Cette recherche porte sur les trajectoires de développement professionnel d'enseignants spécialisés en déficience visuelle. Elle vise à décrire et à analyser les démarches de formation d'enseignants intervenant auprès d'élèves handicapés visuels, à l'aide du modèle de l'autorégulation de l'apprentissage de Zimmerman (2000). Un questionnaire a été distribué aux enseignants spécialisés en déficience visuelle de trois commissions scolaires de la région de Montréal. Vingt-huit enseignants ont accepté sur une base volontaire de participer à cette étude. De ce nombre, cinq enseignants experts ont ensuite été sélectionnés en vue de réaliser des entretiens de recherche. Les résultats ont démontré que les enseignants qui prennent en charge leur développement professionnel parviennent à développer une expertise auprès de la clientèle d'élèves qui présentent une déficience visuelle. De façon générale, ces enseignants suivent une trajectoire similaire de développement professionnel afin d'atteindre leurs buts de formation.

L'éducation spécialisée est traversée, depuis une dizaine d'années, par de profondes mutations institutionnelles. Les éducateurs spécialisés, qui en sont des acteurs parmi d'autres, ont tendance à leur imputer les effets de la " crise identitaire " qui gagnerait leur profession. Nous démontrons, pour notre part, que celle-ci est surtout la résurgence d'une disjonction originelle entre leur identité pour soi et leur identité pour autrui. Plus qu'une déprofessionnalisation, nous soutenons la thèse selon laquelle les éducateurs spécialisés, sous l'effet des changements à l'œuvre, sont confrontés aux limites de leur professionnalisation historiquement inachevée. Nous montrons ainsi que nos enquêtés jouent de leur autonomie, se saisissant des opportunités offertes par ces mutations institutionnelles, pour réduire les brouillages originels de leur identité sociale et professionnelle. Il reste que l'enjeu identitaire n'est pas un objet de négociation ordinaire puisqu'il engage des conceptions professionnelles, la perception de son utilité sociale et, plus fondamentalement encore, l'image de soi. Présentant les caractéristiques majeures de l'éducation spécialisée et des mutations systémiques en cours, nous exposons, dans notre première partie, les fondements de notre problématique de recherche. Dans la seconde, nous dévoilons les dynamiques de négociation institutionnelles et organisationnelles dans lesquelles sont engagés nos interviewés au sein de leurs établissements ou services. Enfin, dans notre troisième partie, nous démontrons que les dynamiques identitaires de nos enquêtés participent de la recomposition des pratiques et de la profession d'éducateur spécialisé elle-même.

Depuis ses origines le travail social s'organise sur des fondements contradictoires et indissociables qui servent des intérêts aussi divers qu'antagonistes. Dans le cadre particulier de l'assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) nous nous intéressons au processus d'écriture des éducateurs lorsqu'ils doivent fournir au juge des enfants, leur rapport de fin d'intervention. Qu'écrivent-ils ? Sur quelles références s'appuient-ils ? Comment prennent-ils en compte les références qu'ils invoquent lorsque celles-ci s'avèrent soumises à leurs interprétations ? Quelle place prend et quel rôle joue, leur subjectivité ? Après une étude théorique des références invoquées (la Loi, la famille, l'enfant et la « subjectivité ») et un travail autour des phénomènes sources du processus d'écriture (la perception, l'observation et l'interprétation), notre méthodologie de recherche nous permet d'observer les tensions entre conviction subjective et références professionnelles au cours du processus d'écriture et de les hiérarchiser. Ainsi nous parvenons à construire une typologie d'attitudes des travailleurs sociaux, au moment de la rédaction de leur rapport. Cette typologie ouvre des perspectives de formations initiales et/ou continues mais elle est aussi un argument pour repenser l'institution. En effet, l'engagement subjectif du travailleur social dans son écrit professionnel est à prendre en compte, à mettre au travail au sein d'une institution qui le valorise, le soutienne et le forme. / Since its beginnings, social work is organized and based on contradictory and inseparable foundations which cater various and antagonistic interests. In the specific context of educational assistance (AEMO), we are interested in the writing process, especially when educators have to provide their mediation end report to the juvenile judge. What do they write? What are the references they take into account? How do they manage the subjective references sprang from their own analysis? What is the role of their subjectivity and to what extent is it concerned ? Once an academic study on the references cited (the Law, family, child and “subjectivity”) and a work on the source phenomena of the writing process (perception, observation and interpretation) had been done, our research methodology allows us to observe and to classify the tensions between subjective belief and professional references while the report is written. Thus, we can define a typology of approaches regarding social workers when they‘re writing their report. This typology can contribute to the development of initial and / or ongoing education but it is also an argument to rethink the role of the institution. Indeed, the subjective commitment of the social worker in his writing is essential and must not be forgotten. It is necessary for the social worker to be part of an institution which is able to give personal satisfaction, to support and to train.

