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Baudelaire et la vérité poétique / Baudelaire and Poetic Truth

Notre hypothèse de travail est la suivante : sous le couvert d’un pacte de fausseté et de jeu, Baudelaire met en œuvre le passage vers une poésie qui, pour s’interroger désormais profondément sur elle-même (fondements, référents, métamorphoses, essence et nécessité), exige et engendre sans cesse son foyer propre de vérité, au-delà de tout système. Ainsi, à la différence de ses prédécesseurs, le poète ne fait plus porter principalement son attention, ses efforts, ses doutes et soupçons, sur la portée lisiblement et socialement constructive de ce qu’il écrit, mais sur le rapport entre une apparence poétique ou artistique qui se tient (la figure, l’image) et le tréfonds de l’homme, soit un certain effondrement. La perspective esthétique et morale que nous cherchons donc à définir dans l’œuvre baudelairienne interroge le lien de la parole avec celui qui l’émet d’une part, et celui qui la reçoit d’autre part : la mise en cause de la langue en tant que vecteur effectif est donc posée, ainsi que la recherche anxieuse qui l’accompagne. À la fois nés et déjà distanciés du Romantisme, ce nouveau point de mire et cette réflexivité libèrent, exacerbent et menacent le poétique : c’est ainsi qu’à travers les motifs de l’hypocrisie, du mensonge, du masque, et de l’art lui-même, le poète défie cet idéal au fur et à mesure qu’il l’initie, tout en vivant une véritable passion poétique dans laquelle il s’investit et se consume, corps et esprit, non sans une forme d’intégrité. Tels sont les paradoxes envisagés. En quels termes peut-on parler de vérité poétique dans l’œuvre de Baudelaire ? En extrait-il l’idée vers un déploiement et une postérité assurément fertiles, ou bien l’étouffe-t-il dès sa source dans la clairvoyance qui le caractérise ? Une telle lucidité peut-elle travailler contre l’authenticité du geste artistique ? Où, quand et comment se joue donc le vrai du poème ? Pourquoi et vers quoi ? En quoi l’œuvre trouve-t-elle à travers ce fil une cohérence particulièrement éclairante en tant qu’initiatrice de la modernité ? Mais également, avec quelles limites ? Comment et pourquoi le sens poétique peut-il et doit-il échapper au souci dialectique, donc se jouer pareillement des travestissements et de toute adhérence systématique - notamment d’une fidélité à toutes les évidences de gravité ? Il s’agit donc de tenter de comprendre en quoi le poétique, à partir de Baudelaire, et conséquemment à son travail, dans les transports et substitutions qu’il suppose, dans son improuvable et sa mystification, mais également dans la rigueur qui le caractérise, peut-être mis est en rapport avec le vrai, non pas selon des systèmes constants extérieurs et préalables, mais selon des entrées, des perspectives interférant avec la parole créatrice, notamment avec l’expérience de l’inspiration, de la composition, et de la lecture du symbole. Puisque telle vérité ne peut évidemment pas être posée comme un théorème ou axiome positivement prouvés et applicables, elle ne sera donc pas envisagée à travers un prisme théorique et philosophique précis, mais bien confrontée méthodiquement à la littérarité du texte, au poème, en ce qu’il présente et initie une forme d’existence intrinsèque, dont l’originalité et le paradoxe seraient précisément de ne pas être positive, au sens d’appuyée sur quoi que ce soit de préjugé, où tendue à dessein vers un objectif prescrit. / Our working hypothesis is as follows : under the cover of a pact of falsehood and play, Baudelaire implements the passage toward a poetry which, in order to deeply question itself henceforth with regard to its groundings, referents, metamorphoses, essence, and necessity, requires and incessantly engenders its own center-of-truth beyond any system. Thus, as distinct from his predecessors, the poet no longer aims his attention, efforts, doubts and suspicions at the readably and socially constructive import of what he writes, but at the relation between a poetic or artistic appearance that holds together (the figure, the image) and the inmost depths of humankind, that is, a certain dejection or collapse. The esthetic and moral perspective we seek thus to define in Baudelaire’s work questions the connection between the word and the person emitting it on the one hand, and those receiving it on the other: hence the calling into question of language as an actual vector as well as the anxious research that accompanies it are posed. At once born of and already distanced from Romanticism, this new focus and reflexivity free, exacerbate, and threaten the poetical: thus, by way of the motifs of hypocrisy, lying, the mask and art itself, the poet challenges this ideal in the very process of initiating it, all the while living a veritable poetic passion in which he invests and consumes himself, body and mind, not without a form of integrity. Such are the paradoxes envisioned. In what terms can one speak of poetic truth in Baudelaire’s work? Does he extract the idea of it toward an unfolding and assuredly fertile posterity or else does he stifle the upsurge with his characteristic clairvoyance ? Can such lucidity work against the authenticity of the artistic gesture? Where, when, and how does trueness come into play in a poem ? Why and with a view to what? In what manner does the work, by way of this strand, find a particularly illuminating coherence as initiator of modernity? But equally, within what limits? How, why, can and must poetic meaning escape dialectical concerns and hence deceive, likewise, all travesties and systematic adherence — and especially faithfulness to all obvious facts of solemnity? It’s about attempting to understand in what way the poetical, starting with Baudelaire, and as a result of his work, within the transfers and substitutions it presupposes, in its unprovability and its mystification, but equally in the rigor that characterizes it, may be placed in relation with the true, not according to constant external and pre-existing systems, but according to access-ways, perspectives interacting with creative speech, namely with the experience of inspiration, composition, and the reading of symbols. Since such a truth obviously cannot be posed as a theorem or axiom positively proven and applicable, it will therefore not be envisioned through a precise theoretical and philosophical prism, but rather confronted methodically with the literariness of the text, with the poem, in that it presents and initiates an intrinsic form of existence whose originality and paradoxy would be precisely not to be positive, in the sense of supported by anything pre-judged whatsoever, or tending by design toward any prescribed objective.

Identiferoai:union.ndltd.org:theses.fr/2015BOR30066
Date17 December 2015
CreatorsFoloppe Ganne, Régine
ContributorsBordeaux 3, Peylet, Gérard
Source SetsDépôt national des thèses électroniques françaises
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeElectronic Thesis or Dissertation, Text

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