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L’espace public comme instrument : le cas de Canaan, territoire auto-urbanisé d’HaïtiPetter, Anne-Marie 11 1900 (has links)
Dans cette thèse j’examine la production de l'espace public à Canaan, Haïti. Il s’agit d’un établissement auto-urbanisé ayant émergé à la périphérie de Port-au-Prince suite au séisme de 2010, après la déclaration d’utilité publique de la zone pour l’accueil de sinistrés. La disponibilité de cette terre dite « promise » et la présence d’aide humanitaire y ont provoqué l’installation de plus de 250 000 personnes en seulement cinq ans. Alors qu’on le taxe localement de nouveau bidonville, Canaan se présente plutôt comme un vaste morceau de ville en construction. Les habitants y ont construit maisons, commerces, écoles, églises, routes et infrastructures de base, conférant à la localité un visible dynamisme socio-économique. Aussi, de nombreux espaces publics y ont été créés. Il s’agit d’un phénomène étonnant selon la littérature qui signale plutôt sa rareté dans ce type d’établissement humain, pression foncière et contexte de survie y prévalant. Les espaces publics à Canaan offrent donc une opportunité unique de comprendre plusieurs dynamiques spatiales et sociales à l’œuvre dans les établissements populaires/précaires/auto-urbanisés.
Optant pour une approche exploratoire et inductive, la méthodologie adoptée est celle de l'étude de cas en raison de la nature révélatrice de Canaan en matière d’espaces publics. J’examine en détail trente d’entre eux à l’aide d’outils variés, incluant : observations, entretiens semi-dirigés, focus groups, parcours commentés, collecte d’artefacts et analyse de plus de 90 documents et rapports techniques. Les résultats démontrent qu’à Canaan les espaces publics sont des ressources plutôt que des lieux récréatifs. Instrumentalisés dans la poursuite des intérêts des acteurs, ils revêtent une valeur utilitaire plutôt que d’usage. Ils servent notamment au combat pour la citoyenneté urbaine que mènent plusieurs leaders locaux, visant la construction d’une ville complète, décente et légitime. Conçues comme « chambres d’invités pour l’État », il s’agit de réserves foncières destinées à l’accueil d’équipements, infrastructures et services publics. Or, d'autres acteurs instrumentalisent ces espaces publics à des fins différentes, créant ainsi un contexte de tensions et de violence.
Ces résultats confirment que Canaan représente un territoire en consolidation plutôt qu'un bidonville en déclin. D’un angle théorique, ils signalent qu’à un stade émergent, l’espace public peut y être « autre » que le traditionnel objet matériel à valeur d’usage tel que largement considéré par les architectes et urbanistes. Ceci appelle à un élargissement tant de sa définition que des outils pour le lire. La notion de l’instrumentalisation de l’espace retenue comme lentille à ce titre se révèle fort utile pour comprendre les dynamiques socio-spatiales des établissements populaires/précaires/auto-urbanisés. En outre, la production d’espaces publics se loge à même ce que certains auteurs ont qualifié de « stratégies d’engagement de l’État » dans les luttes à la citoyenneté urbaine. En termes pratiques, les résultats suggèrent qu’il ne faille présumer de la nature de l’espace public dans ces formations urbaines, pouvant revêtir d’autres sens. Les acteurs de l’aide, urbanistes, architectes et autres professionnels de l’aménagement intervenant dans ces habitats gagneraient à s’affranchir du « biais spatial » pour proposer des solutions mieux adaptées à leurs dynamiques propres. / In this thesis I examine the production of public space in Canaan, Haiti. This is a self-urbanized settlement that emerged on the outskirts of Port-au-Prince following the 2010 earthquake, after the area was declared to be for public use to accommodate disaster victims. The availability of this so-called 'promised land' and the presence of humanitarian aid prompted its invasion by over 250,000 people in just five years. While being locally dubbed as a new slum, Canaan is more like a vast piece of city under construction. Residents have built houses, shops, schools, churches, roads and basic infrastructure, giving the locality a visible socio-economic dynamism. Many public spaces have also been created. This is a surprising phenomenon in the light of the literature which points to its rarity and neglect in this type of urban formation, where land pressure and survival agendas prevail. The public spaces in Canaan therefore offer a unique opportunity to understand a number of spatial and social dynamics at work in popular/precarious/self-urbanized settlements.
