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Mémoire sociale et pensée sociale : Etudes empiriques de leurs influences croiséesTavani, Jean-Louis 15 November 2012 (has links) (PDF)
Cette thèse se propose de réactualiser les apports des principaux fondateurs de la notion de mémoire collective : Halbwachs (1925/1992, 1941/2008, 1950/1997) et Bartlett (1932/2003) dans le cadre théorique de la pensée sociale (Rouquette, 1973, 2009). Après une présentation de leurs apports respectifs, une articulation entre mémoire et pensée sociale sera présentée. À partir de cette dernière, nous proposons un ensemble d'études empiriques sur la base de la distinction théorique entre l'influence du présent sur le passé et l'influence du passé sur le présent (Jedlowski, 2001, Jodelet, 1992). Ainsi, dans une première partie empirique nous examinons, à travers cinq études, l'influence de l'implication personnelle, opérationnalisant les intérêts du présent, sur la reconstruction du souvenir social via la représentation d'un événement du passé. Les résultats obtenus montrent que l'implication personnelle vis-à-vis d'un événement influence la représentation sociale de celui-ci. Particulièrement, la faible implication personnelle tend à rendre saillant des aspects descriptifs de la représentation du passé, tandis que la forte implication personnelle tend à rendre saillant des aspects évaluatifs. Dans une seconde partie empirique, nous considérons l'influence du souvenir sur la pensée sociale (le présent) au travers des fonctions de la mémoire collective. Dans une étude empirique, nous nous intéresserons d'abord à sa fonction de mobilisation à travers l'influence de la cohérence (ou de l'incohérence) entre le souvenir d'un événement et un exemplaire similaire à venir. Puis nous nous intéresserons à la fonction de définition de l'identité sociale grâce à trois études empiriques. Nos résultats montrent que le partage de souvenir entre un individu et une cible entraine une similarité perçue plus importante et une catégorisation sociale de celle-ci dans l'endogroupe. De plus, à travers le paradigme de l'effet brebis galeuse, nos résultats suggèrent que le partage de souvenir a un aspect normatif. La discussion de l'ensemble de ces études reviendra sur la distinction structurant notre partie empirique (i.e. influence réciproque entre passé et présent) en proposant que ces deux mouvements soient considérés comme dynamiques. Des pistes d'études intégrant ses aspects seront alors proposées
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La communication numérique des institutions culturelles : le musée d'ethnologie et la médiation de la mémoire sociale via Facebook / Digital communication of cultural institutions : the museum of ethnology and mediation of social memory via FacebookLouhichi, Ferdaous 17 December 2018 (has links)
Notre thèse explore la communication numérique des institutions culturelles via les réseaux sociaux, se penche en particulier sur la médiation de la mémoire sociale des musées d'ethnologie via facebook. L'objectif est de questionner la façon de médiation culturelle sur les réseaux sociaux : comprendre le processus de co-construction de la mémoire sociale issu de la dynamique des interactions numériques entre producteurs et récepteurs. Nous nous penchons sur la médiation et l’intermédiation de la mémoire sociale dans le cas de trois musées d’ethnologie. À partir d'une approche pluridisciplinaire en SIC, le musée d’ethnologie est envisagé comme institution culturelle, un média et un espace de médiation sociale et culturelle. En passant de la communication de masse à une communication numérique, créant une dynamique de coproduction de sens et de mémoire, les musées passent de la médiation à l'intermédiation culturelle. Notre démarche compréhensive et herméneutique, s'intéresse aux acteurs produisant les discours sur facebook, musées et internautes. Corpus constitué par une triangulation méthodologique. Nos analyses thématique, sémantique et cognitivo-discursive montrent que le musée d'ethnologie comme lieu ouvert de savoirs et d'idée, où les internautes sont des publics et acteurs. Les réseaux sociaux, outils de médiation et d'intermédiation de la mémoire sociale permettent une dynamique de coproduction de connaissances. L'originalité de la thèse est l'étude de la dynamique de médiation numérique dans des contextes sociohistoriques et sociopolitiques variés. Permet l'élargissement de la problématique de la médiation et la communication à l'intermédiation et la coproduction. / Our thesis explores the digital communication of cultural institutions via social networks, and focuses in particular, on the mediation of the social memory in museums of ethnology via facebook. The objective is to question the way of cultural mediation on social networks : to understand the process of co-construction of social memory resulting from the dynamics of digital interactions between producers and receivers as Internet users. We focus on the mediation and intermediation of social memory in the case of three ethnology museums. Based on a multidisciplinary approach in SIC, the ethnology museum is considered as a cultural institution, a media and a social and cultural mediation area. By moving from mass communication to digital communication, creating a dynamic of co-production of meaning and memory, museums are moving from mediation to cultural intermediation. Our comprehensive and hermeneutic approach, is interested in the actors producing the speeches on facebook, museums and Internet users. Corpus constituted by a methodological triangulation. Our thematic, semantic and cognitive-discursive analyzes show that the ethnology museum is an open place of knowledge and ideas, where Internet users are public and actors. Social networks, as tools of mediation and intermediation of the social memory allow a dynamic of co-production of knowledge. The originality of the thesis is the study of the dynamics of digital mediation in various sociohistorical and socio-political contexts. That is allows the expansion of the problematic of the mediation and communication to the intermediation and co-production.
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Mémoire des hommes, mémoire des sols. Etude ethno-pédologique des usages paysans du Mont CamerounLemoigne, Nicolas 05 March 2010 (has links) (PDF)
La fertilité des sols du volcan Mont Cameroun attire depuis des siècles une mosaïque de populations en cohabitation parfois difficile, dans un contexte de brassage culturel intense. Officiant comme autant d'archives vivantes des soubresauts de l'histoire, la mémoire pédologique enregistre et restitue la marque des usages, et par-là même celle des épisodes tragiques de l'occupation humaine. En retour, la mémoire sociale se fait l'écho des particularités du milieu, s'approprie ses originalités et adapte un système de représentations et de pratiques agraires diversifiées. Ces dernières sont commandées par la survie du groupe lorsqu'il s'agit des communautés paysannes mais aussi par les motivations financières de structures productivistes aux dimensions internationales. Les décennies passées, particulièrement riches en mutations sociales, ont donné lieu à une accélération de la chronologie événementielle dont les répercutions à l'échelle du sol sont lisibles. L'analogie de fonctionnement des mémoires sociale et pédologique, tant par leur similitude structurale que par le jeu de leurs interactions permanentes, constitue les fondements de ce travail. L'étude de certains indicateurs mémoriels permet de connaître de manière précise l'état de santé des sols comme celui des sociétés qui en vivent. Cette thèse contribue, à travers la mise en place d'une démarche pluridisciplinaire alliant l'ethnologie et la pédologie, à identifier les mécanismes de l'interaction entre les mémoires sociale et pédologique du Mont Cameroun.
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Mémoire sociale et pensée sociale : Etudes empiriques de leurs influences croisées / Social thought and social memory : empirical studies of their crossed influencesTavani, Jean-Louis 15 November 2012 (has links)
Cette thèse se propose de réactualiser les apports des principaux fondateurs de la notion de mémoire collective : Halbwachs (1925/1992, 1941/2008, 1950/1997) et Bartlett (1932/2003) dans le cadre théorique de la pensée sociale (Rouquette, 1973, 2009). Après une présentation de leurs apports respectifs, une articulation entre mémoire et pensée sociale sera présentée. À partir de cette dernière, nous proposons un ensemble d’études empiriques sur la base de la distinction théorique entre l’influence du présent sur le passé et l’influence du passé sur le présent (Jedlowski, 2001, Jodelet, 1992). Ainsi, dans une première partie empirique nous examinons, à travers cinq études, l’influence de l’implication personnelle, opérationnalisant les intérêts du présent, sur la reconstruction du souvenir social via la représentation d’un événement du passé. Les résultats obtenus montrent que l’implication personnelle vis-à-vis d’un événement influence la représentation sociale de celui-ci. Particulièrement, la faible implication personnelle tend à rendre saillant des aspects descriptifs de la représentation du passé, tandis que la forte implication personnelle tend à rendre saillant des aspects évaluatifs. Dans une seconde partie empirique, nous considérons l’influence du souvenir sur la pensée sociale (le présent) au travers des fonctions de la mémoire collective. Dans une étude empirique, nous nous intéresserons d’abord à sa fonction de mobilisation à travers