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La notion de "société ouverte" chez Bergson et Popper / The notion of “open society” in Bergson and Popper’s work

On a l’habitude, concernant Bergson et Popper, de souligner que le second emprunte au premier la notion de « société ouverte » en la détournant de son sens. C’est une erreur : au moment où il met cette notion au centre de La société ouverte et ses ennemis, Popper est persuadé d’être l’inventeur de la notion. Lorsqu’il apprend que Bergson en a fait usage avant lui, il marque la différence entre les deux sociétés ouvertes tout en reconnaissant une similitude entre les deux sociétés closes. Mais comment, si la société close s’oppose, par définition, à la société ouverte, et si les deux notions de « société close » sont similaires, les deux notions de « société ouverte » pourraient-elles être fondamentalement dissemblables ? Nous nous demandons, dans une première partie, jusqu’où les deux sociétés closes peuvent être considérées comme similaires et s’il est possible d’en construire une conception unifiée. Nous cherchons d’abord à montrer comment Bergson et Popper, en partant de problèmes différents, finissent par se rejoindre sur la notion d’une morale naturelle close. Nous montrons ensuite que ces deux modalités du clos — exclusivisme guerrier et holisme conservateur — se trouvent chez les deux auteurs, sans qu’ils ne leur accordent la même importance : un certain nombre de différences souterraines annoncent les oppositions à venir sur la société ouverte. Ces différences n’empêchent toutefois pas l’élaboration d’une conception unifiée de la société close. Nous suivons Bergson pour articuler les deux modalités du clos en considérant que la cohésion sociale trouve en partie sa source dans l’hostilité à l’égard des ennemis. Notre deuxième partie se demande si ce qui apparaît au premier abord comme contradictoire entre les deux sociétés ouvertes ne pourrait pas plutôt être considéré comme des tensions au sein d’une même société ouverte. Nous insistons d’abord sur ce qui peut apparaître comme contradictoire en montrant que l’ouverture n’a pas le même sens chez Bergson et chez Popper : passage de la cité à une société comprenant l’humanité pour le premier, passage à une cité où sont libérés les pouvoirs critiques de l’homme pour le second. La société ouverte de Popper est close pour Bergson, la société ouverte de Bergson relève pour Popper d’une nostalgie pour la société close. Mais la contradiction vient du fait qu’on compare la modalité de l’ouvert que chacun privilégie et qui n’est pas la même. Il faut, pour avoir une vision plus juste, comparer la modalité rationaliste de l’ouverture chez les deux auteurs, et la modalité mystique de l’ouverture chez l’un et chez l’autre. En procédant à cette comparaison, on peut montrer que ces deux modalités sont l’une et l’autre une façon, pour une société, de transcender la nature, d’être créatrice. En ce qui concerne la modalité rationaliste de l’ouverture, c’est Popper qui parvient à en montrer le caractère créateur, sur le plan théorique comme sur le plan pratique — Bergson en étant empêché par sa conception de l’intelligence ; pour ce qui est de la modalité mystique, c’est Bergson qui montre comment elle permet à une société de transcender, au moins partiellement, la nature — Popper en étant empêché par sa conception de l’amour. A partir de là, il ne semble pas impossible d’élaborer une conception unifiée de la société ouverte articulant ces deux modalités : la modalité rationaliste de l’ouverture repose sur la foi en la fraternité humaine, laquelle ne peut trouver son plein élan que dans la modalité mystique. Il est vrai qu’il y a tension entre ces deux modalités de l’ouvert, mais leur équilibre est nécessaire à la société qui s’ouvre : la présence de la modalité mystique évite à la modalité rationaliste, qui permet le conflit, une dégénérescence guerrière ; la présence de la modalité rationaliste évite à la modalité mystique, qui transcende les conflits dans l’enthousiasme, de dégénérer en « nationalisme mystique ». / It is usually said, when talking about Bergson and Popper, that the former borrows the notion of “open society” to the latter and diverts its meaning. It is a mistake: when he puts this notion in the center of The open society and its enemies, Popper is convinced that he is the one who came up with the notion. When he learns that Bergson used it before him, he underlines the differences between both open societies, while admitting a similarity between both closed societies. But how, if the closed society opposes, by definition, the open society, and if both notions of “closed society” are similar, could both notions of “open society” be fundamentally dissimilar?We are wondering, in our first part, to what degree the two closed societies can be considered similar, and if it is possible to build a unified conception of both of them. We are first seeking to show how Bergson and Popper, while starting from different issues, end up reuniting on the notion of a closed natural morality. We are then showing that these two modalities of the closed – warrior exclusivism and conservative holism – are found in both authors, although they don’t give it the same degree of importance: a number of underlying differences are announcing the upcoming oppositions on the open society. These differences, however, do not prevent the elaboration of a unified conception for the closed society. We are following Bergson to articulate both modalities of the closed while considering that social cohesion comes partly from hostility towards enemies. Our second part questions if what first shows up as a contradiction between both open societies could not be considered rather as tensions among one same open society. We first insist on what can appear as contradictory by showing that openness doesn’t have the same meaning for Bergson it does for Popper: for the former, it’s stepping from the city to a society containing humanity. For the latter, it’s stepping to a city where man’s critical powers are liberated. Popper’s open society is closed to Bergson, and Bergson’s open society is, to Popper, an expression of the longing for the unity of the closed society. But the contradiction comes from comparing each author’s preferred modality for openness, which differs. It is necessary, to have a better vision, to compare the rationalist modality of openness for both authors, as well as the mystical modality of openness for one and the other.By proceeding to this comparison, we can show that these two modalities are both a way for a society to transcend nature, for it to be inventive or creative. When it comes to the rationalist modality of openness, Popper is the one who manages to show its creative aspect, in both theory and practice – Bergson being restrained to do so by his conception of intelligence; when it comes to the mystical modality, it is Bergson who shows how it allows a society to transcend, at least partially, nature – Popper being restrained to do so by his conception of love.From this point, it doesn’t seem impossible to elaborate a unified conception for the open society articulating both of these modalities: the rationalist modality of openness is based on faith in human fraternity, which can only reach its fullest with the mystical modality. It is true that there is tension between these two modalities of openness, but their balance is necessary for a society that opens up: the mystical modality’s presence prevents the rationalist modality, that allows conflict, to fall into warrior degeneracy; the rationalist modality’s presence prevents the mystical modality, that transcends conflicts in enthusiasm, to degenerate into “mystical nationalism”.

Identiferoai:union.ndltd.org:theses.fr/2018LYSE3024
Date06 July 2018
CreatorsDelsart, Didier
ContributorsLyon, Gontier, Thierry
Source SetsDépôt national des thèses électroniques françaises
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeElectronic Thesis or Dissertation, Text

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