observation, l’anthropologie interprète et explique les relations établies entre les humains et les animaux au fil de l’histoire. Petit à petit ces études s’engagent à observer les animaux plus proches de nous et plus communs, comme les animaux domestiques (Dalla Bernardina, 2006). Nous essaierons dans cette étude de comprendre comment cet animal domestique interagit socialement et ce qu’il signifie dans un contexte social indigène. Mon objectif est d’ethnographier cette relation entre sujets humains et canins, dont la coexistence et l’histoire font sens. En ce qui concerne les Indiens et les animaux, l’anthropologie nous présente plusieurs travaux, Erikson (1988 ; 1998 ; 2000, 2012), Descola (1986 ; 2005), Viveiros de Castro (1998, 2002 ; 2009), Vander Velden (2009 ; 2011, 2012), Kohler (2011, 2012), qui me serviront de base pour entamer cette recherche. En partant du principe que les êtres humains maintiennent une relation objective et subjective avec les animaux je prétends mener une ethnographie des liens entre les Pitaguary et leurs chiens. J’utiliserai le concept de « communauté hybride » du philosophe Dominique Lestel (1996, 2001, 2004, 2007, 2013) pour définir une société où la relation de collaboration entre humains et animaux se superpose à celle d’autorité. Il s’agit de mettre en lumière les liens interspécifiques au centre des rapports sociaux, où tant l’humain que l’animal ont statut de sujet. Pour mener cette étude, l’immersion dans les terres Pitaguary et l’observation participante de la relation entre ce peuple et ses chiens a été la méthodologie appliquée. Nous évoquons d’abord l’histoire des Pitaguary dans le contexte de la « renaissance » des Indiens du Nordeste, puis la place des animaux, et des chiens en particulier, dans leurs mythes, rituels et pratiques (chasse, soins) et l’interprétation subjective des comportements canins par les Pitaguary eux-mêmes. Nous nous centrons enfin sur les chiens, dans leur quotidien, dans leur histoire de vie, et dans leur relation sociale avec les humains. / The study of the relations between humans and animals gradually increases in importance in anthropology. Originating from different approaches, the anthropological studies have sought to interpret the relations established between human and animals in historical senses. Researches have more and more concentrated efforts on the observation of the closest and more common animals (Dalla Bernardina, 2006), such as the domestic species. This research will seek to understand how the domestic animal interacts with human, Erickson (1988 ; 1998 ; 2000, 2012), Descola (1986 ; 2005), Viveiros de Castro (1998, 2002 ; 2009), Vander Velden (2009 ; 2011, 2012), Kohler (2011, 2012), beings in a native (Indian) community, analyzing the day-to-day life of the Pitaguary tribe in the State of Ceará, Brazil, with their pet dogs. The goal is an ethnographic study of the relation among human and canine individuals, whose long story of coexistence has led to the creation of a special bond among many of those. Starting from the general idea that humans keep objective and subjective relations with animals, the proposal is an anthropological research based on the ethnography of the relations between the Pitaguary and their pet dogs, based on the concept of a “hybrid society”, such as the defined by the philosopher Dominique Lestel (1996, 2001, 2004, 2007, 2013) in order to define a society in which the relation of collaboration between men and animals overcomes the dominative relation (understood as determining on the process of domesticization/familiarization). It comes down to seek to understand the interespecific connections on the community life, in which both the humans as much as the animals have a leading role. Intensive field research on the Pitaguary landings to assess the relation between this people and their pet dogs (along with other wild animals, domestic e familiarized) will be the methodology to be employed. It must be pointed out the history of the Pitaguary in the context of the “reemergence” of the Indians in Northeastern Brazil, next the importance of their pet animals and dogs, especially on mythical, rites and daily habits (such as hunting and cures) just as the subjective interpretation of the canine behavior by the own Pitaguary. We’ll focus at last on the pet dogs on day-to-day matters, their life stories, and within their social relations with humans. / O estudo das relações entre humanos e animais ganha paulatinamente espaço na Antropologia. Partindo de diferentes abordagens teóricas e metodológicas, os estudos antropológicos têm buscado interpretar as relações estabelecidas entre animais humanos e não humanos etnográfica e historicamente. Cada vez mais as investigações empenham-se na observação de animais, mais próximos e comuns (Dalla Bernardina, 2006), como as espécies domésticas ou domesticadas. A pesquisa aqui proposta tenta compreender como o animal doméstico interage socialmente com seres humanos em uma população indígena, Erikson (1988 ; 1998 ; 2000, 2012), Descola (1986 ; 2005), Viveiros de Castro (1998, 2002 ; 2009), Vander Velden (2009 ; 2011, 2012), Kohler (2011, 2012). O objetivo foi etnografar a relação entre sujeitos humanos e caninos, cuja longa história de convivência levou à criação de um nexo especial entre uns e outros. Partindo do princípio de que os seres humanos mantêm relações objetivas e subjetivas com os animais, fiz esta pesquisa antropológica baseada na etnografia das relações entre os Pitaguary e seus cachorros, a partir do conceito de “sociedade híbrida”, tal como definido pelo filósofo Dominique Lestel (1996, 2001, 2004, 2007, 2013) para definir uma sociedade em que a relação de colaboração entre homens e animais se sobrepõe à relação de dominação (entendida como determinante no processo de domesticação/familiarização). Trata-se de buscar compreender os laços interespecíficos no seio do convívio social, no qual tanto o humano quanto o animal ocupam o estatuto de sujeito. Pesquisa de campo intensiva nas terras Pitaguary para a observação da relação entre esse povo e seus cães (além de outros animais selvagens, domésticos e familiarizados) foi a metodologia aplicada. Evocamos primeiramente a história dos Pitaguary no contexto do « ressurgimento » dos índios do Nordeste, em seguida o lugar dos animais e dos cães, em particular nos mitos, rituais e práticas (caça, curas) assim como a interpretação subjetiva dos comportamentos caninos pelos próprios Pitaguary. Nos centraremos finalmente sobre os cachorros no quotidiano, suas histórias de vida, e dentro de suas relações sociais com os humanos.