l’influence de la cohérence (ou de l’incohérence) entre le souvenir d’un événement et un exemplaire similaire à venir. Puis nous nous intéresserons à la fonction de définition de l’identité sociale grâce à trois études empiriques. Nos résultats montrent que le partage de souvenir entre un individu et une cible entraine une similarité perçue plus importante et une catégorisation sociale de celle-ci dans l’endogroupe. De plus, à travers le paradigme de l’effet brebis galeuse, nos résultats suggèrent que le partage de souvenir a un aspect normatif. La discussion de l’ensemble de ces études reviendra sur la distinction structurant notre partie empirique (i.e. influence réciproque entre passé et présent) en proposant que ces deux mouvements soient considérés comme dynamiques. Des pistes d’études intégrant ses aspects seront alors proposées / This thesis proposes to update and extend the main contributions of the founders of the concept of collective memory: Halbwachs (1925/1992, 1941/2008, 1950/1997) and Bartlett (1932/2003) in the theoretical framework of Social Thinking (Rouquette 1973, 2009). After a presentation of their contributions, we present a link between memory and Social Thinking. Based on this review, we propose a set of empirical studies on the basis of the theoretical distinction between the influence of the present on the past and the influence of the past on the present (Jedlowski, 2001; Jodelet, 1992). In the first empirical part, we examined, in five studies, the influence of personal involvement that represents the interests of the present, on the reconstruction of the social memory, via the representation of a past event. The results show that the personal involvement vis-à-vis an event influences its social representation. Specifically, low personal involvement tends to make salient descriptive aspects of the representation of the past, whereas high personal involvement tends to make salient its evaluative aspects. In the second empirical part, we consider the influence of memory on Social Thinking (i.e. the present) related to the functions of collective memory. In an empirical study, we first looked at its mobilization function through the influence of the consistency (vs. inconsistency) between the memory of an event and a similar future event. Then, in three empirical studies, we look at the social identity definition function. Our results show that when an individual and a target share the same memories, perceived similarity increases and the target is more likely to be categorized as an ingroup. In addition, through the paradigm of the black sheep effect, our results suggest that sharing memory has a normative aspect. The general discussion focuses on the distinction that has structured our empirical part (i.e. the interplay between past and present) and proposes that these two movements have to be considered as a dynamic. Suggestions of studies incorporating this aspect are also proposed
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Se représenter dominant et victime : sociographie de la doxa coloniale israélienneSéguin, Michaël 08 1900 (has links)
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La patrimonialisation selon l’immatériel ou la mémoire agissante : circulations des savoirs en contexte partenarial de production audiovisuelle / The fabrics of intangible cultural heritage : the unfolding memory - knoweldge circulation in the context of partnering audiovisual productlons / O imaterial na patrimonialização ou a memória ativa : circulações de saberes em contexto de parceria de produção audiovisualPianezza, Nolwenn 18 December 2017 (has links)
Cette thèse vise à explorer les enjeux et modalités de la patrimonialisation liées à la mémoire sociale, dans le contexte paradigmatique de l’immatériel qui de manière croissante mobilise des formes abouties de partenariat avec l’acteur social, en vue de conduire l’inventaire de son patrimoine. À partir de terrains français et brésiliens, cette recherche s’intéresse plus particulièrement au travail partenarial de documentation audiovisuelle du patrimoine qui intervient dans de tels dispositifs d’inventaire partagé, pour y saisir les transformations techniques, épistémologiques et symboliques à l’œuvre lors de la collecte de mémoire au sein du groupe social, de l’introduction du témoignage dans le processus de production des savoirs liés au patrimoine en devenir, et de sa mise en support grâce au média audiovisuel. Nous interrogeons ici le geste documentaire assumé par l’acteur social en qualité de chercheur indigène ainsi que le devenir médiatique de l’objet de patrimoine qu’il engage. C’est toute la question de la circulation, et à travers celle-ci de la fixation et de la transmission des savoirs qui se dessine ici, à partir d’une réflexion sur les usages sociaux