L'éducation spécialisée est traversée, depuis une dizaine d'années, par de profondes mutations institutionnelles. Les éducateurs spécialisés, qui en sont des acteurs parmi d'autres, ont tendance à leur imputer les effets de la « crise identitaire » qui gagnerait leur profession. Nous démontrons, pour notre part, que celle-ci est surtout la résurgence d'une disjonction originelle entre leur identité pour soi et leur identité pour autrui. Plus qu'une déprofessionnalisation, nous soutenons la thèse selon laquelle les éducateurs spécialisés, sous l'effet des changements à l'œuvre, sont confrontés aux limites de leur professionnalisation historiquement inachevée. Nous montrons ainsi que nos enquêtés jouent de leur autonomie, se saisissant des opportunités offertes par ces mutations institutionnelles, pour réduire les brouillages originels de leur identité sociale et professionnelle. Il reste que l'enjeu identitaire n'est pas un objet de négociation ordinaire puisqu'il engage des conceptions professionnelles, la perception de son utilité sociale et, plus fondamentalement encore, l'image de soi. Présentant les caractéristiques majeures de l'éducation spécialisée et des mutations systémiques en cours, nous exposons, dans notre première partie, les fondements de notre problématique de recherche. Dans la seconde, nous dévoilons les dynamiques de négociation institutionnelles et organisationnelles dans lesquelles sont engagés nos interviewés au sein de leurs établissements ou services. Enfin, dans notre troisième partie, nous démontrons que les dynamiques identitaires de nos enquêtés participent de la recomposition des pratiques et de la profession d'éducateur spécialisé elle-même. / In the last ten years, the field of special education has undergone profound institutional changes. The special education teachers, who are among the actors of this field, would tend to attribute the effects of the « identity crisis » that could be encroaching on their profession to these changes. We shall demonstrate that this crisis is essentially the re-emergence of what is first a disjunction between their personal identity and their virtual identity. In our thesis, we shall defend the idea that, rather than a de-professionalization, special education teachers, under the influence of on-going changes, are confronted with the limitations of their historically incomplete professionalization. We shall thus show that our interviewees use their personal autonomy to seize opportunities proffered by these institutional changes, to reduce the gap between their personal and virtual identity. Nevertheless, identity is not a matter of ordinary negotiation as it involves professional conceptions, perception of one's social utility, and even more fundamentally, one's self-image. With an introduction to the main features of the field of special education and the on-going system changes, we shall outline the basis of our research analysis in the first part. In the second part, we shall reveal the dynamics of institutional and organisational negotiation that our interviewees are involved in, in their respective institutions or service centres. Finally in our third part, we shall show that the identity-based dynamics of our interviewees play a role in reconstructing practices and the job of special education teacher itself.