Opting for an exploratory and inductive approach, the methodology adopted is that of a case study because of the revealing nature of Canaan's public spaces. I examined thirty of them in detail using a variety of tools, including observations, semi-directed interviews, focus groups, commented itineraries, artefact collection and analysis of over 90 documents and technical reports. The results show that public spaces in Canaan are resources rather than places for recreation. Instrumentalized in the pursuit of the interests of the actors they federate, they have a utilitarian rather than a use value. In particular, they are used in the struggle for urban citizenship being waged by a number of local leaders, with the aim of building a complete, decent and legitimate city. Conceived as "guest rooms for the State", these are land reserves intended to accommodate public facilities, infrastructure and services. However, other players use these public spaces for different purposes, creating a context of tension and violence.
These results confirm that Canaan represents a territory in consolidation rather than a slum in decline. From a theoretical point of view, they indicate that, at an emerging stage, public space can be 'other' than the traditional material object with use value as widely considered by architects and urban planners. This calls for a broadening of both its definition and the tools for reading it. The notion of the instrumentalization of space used as a lens for this purpose is proving extremely useful for understanding the socio-spatial dynamics of popular/precarious/self-urbanized settlements. Moreover, the production of public spaces is embedded in what some authors have described as 'strategies of state engagement' in the struggle for urban citizenship. In practical terms, the results suggest that we should not assume the nature of public space in these urban formations, which may take on other meanings. Aid agencies, urban planners, architects and other planning professionals working in these habitats would do well to free themselves from the 'spatial bias' in order to propose solutions that are better adapted to their own dynamics.
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Design and adaptation in contested urban spaces : the case of the Toi Market as a multi-level settlement in Nairobi, KenyaCardosi, Georgia 11 1900 (has links)
Nairobi compte près de 200 bidonvilles où vit 70% de sa population. La plupart des habitants manquent de sécurité foncière et subissent des menaces constantes d'expulsion forcée. Pourtant, nous en savons encore très peu sur la façon dont ces établissements se forment, se développent et se consolident dans des espaces urbains contestés et comment leurs habitants s'adaptent aux conditions d'incertitude. Une partie de la raison réside dans l'écart entre les théories de design et d'adaptation. Alors que la théorie du design se concentre principalement sur les processus cognitifs des professionnels (en négligeant les mécanismes d'adaptation adoptés par les habitants des bidonvilles), les transformations spatiales dans les taudis sont souvent abordées par la théorie de la résilience qui, de son côté, ne tient pas compte des processus de design.
Quel est le rôle du design dans les processus d'adaptation liés à des espaces urbains contestés? Je réponds à cette question en explorant les relations entre le design et les capacités d'adaptation dans le Toi Market, le deuxième plus grand marché informel de Nairobi. J'étudie les régimes fonciers du marché et les pratiques de design des commerçants au moyen d’une étude de cas combinant des enquêtes longitudinales et transversales. Le parcours de recherche est abductif. Le cadre conceptuel de la recherche est basé sur une revue de la littérature sur le régime foncier et la théorie du design. Les concepts de rationalité limitée, d'incertitude et de mécanismes adaptatifs constituent la base du cadre théorique utilisé pour analyser les données empiriques. La méthodologie comprend l’observation participante, 59 entrevues avec les commerçants, des rencontres avec les leaders du marché, des techniques de cartographie et l'analyse de plus de 80 documents pertinents sur le marché. Les résultats montrent que le Toi Market a trois types de conditions foncières controversées et que les commerçants mènent des activités de design à trois niveaux: le design de développement, le design évolutif et le design de consolidation.
Le design de développement consiste en des initiatives collectives d'adaptation suscitées par des mécanismes de survie. Ce type de design émerge en réaction aux interventions urbaines ordinaires. Il renforce le capital social et vise à améliorer la fonctionnalité du marché. Le design évolutif est mené par des sous-groupes communautaires en réponse aux principaux événements et aux forces externes. Il conduit à des changements sociaux et morphologiques à l’échelle urbaine et dépend des mécanismes de gouvernance et de contrôle. Le design de consolidation fait référence à des initiatives adaptatives dirigées par des individus et des groupes et menées en période de relative stabilité. Il renforce le développement économique et les réseaux, et cherche à atteindre la sécurité foncière. Il émerge principalement dans des niches vacantes, car les habitants des bidonvilles profitent des espaces vides et sous-utilisés.