Comment humains et chimpanzés définissent et brouillent les frontières entre leurs espèces lors de leurs interactions ? Tel sera le leitmotiv de notre étho-ethnographie, à l’intersection de l’anthropologie sociale, des études des sciences, et de la primatologie. Au fondement de cette recherche se trouve un travail de terrain de longue durée mené dans un laboratoire de sciences cognitives situé au Japon, au sein duquel sont enseignées aux chimpanzés des compétences langagières dans le but de caractériser leur monde perceptuel. Cependant, au cœur même du contexte ce laboratoire, la nature des relations entre humains et chimpanzés est un aspect crucial de ce programme de recherche ; les deux espèces y forment une communauté hybride faite d’affects, de relations sociales et de collaboration scientifique. Afin de fournir une étude comparative, nous avons également mené une série d’ethnographies plus brèves – sur le modèle de la méthodologie multi-site – en observant cette même problématique à l’œuvre au sein de diverses institutions au Japon - zoo, sanctuaires et réserves - ainsi qu’au sein de la station japonaise pour l’étude de la culture des chimpanzés qui se trouve à Bossou, en République de Guinée. En outre, ce travail narre l’expérience que nous avons faite de devenir expérimentatrice au sein du laboratoire étudié. Le résultat en est multiple. Nous commencerons par explorer l’histoire des études sur les chimpanzés menées à l’Institut de Recherche sur les Primates de l’Université de Kyoto (KUPRI) ainsi que les pratiques de soin et de recherche qui s’y sont mises en place. Ensuite, nous étudierons les dynamiques qui caractérisent (1) les frontières physiques, lors d’interactions sociales entre deux espèces qui peuvent s’avérer dangereuses, (2) les frontières expérimentales, lorsque le chimpanzé n’est pas seulement celui qui fait l’objet d’une expérience mais qui met également à l’épreuve son expérimentateur, (3) et les frontières symboliques, lorsqu’est interrogée la définition de la « personne » humaine et non humaine. Ainsi, quatre points principaux sont examinés à nouveaux frais, en particulier (a) la socialisation interspécifique (b) l’incarnation des relations inter-espèces dans un espace donné (c) les relations inter-espèces dans un contexte scientifique (d) l’examen de perspectives zoocentrées sur la « personne ». Nous conclurons avec l’évocation de nos espoirs et de nos attentes quant à un dialogue fructueux entre les différentes disciplines en jeu. L’apport de ce travail consistera en effet à mobiliser des concepts et des outils de la primatologie et des sciences sociales afin de proposer une analyse plus symétrique des relations entre humains et animaux. / How do humans and chimpanzees set and blur boundaries between species when interacting with each other? This is the leitmotif of this etho-ethnography at the intersection of social anthropology, social studies of science and primatology. This endeavor is based on long-term fieldwork conducted in a cognitive sciences laboratory in Japan, which teaches chimpanzees language-like skills as means to understand their perceptual world. However, in this laboratory setting, the human-chimpanzee relationship is a vital part of the research philosophy and both species constitute a hybrid community of affections, social relationships, and scientific partnering. As a comparative effort, a short-term multi-sited ethnography was conducted following the theme across institutions in Japan of zoo, sanctuary and field-site type, in addition to the Japanese field station for the study of chimpanzee culture, in Bossou, Africa. Moreover, this work draws on the experience of becoming, at the same time, an experimenter in the targeted laboratory. The result is multifold. We shall explore first, the history as well as the caretaking and research practices in chimpanzee studies at the Primate Research Institute of Kyoto University (KUPRI). Then, we shall investigate the dynamics of physical boundaries in dangerous interspecies social interactions; the experimental boundaries of testing and being tested by chimpanzees; and the symbolic boundaries concerning human and nonhuman personhood. As a result, four major points are brought to light in a renewed perspective, namely (a) interspecies socialization (b) the embodiment of interspecies social relations in space (c) interspecies social relations in scientific settings (d) animalcentric perspectives on personhood. We conclude with the hopes and prospects for a fruitful dialogue across disciplines. Overall, the differential endeavor of this work consists in mobilizing concepts and tools from both primatology and social sciences to propose a more symmetric analysis of the human-animal relationship.