des dispositifs patrimoniaux contemporains. Ce travail s’attache ainsi d’une part à décrire les modalités du travail de mémoire réalisé dans de tels dispositifs. Il met ici au jour le parcours de l’acteur social lors d’un tel exercice mémoriel ainsi que le traitement singulier de l’objet patrimonial et de sa mise en savoir. La recherche s’intéresse alors plus précisément aux processus d’appropriation et de réflexivité qu’entraîne la pratique partenariale de la documentation audiovisuelle du patrimoine. À partir de telles modalités, la thèse réfléchit d’autre part au régime de patrimonialisation singulier en jeu, tel qu’il s’organise autour de la fabrique continue et partagée d’une mémoire sociale du groupe, dont nous repérons la valeur médiatrice au sein du groupe social. La recherche montre enfin combien les dispositifs patrimoniaux contemporains contournent la fixation des savoirs et orchestrent leur transmission recréatrice, selon l’idée proposée d’une mémoire agissante. / This thesis aims to explore the heritage-making processes in community-based participatory work forming social memory in Brazil’s guarani communities and France. Inspired by the intangible heritage paradigm, experts and institutions increasingly act in close partnership with the social actor in conducting cultural heritage inventories for formalizing the protection, promotion and revitalization of traditional practices through knowledge production. The so-called holders of memory then become “indigenous researchers” in audiovisual documentation processes that orchestrate such inventories. Drawing on interviews, document and discourse analysis, this thesis seeks to shed light on the technical, epistemological, and symbolic shift at play in the construction of memory in such a partnership framework. This work interrogates the documentary gesture posed by the partnering social actor and the future mediatic status it for the heritage-in-making object hereby documented. In this perspective, the thesis engages with the question of traditional knowledge circulation, fixation, and transmission within a given social group, in the specific time and space-frame of the heritage inventory projects. This work considers theoretical issues at stake within the intangible paradigm, revealing the heritage paradox that exist between the knowledge stabilization effort and the living, and the metamorphic essence of cultural practices. This aporia is examined herein through the lens of the documentation projects conducted, in an attempt to identify their stance and strategies towards it. By deciphering the operational framework of the partnering video inventories, his thesis reveals existing social strategies used to discard ontological resistance of culture to becoming heritage : audiovisual documentation of personal testimonies here appears as a tool to record heritage in a flexible, non-binding media sustaining the ongoing cycle of meaning being susceptible to change and reinterpretation. In the videos, heritage is not dissected and precisely described as one could expect. Rather, it is discussed through non-descriptive content, with open questions and pointers only alluding and constantly challenging its meaning. By eluding content stabilization, knowledge production relies on a complex system of change and continuity, allowing only frames of meaning to be passed on, within which each participant can recreate meaning for himself. The thesis also highlights the reflexive and communicational competence building process associated with the social actor participating in the project, showing how such experiences follow a path of heritage appropriation, culminating in a renewed desire to cultivate one’s heritage. Third, the thesis attempts to theorize the heritage-making model studied here to elucidate the interplay of heritage and memory in the intangible paradigm. Memory is here seen as an unfolding experience, a work of engagement and cultural recreation mobilized by the heritage-making process to activate a dynamic knowledge transmission pattern within the very life of its projects. / AO objetivo desta tese é explorar os desafios e as modalidades da patrimonialização ligados àmemória social, no contexto paradigmático do imaterial que, de forma crescente, mobiliza formas acabadas de parceria com os atores sociais, visando gerir o inventário de seu patrimônio.A partir das realidades francesa e brasileira, esta pesquisa discute particularmente oprotagonismo no trabalho de documentação audiovisual do patrimônio que interfere nos dispositivos do inventário compartilhado. Busca assim entender as transformações técnicas,epistemológicas e simbólicas que ocorrem durante o registro da memória ao interior do gruposocial, com a introdução do depoimento no processo de produção de saberes ligados ao