Le paysage scolaire québécois a été l’objet de nombreuses transformations au cours des dernières décennies. Une diversification de la population étudiante ainsi que des politiques favorisant de plus en plus l’accueil d’élèves ayant un handicap, des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) en milieu ordinaire ont conduit à une réorganisation des services. Des personnels de soutien technique et paratechnique (PSTP), dont font notamment partie les éducatrices et éducateurs spécialisés (ES) (LeVasseur et Tardif, 2005), ont alors été introduits pour accompagner ces élèves. Malgré le recours croissant à ces personnels dans les écoles, on remarque qu’à ce jour, on en sait encore très peu sur leur travail. L’objectif de la présente recherche est donc de comprendre comment les ES construisent leurs pratiques d’accompagnement en soutien à la réussite éducative des EHDAA, en contexte d’inclusion scolaire au Québec. Pour atteindre cet objectif, nous mobilisons un cadre conceptuel interactionniste symbolique, qui s’inscrit dans un paradigme interprétatif. Nous considérons les ES comme des actrices et acteurs sociaux compétents (Giddens, 1987) qui sont aussi des praticiennes et praticiens réflexifs (Schön, 1994). Nous nous intéressons à la façon dont ils développent leurs pratiques de façon individuelle et collective en interaction avec leurs collègues et leur environnement de travail (Becker, 2004). Pour ce faire, nous avons réalisé une recherche collaborative (Desgagné, 1997) avec six ES (du primaire et secondaire) et une conseillère pédagogique (CP), avec qui nous avons mené des entretiens individuels (n=6), permettant aux ES d’expliciter leur pratique individuelle; ainsi que des entretiens de groupe (n=5), afin de co-construire une analyse de leurs pratiques, du sens de celles-ci et des enjeux qu’ils rencontrent (Duchesne et Haegel, 2004). L’analyse s’est déroulée en deux phases : une première phase d’analyse thématique (Paillé et Mucchielli, 2021b) visait à produire une description fine des actions posées par les ES face aux situations qu’ils rencontrent; une deuxième phase d’analyse par catégories conceptualisantes (Paillé et Mucchielli, 2021a) visait quant à elle à dégager plusieurs dimensions sous-jacentes à la pratique des ES. Les résultats donnent à voir la diversité des actions que les ES posent pour soutenir l’intégration scolaire et sociale des EHDAA, leurs apprentissages, leur développement personnel et la gestion de leurs comportements. De surcroit, ils mettent en lumière le rôle que jouent les ES auprès du personnel enseignant et du service de garde, en leur apportant des conseils et des outils, tout en favorisant leur bien-être et leur disponibilité auprès des élèves. L’analyse fait également émerger plusieurs dimensions de la pratique des ES, notamment, les pratiques qu’ils jugent comme étant limitées; celles qu’ils développent de façon alternative, en jonglant avec les contraintes du milieu et les ressources dont ils disposent; celles qu’ils rejettent, car étant selon eux hors de leur champ d’expertise, ou entravant d’autres facettes de leur rôle; et finalement celles qu’ils rêvent de pouvoir mettre en place, afin d’apporter un meilleur soutien à la réussite des EHDAA. Cette recherche permet ainsi d’identifier plusieurs leviers pour favoriser le développement de la pratique des ES. / The Quebec educational landscape has undergone several transformations over the last few decades. The diversification of the student population, as well as the policies increasingly favoring the integration of students with special needs in regular classrooms, have led to a reorganization of services. Technical and paratechnical support staff, including special educators (SE) (LeVasseur & Tardif, 2005), were introduced to support these students. Despite the increasing reliance on these personnel in schools, to this day, very little is known about their work. Therefore, the objective of this research is to understand how SE build their support practices to promote the educational success of students with special needs in the context of school inclusion in Quebec. To achieve this goal, we mobilized a symbolic interactionist conceptual framework within an interpretive paradigm. We consider SE as competent social actors (Giddens, 1987) who are also reflective practitioners (Schön, 1994). We are interested in how they develop their practices individually and collectively, in interaction with their colleagues and their work environment (Becker, 2004). To this end, we conducted a collaborative research (Desgagné, 1997) with six SE (from primary and secondary schools) and a pedagogical consultant. We conducted individual interviews (n=6). This enabled SE to explain their individual practice. Then we realized group interviews (n=5), in order to co-construct an analysis of their practices, their meanings and the issues they encounter (Duchesne and Haegel, 2004). The analysis was conducted in two phases: a phase of thematic analysis (Paillé and Mucchielli, 2021b), which aimed to produce a detailed description of the actions taken by SE in response to the situations they encounter; followed by a phase of analysis by conceptualizing categories (Paillé and Mucchielli, 2021a), which aimed to identify several dimensions underlying SE’ practices. The results show the diversity of actions that SE take to support the academic and social integration of students with special needs, as well as their learning, personal development and behavior management. In addition, they highlight the role played by SE in providing teachers and daycare staff with advice and tools, while promoting their well-being and availability to students. They also bring to light several dimensions of SE’ practices, including practices they consider to be limited; those they develop in an alternative way, juggling with the constraints of the environment and the resources at their disposal; those they reject because they perceive them to be outside their area of expertise, or hindering other aspects of their role; and finally those they aspire to implement in order to provide better support for the success of students with special needs. This research has identified several levers that can be used to promote the development of SE’ practices.