Ces trois niveaux de design génèrent ce que j'appelle ici les établissements multiniveaux. J’oppose ce concept à celui de « quartiers informels », un concept qui ne représente pas la façon dont les bidonvilles et les marchés fonctionnent et évoluent. Je rejette donc la dichotomie formelle/informelle qui persiste dans la littérature. La notion d’habitat multiniveaux reconnaît l'influence d’alliances changeantes et de multiples niveaux de gouvernance comme faisant partie intégrale des processus de design. Dans ces habitats, le design émerge comme un connecteur de capacités adaptatives. Les concepts d’habitats multiniveaux, de niche vacante et de design en tant que connecteur de capacités adaptatives peuvent aider des intervenants à développer des initiatives d’amélioration des bidonvilles qui répondent à l'approche de design adoptée par les habitants de bidonvilles. Ces initiatives peuvent reconnaître la présence d'alliances multiples qui parfois entravent – et d'autres qui favorisent – le changement désiré. Les pratiques de design communautaire peuvent également être adaptées pour équilibrer les objectifs collectifs et individuels. En comprenant ces concepts, les décideurs peuvent à la fois optimiser l'espace disponible en fonction des pratiques locales et prévoir la façon dont les modèles apparaîtront dans les espaces prévus. Enfin, j'encourage les chercheurs à explorer davantage la pensée et la pratique de design des habitants de bidonvilles et de les inclure dans la théorie du design. / Nairobi has nearly 200 slums where 70% of its population live. Most slum dwellers lack tenure security and suffer the constant threat of eviction. Yet, we still know very little about how these slums form, grow, and consolidate in contested urban spaces, and how their residents adapt to uncertainty. Part of the reason lies in the gap between design and adaptation theories. Whereas design theory focuses mainly on professionals’ cognitive processes (largely ignoring adaptation mechanisms adopted by slum dwellers), spatial transformations in slums are often addressed by resilience theory, which usually overlooks design processes.
What is the role of design in adaptation processes in contested urban spaces? I answer this question by exploring the relationships between design and adaptive capacities in the Toi Market, the second largest informal market in Nairobi. I study the market’s tenure regimes and traders’ design practices through a case study that combines longitudinal and cross-section investigation. The research reasoning is abductive, made of iterative paths between conceptual frameworks and empirical results. It is largely based on a literature review on land tenure and design theory. The concepts of bounded rationality, uncertainty, and adaptive mechanisms constitute the basis of the theoretical framework used to analyse the empirical data. Methods include participant observation, 59 interviews with traders, meetings with market leaders, mapping techniques and the analysis of over 80 pertinent documents about the market. Results show that the Toi Market has three types of controversial tenure regimes and traders conduct design at three levels: development design, evolutionary design, and consolidation design.
Development design consists of collective adaptive initiatives prompted by survival mechanisms. It strengthens social capital, emerges in reaction to ordinary urban interventions, and seeks to improve functionality. Evolutionary design is conducted by community sub-groups in response to major external forces and events. It leads to social and morphological changes at the urban scale and depends on governance and control mechanisms. Consolidation design refers to individual and group-led adaptive initiatives conducted during times of relative stability. It reinforces economic development and networks and seeks to achieve land tenure security. It emerges mainly in vacant niches, as slum-dwellers take advantage of empty, underused spaces.
These three levels of design generate what I call here Multi-Level Settlements. I oppose this concept to “informal settlements” that fails to represent how slums and markets work and evolve. I thus reject the formal/informal dichotomy that persists in literature. The Multi-level concept recognises shifting alliances and multiple levels of governance as integral part of design processes. In it, design emerges as a connector of adaptive capacities. The concepts of Multi-Level Settlements, Vacant Niche and Design as a connector of adaptive capacities can help developing slum upgrading initiatives that meet the design approach naturally adopted by slum-dwellers. These initiatives can therefore acknowledge the presence of multiple alliances, which sometimes hinder—and others, foster—desired change. Community design practices can also be tailored to balance collective and individual objectives. By understanding these concepts, decision-makers can both optimize available space according to local practices and forecast how patterns will emerge in planned spaces. Finally, I encourage scholars and practitioners to further explore slum-dwellers’ design-thinking and practices to include them in mainstream design theory.
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