patrimônio que se constitui e de sua disponibilização através dos meios audiovisuais. Indagamos aqui sobre a prática de documentação assumida pelo ator social na qualidade depesquisador indígena, assim como sobre as consequências midiáticas do objeto de patrimônio por ele incorporado. Trata-se da questão de circulação e, através dela, da fixação e datransmissão de saberes que aqui se configura, a partir de uma reflexão sobre os usos sociais dosdispositivos patrimoniais contemporâneos. Este trabalho se propõe assim a descrever as modalidades da produção de memória realizadacom tais dispositivos: ele atualiza aqui o percurso do ator social durante sua trajetória, assim como o tratamento singular dispensado ao objeto patrimonial e à organização dos saberes. Apesquisa focaliza, então, mais precisamente, os processos de apropriação e de reflexividadeprovocados pela prática de curadoria compartilhada na documentação audiovisual dopatrimônio. Desta forma a tese aborda o regime de patrimonialização singular aqui descrito, talcomo ele se organiza em torno da produção contínua e compartilhada de uma memória social do grupo, cujo valor mediador nós destacamos. Finalmente, a pesquisa mostra como os dispositivos patrimoniais contemporâneos confrontam a fixação dos saberes e orquestram sua transmissão recriadora, segundo a ideia proposta de uma memória ativa.a
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L'intelligence artificielle : une certaine intelligence du socialFayon, Didier 09 1900 (has links)
Sociologie des techniques / Du point de vue d’une sociologie de la connaissance, la recherche contemporaine en intelligence artificielle tire son originalité de l’intérêt porté à la modélisation de la connaissance ordinaire, ce savoir engagé dans la vie de tous les jours (ex. aller l’épicerie, prendre son petit déjeuner). Les entreprises Facebook ou Google, le fameux GAFAM ainsi que les services de musique et de vidéos en ligne capturent et modélisent les faits et gestes du quidam afin de remettre les résultats de leurs calculs en jeu dans cette même vie courante. La recherche en IA porte également sur la mise en forme de savoirs savants et professionnels tout comme durant les années 1960 et 1970, mais cette thèse ne s’y intéressera pas.
Dans le cadre d’une sociologie des sciences et des techniques, je me questionne sur ce que nous, en tant que civilisation occidentale, faisons du développement technologique, du monde que nous construisons à l’aide des diverses techniques. Ma préoccupation ne porte pas sur les choix des objets privilégiés par la recherche des laboratoires publics et privés, mais sur les usages, les débouchés selon la question très générale : en quoi telle technique modifie-t-elle ou non notre façon de vivre ? Or, cette question relève d’un exercice de prospective dans la mesure où bien souvent nous ne possédons pas assez de recul sur ces techniques. Elle demeure malgré tout une préoccupation d’arrière-plan de mes questions de recherche. En effet, ces modèles d’apprentissage machine, trouveraient-ils leur place au sein d’une civilisation qui n’accorderait pas autant d’importance à l’efficacité, à la productivité, à la rentabilité, à la science ou encore au travail ? Aussi, viennent-ils entériner l’ordre établi ou bien offrent-ils de nouvelles possibilités d’existence ?
Comprendre minimalement l’artefact d’un point de vue technique et saisir du point de vue de la sociologie la façon dont les chercheurs pensent leurs objets nous éclaire sur les catégories de pensées principales qui orientent ces usages et le cas échéant sur les éventuels effets sociétaux. En l’occurrence, l’idée de modéliser de nombreuses activités de la vie quotidienne repose sur une représentation à priori de celle-ci de la part de chercheurs localisés socialement par leur profession et plus généralement leurs relations sociales diverses. Quelle est cette représentation et comment est-elle opérationnalisée dans les modèles ? Posée autrement, de quels rapports au monde témoignent ingénieurs et informaticiens par l’intermédiaire de leurs connaissances professionnelles, savantes et ordinaires ? Ainsi, dans cette thèse, mon travail se ramène à informer de la dimension sociale propre à la technique étudiée. À partir d’entretiens auprès de chercheurs en IA, la question de recherche est la suivante : quels sont les savoirs et raisonnements chez les chercheurs au fondement de l’élaboration des algorithmes relevant de l’intelligence artificielle contemporaine et qui construisent une représentation opératoire particulière de la vie sociale ? Exprimée en terme sociologique, cette question devient : en quoi les modèles d'apprentissage sont-ils un nouveau « modèle concret de connaissance » pour les usagers et informaticiens selon le concept développé par le sociologue Gilles Houles ?
