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Le mobilier funéraire d'Hector de Troie dans les enluminures médiévales : entre traditions et merveillesLegendre, Agathe 27 January 2024 (has links)
Le personnage d'Hector, guerrier troyen, est aussi l'un des Neuf Preux ayant marqué l'imaginaire de l'aristocratie laïque du Moyen Âge. Le héros, malgré sa mort prématurée dans le récit, joue un rôle de premier plan dans le Roman de Troie. Écrit vers 1160 par le clerc français Benoît de Sainte-Maure, ce texte appartient à la catégorie des romans antiques qui se développe au XIIe siècle en reprenant des textes épiques de l'Antiquité. Les romans antiques se caractérisent notamment par la présence d'ekphraseis qui relèvent du topos littéraire de la merveille médiévale, particulièrement apprécié au sein de l'élite laïque. Le Roman de Troie constitue en quelque sorte le fondement sur lequel se basent plusieurs autres auteurs de la fin du Moyen Âge pour remanier la matière troyenne, qui relève évidemment du monde païen. De cette tradition littéraire, nous avons choisi de traiter du motif ekphrastique de l'exposition du cadavre d'Hector dans son tombeau merveilleux. Ce motif a été enluminé à plusieurs reprises et ce, dans divers manuscrits datant de la période allant de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle. Le but de notre recherche est d'interroger, dans la logique de la relation image-texte (approche), la nature de la relation entre la représentation iconographique et sa description en réfléchissant aux relations entre les traditions funéraires de l'Occident chrétien et le topos littéraire de la merveille. En d'autres termes, nous tentons de cerner les « solutions » choisies pour négocier les tensions entre la tradition chrétienne et l'imaginaire profane (problématique). Le premier chapitre est dévolu à la présentation de notre corpus varié, à l'élaboration du bilan historiographique et à la présentation de la méthodologie, soit une analyse sérielle d'un corpus d'images tendant vers l'exhaustivité. Dans le deuxième chapitre, nous interrogeons la première sous-catégorie de notre corpus : plusieurs enluminures évacuent le tombeau au profit d'un cercueil conventionnel. Nous démontrons que ces représentations, dans l'optique d'une économie du processus de création, s'inscrivent dans l'iconographie et la réalité des rituels chrétiens traditionnels. Le troisième chapitre concerne la deuxième sous-catégorie de notre corpus, soit les enluminures qui figurent directement le tombeau ekphrastique. Elles sont le fruit de processus de création diversifiés et inventifs, dont la majorité produit des représentations à caractère hybride. Ces dernières font coïncider la typologie réelle des monuments funéraires et les données merveilleuses de l'ekphrasis en soulignant la symbolique princière, sainte et païenne du héros. Quelques tombeaux enluminés prennent aussi une apparence inédite. Nous observons que, dans l'ensemble, l'origine géographique des œuvres a une influence importante sur le rendu iconographique du tombeau et des personnages. Enfin, l'ultime chapitre se concentre plus spécifiquement sur le cadavre exposé d'Hector et/ou son effigie ressemblante. Nous avons l'intuition que les représentations enluminées ne sont pas étrangères à certaines conceptions symboliques du corps (ou de sa représentation) au Moyen Âge. Tout en démontrant que notre corpus reflète les mondes religieux, politique, culturel et imaginaire de ses producteurs, nous contribuons à la recherche encore naissante sur l'iconographie du topos littéraire de la merveille médiévale.
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Dire et montrer l'horreur : le sublime par l'ekphrasis au service du fantastique chez H.P. LovecraftHorth, Sophie 23 April 2018 (has links)
L’étude de l’œuvre de l’auteur fantastique américain H.P. Lovecraft a souvent été mise de côté dans les études littéraires, où on qualifiait son style d’excessif et maladroit. Celui-ci a alimenté beaucoup de débats sur l’appartenance de Lovecraft au genre fantastique en général, duquel on l’excluait, prétextant qu’il rompait la traditionnelle hésitation typiquement fantastique. Dans ce mémoire, nous souhaitons nous interroger sur le rôle que peut jouer l’écriture particulière de Lovecraft dans la construction d’un univers narratif cohérent, malgré la crise du signe à laquelle font face ses personnages. Nous observerons comment l’écriture de Lovecraft, grâce à son recours à l’ekphrasis, parvient à susciter le sublime, d’abord chez ses narrateurs, mais également transcender le récit pour atteindre le lecteur. Nous montrerons comment le sublime vécu par ses personnages parvient, grâce à une esthétique de la présence du surnaturel, à faire douter le lecteur sur sa propre réalité.
