La médicalisation de la naissance, par l’extension des possibles qu’elle occasionne, confronte à de nouveaux choix. Ces décisions, autrefois prises par les médecins, se réfèrent désormais au « projet » des parents. Non plus simple réponse à une proposition du corps médical comme peut l’être le consentement, le projet fait du patient le sujet décisionnaire, à l’origine comme à la fin : le projet est donc le critère qui guide les pratiques, la nouvelle instance de décision. Là où la médicalisation, accusée de « déshumaniser » la naissance, pouvait apparaître comme un instrument d’assujettissement et de désubjectivation au service d’une société industrielle pour Illich ou d’une biopolitique pour Foucault, une résistance à cette gouvernementalité aurait vu le jour sous la forme du projet. Garante de l'autonomie et de choix singuliers, la référence au projet aurait ainsi une valeur émancipatrice, relèverait d’un nouveau mode de subjectivation. Pourtant, cette catégorie s'insérant dans une nouvelle forme d’organisation sociale à laquelle Boltanski donne le nom de « cité par projets », elle apparaît dès lors comme un rouage de cette cité, elle-même inséparable du nouveau cadre que constitue le néolibéralisme. Penser la naissance en terme de projet, c’est alors étendre le néolibéralisme jusque dans la naissance. Car celle-ci marque le début de la vie humaine ; laquelle est précisément associée, dans la gouvernementalité néolibérale, au nouveau capital à entretenir. Et si auparavant le début de la vie humaine représentait un domaine d'impuissance, la médicalisation a modifié cette donnée : la médecine s'est emparée de ce premier temps de la vie, et dorénavant, on peut agir dans le champ de la naissance. La médicalisation de la naissance, via le projet, a ainsi permis l’extension du néolibéralisme à l'ensemble de l'existence. La catégorie de projet, loin de constituer une véritable alternative, est au contraire soluble dans le néolibéralisme contemporain et la nouvelle forme de gouvernementalité qui le caractérise. La naissance peut-elle alors résister au néolibéralisme? Plus que d’envisager de libérer la catégorie de projet de son sens néolibéral, c’est du côté d’une pensée voire d’une philosophie de la naissance qu’une voie sera esquissée. C’est dans l’attention à la naissance comme totalité vécue, comme expérience incarnée et non comme support de projet, qu’une résistance peut voir le jour. Contre le volontarisme néolibéral du projet nous suggérerons l’incarnation philosophique de la naissance. / The medicalization of birth by extending the realm of the possible, confronts with new choices. These decisions, formerly taken by doctors, now refer to the project of the parents. No more a mere answer to the offer from the medical corps as the consent can be, the project gets the patient into a decision making subject, at the beginning like at the end: then the project is the criterion that guides practices, the new decision making authority. Where the medicalization, accused of “dehumanizing” birth, could appear as an instrument of subjugation and desubjectivation in the service of an industrial society for Illich or of biopolitics for Foucault, a a resistance to this governmentality has emerged in the form of the project. Guarantor of autonomy and singular choices, the reference to the project would then have a liberating value, would constitute a new mode of subjectivation. However, this category getting into a new form of social organization which Boltanski gives the name of “projective city” thus appears to be a cog of this city, itself inseparable from the new framework that neoliberalism consist in. Thinking the birth in terms of project means expanding neoliberalism up to birth. For this marks the start of human life; which precisely embodies, in the framework of neoliberalism, the new capital to look after. And if the start of this human life formerly stood for an area of helplessness, medicalization changed this fact: medicine captured this first time of life, and from now on we can act in the field of birth. Hence the medicalization of birth, via the project, has enabled the expansion of neoliberalism to the whole of the existence. The project category, far from offering a real alternative, is on the contrary soluble in the contemporary neoliberalism and the new form of governmentality that characterizes it. Can birth then resist neoliberalism? Rather than planning to release the project category of its neo-liberal meaning, we might find a way around a thought, even a philosophy of the birth. A resistance can emerge from the attention to birth as a lived whole, as an embodied experience, and not as the support of a project. Against the neo-liberal voluntarism of the project we shall suggest the philosophical incarnation of birth.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2015BOR30059 |
Date | 24 September 2015 |
Creators | Gomes Da Cunha, Marie |
Contributors | Bordeaux 3, Le Blanc, Guillaume |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.0019 seconds