Les modèles dits d’apprentissage sous-tendent une conception relationnelle de la constitution de la connaissance humaine et d’un rapport à la réalité médié par l’action comme moyen d’actualisation de cette connaissance. Résumé simplement, le concept sociologique de « modèle concret de connaissance » objective les deux modalités d’existence de la vie humaine que nous retrouvons empiriquement sous deux concepts informatiques : symbolique (leur modèle mathématique) et l’action ou « l’agent informatique » ou « celui qui agit », que ce concept soit mobilisé ou non par les chercheurs.
En somme, ces modèles en relation les uns avec les autres et matérialisés dans les objets dits connectés ou « smart » (ex. téléphones, électroménagers) forment un schéma opératoire organisateur de la vie sociale. Ce côté opératoire repose sur la position de « tiers médiateur » ou de « mémoire sociale technicisée » dans les relations humains-humains via machines. Je m'appuierai sur le concept de mémoire sociale et de morphologie sociale développée par le sociologue Maurice Halbwachs. Autrement dit, ce réseau d’objets connectés et d’êtres humains se ramène à l’instauration d’un cadre cognitif collectif particulier, issu des représentations sociales de groupes professionnels précis, mais mises en jeu dans la vie courante de tous, soit une institutionnalisation en cours.
En effet, la diffusion et l’adoption des modèles découlent d’un processus de reconnaissance publique de savoirs sous-jacents et déjà institutionnalisés, pour l'essentiel, les mathématiques et l’ingénierie, le savoir implicite des « sciences de la gestion » et un savoir dit « scientifique » par les chercheurs.
Plus précisément, le processus en cours consiste en l’institution d’êtres humains et de machines apprenantes en liens permanents via les objets connectés (« Internet of Things »). Au final, elle consiste en une mise en réseau des « régularités sociales » obtenues par classifications et régressions effectuées par les détenteurs des données. Je parlerai d'une « morphologie sociotechnique » ou d’une « configuration sociotechnique ». À la figure du robot polyvalent anthropomorphique censé condenser toute la mise en pratique du savoir sur l’IA, se substitue celle de relations sociales informatisées comme lieux du maintien des liens entre êtres humains par un concentré de savoirs et idées hétérogènes tels qu'un être humain ayant besoin d'aide ou la nécessité de la créativité par exemple. À l’usage, s’établit un type de lien social entre êtres humains via les machines pris entre la réduction propre à tout modèle de l’objet sur lequel il porte, la flexibilité qu’offre la possibilité d’ajustement (le côté « learning ») et le sens donné à l’action par l’utilisateur lambda. L’idéologie comme « mode de connaissance » du réseau sociotechnique est partie prenante de cette institutionnalisation en cours. Elle offre un cadre cognitif qui remet en cause la diversité produite par la division habituelle du travail sémantique au sein des ensembles sociaux en fournissant un modèle de légitimité, soit le discours du « partage ».
L’accent mis par cette thèse sur les « sciences de la gestion » et la notion de réseau l’inscrit dans le prolongement des études des trente dernières années sur cette « société informationnelle » de Manuel Castells, une « nouvelle représentation générale des sociétés » en réseau en suivant Luc Boltanski ou encore « l’esprit gestionnaire » qui s’empara des fonctionnaires d’État selon le sociologue Albert Ogien. / From the point of view of a sociology of knowledge, contemporary research in Artificial Intelligence (AI) draws its originality by its interest in the modeling of ordinary knowledge, that knowledge engaged in everyday life. The companies Facebook or Google, the so-called GAFAM, as well as online music and video services, capture and model the facts and gestures of the average person in order to put the results of their calculations back into play in its very everyday life. The research in AI also deals with academic and professional knowledge as it did in the 1960s and 1970s, but this thesis will not focus on it.
Within the framework of a sociology of science and technology, I question what We, as the Western civilization, do with technological development, about the world we build with the help of various techniques. My concern is not with the choice of research objects privileged by public and private laboratories, but with the uses, the outlets according to the very general question: In what way does such a technique modify or not our way of living? Now, this question is an exercise in foresight insofar as we often do not have enough hindsight on these techniques. Nevertheless, it remains a background concern of my research. Indeed, would these machine learning models find their place in a civilization that would not give as much importance to efficiency, productivity, profitability, science or work? Also, do they endorse the established social organization, or do they offer new possibilities of existence?
Understanding the artifact minimally from a technical perspective and grasping from a sociological point of view the way in which researchers think about their objects sheds light on the main categories of thought that guide these uses and, if applicable, on the possible societal effects. In this case, the idea of modeling many activities of daily life is based on an a priori representation of it by researchers who are socially situated by their profession. What is this representation and how is it operationalized in the models? Put differently, what relationships to the world do engineers and computer scientists have through their professional, academic and ordinary knowledge? Thus, in this thesis, my work comes down to informing the social dimension specific to the studied technique. Based on interviews with AI researchers, the question is as follows: What is the knowledge and reasoning of the researchers at the core of the algorithms of contemporary artificial intelligence and which build a specific operational representation of social life? Expressed in sociological terms, this question becomes: In what way are learning models a new "concrete model of knowledge" for users et researchers according to the concept developed by the sociologist Gilles Houles?
The so-called learning models underlie a relational constitution of human knowledge and of a relation to reality mediated by actions as a means of actualization of this knowledge. Summarized simply, the sociological concept of "concrete model of knowledge" objectifies the two modalities of existence of the human life that we find empirically under two computing concepts: symbolic (their mathematical model) and the “action” as "the computing agent" or "the one who acts", whether this concept is used or not by the researchers.
In sum, these models in relation to each other and materialized in the notorious connected or "smart" objects (e.g. telephones, household appliances) turn social life into a sociotechnical network. Its operational side relies on the position of "third-party intermediary" or "technical social memory" in human-human relations via machines. I will draw upon the concept of "social memory" and "social morphology" developed by the sociologist Maurice Halbwachs. In other words, this network of connected objects and human beings comes down to the establishment of a particular collective cognitive framework, stemming from the social representations of specific professional groups, but put into play in the everyday life of all, that is to say an institutionalization in progress.
Indeed, the diffusion and adoption of the models stem from a process of public recognition of underlying and already institutionalized knowledge, essentially mathematics and engineering, the implicit knowledge of the "management sciences" and a knowledge called "scientific" by researchers.
More precisely, the process underway consists in the institution of human beings and learning machines in permanent links via connected objects ("Internet of Things"). In the end, it consists in the networking of "social regularities" obtained by classifications and regressions carried out by the data's owners. I will speak of a "sociotechnical morphology" or a "sociotechnical configuration". The figure of the anthropomorphic multipurpose robot, which is supposed to condense all the practical application of knowledge on AI, is replaced by that of computerized social relations as places where links between human beings are maintained by a concentration of heterogeneous knowledge and ideas, such as a human being in need of help or the need for creativity, for example. In use, a type of social link between human beings via the machines is established, caught between the reduction proper to any modelling of the object on which it concerns, the flexibility offered by the possibility of adjustment (the "learning" side) and the meaning given to the action by the lambda user. Ideology as a "mode of knowledge" of the socio-technical network is part of this ongoing institutionalization. It offers a cognitive framework that challenges the diversity produced by the usual division of semantic labor within social groups by providing a model of legitimacy, namely the discourse of "sharing".
The emphasis placed by this thesis on the "management sciences" and the notion of network places it in the continuity of the studies of the last thirty years on this "informational society" of Manuel Castells, a "new general representation of societies" into a network according to Luc Boltanski, or the "managerial spirit" which took hold of the State civil servants according to the sociologist Albert Ogien
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