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Un livre jamais paru ? Le manuscrit Riccardiano 2354 et l’héritage épistolaire de Giorgio Vasari / A Book Remained Unpublished ? The Manuscript Riccardiano 2354 and the Epistolary Legacy of Giorgio VasariBellotti, Michele 10 December 2018 (has links)
Précieuse source d’informations sur l’auteur des Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, la correspondance de Giorgio Vasari (1511-1574) est bien connue des historiens de l’art depuis son édition par Karl Frey (1923-1930). La conservation rigoureuse de ses nombreuses lettres ainsi que la remarquable qualité stylistique d’une grande partie d’entre elles, invitent à s’interroger sur la valeur que Vasari lui-même pouvait attribuer à son écriture épistolaire. Voyait-il ses lettres comme une partie fondamentale de son legs culturel ? On peut se demander s’il avait pu caresser le projet de les publier sous forme de recueil, conformément à une pratique très diffusée chez les hommes doctes du XVIe siècle. C’est justement un recueil qui se distingue tout particulièrement au sein du riche carteggio vasarien : le manuscrit Riccardiano 2354, de la Bibliothèque Riccardiana de Florence. Datant de la fin du XVIe siècle, ce petit codex contient quarante-huit missives copiées par le neveu et principal hériter de l’artiste arétin, Giorgio Vasari le Jeune (1562-1625), fonctionnaire médicéen versé dans différents savoirs techniques et scientifiques. Cette étude analyse les opérations de sélection, de transcription et de possible transformation menées par Vasari le Jeune à partir des sources épistolaires originales de son oncle, aujourd’hui introuvables. Des indices matériels et textuels laissent penser que le volume de la Riccardiana pourrait avoir été conçu comme un « livre de lettres » destiné à la publication, mais finalement jamais paru. Une initiative éditoriale avortée donc, visant la célébration posthume de la vie et de l’œuvre de Vasari à travers la valorisation de son héritage épistolaire. La lecture croisée des textes du recueil et d’autres missives qui y furent exclues, permet de reconnaître, en amont de l’entreprise de Giorgio le Jeune, un dessein de reconstitution biographique qui privilégie certains aspects de la figure de Vasari, en omet d’autres et, parfois, plie l’héritage culturel de l’artiste aux exigences d’affirmation personnelle du neveu dans le contexte médicéen de son temps. La résultante principale de cette recherche est une réflexion sur les dynamiques propres à l’écriture épistolaire de Vasari, sur les fonctions diverses qu’elle pouvait endosser dans les différentes phases de sa carrière d’artiste et d’écrivain. Car la pratique épistolaire fut pour Vasari un outil privilégié pour la mise en représentation de soi vis-à-vis de son réseau de correspondants, pour l’apprentissage de la parole littéraire et pour l’élaboration des procédés de l’ekphrasis, plus largement développés dans les Vies. / A valuable source of information on the author of The Lives of the Artists, the correspondence of Giorgio Vasari (1511-1574) is well known to art historians, mainly since its almost complete edition published by Karl Frey (1923-1930). If we consider the fact that Vasari zealously kept his numerous letters during his whole life, as well as the remarkable stylistic quality of many of these texts, we realise the importance of inquiring into how significant his epistolary writing could have been to him. Did Vasari see his missives as an essential part of his cultural legacy? In this case, it has to be questioned whether the artist could have ever conceived the project of publishing a selection of his letters, in accordance with a widespread practice among literates in the Fifteenth century. A collection of Vasari’s letters was actually gathered and still stands out from the large number of documents of his vast carteggio: it’s the manuscript Riccardiano 2354, held by the Biblioteca Riccardiana in Florence. Dating from the late Fifteenth century, this small codex contains forty-eight letters posthumously copied by the artist’s nephew and principal heir of his estate, Giorgio Vasari the Younger (1562-1625), an official of the Medicean Court deeply versed in several scientific and technical disciplines. This study investigates the process of selection, transcription and possible manipulation conducted by Vasari the Younger on his uncle’s original epistolary sources, which are nowadays still missing. Several material or textual hints can suggest that the Riccardiana’s volume might have been a “libro di lettere”, a book of letters designed for publication, but finally never printed. The chief aim of this editorial effort would have been a posthumous celebration of Vasari’s life and artistic achievements, through the highlighting of his missives. The comparison between the texts included in the Riccardiana’s manuscript and other excluded letters, allows us to recognise, as the essential mainstay in Giorgio the Younger’s work, the design of a biographical depiction of Vasari’s figure, focusing on specific traits and omitting others. The artist’s epistolary legacy seems to be occasionally subject to his nephew’s personal career requirements in the Medicean context of his time. The result of this research is a series of considerations on the dynamics inherent in Vasari’s epistolary writing, such as the various functions that it could assume according to the different phases of the artist’s career. Epistolarity has been Vasari’s main tool for self-fashioning towards his correspondents; as well as for literary learning and for the conception of the device of ekphrasis, developed on a larger scale in the Lives.
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Poésie et pédagogie dans l'oeuvre d'Aratos de Soles / Poetry and pedagogy in Aratus of Soli’s workLorgeoux-Bouayad, Laetitia 21 June 2014 (has links)
Au-delà d’être un poème didactique, les Phénomènes d’Aratos sont un poème pédagogique qui unit étroitement le fond et la forme. On y trouve une conscience méthodique de la construction d’un savoir ; l’analyse du vocabulaire, pourtant issu de la poésie homérique, révèle une réflexion sur la transmission scientifique déjà définie comme un processus dynamique, à une époque où les écoles et leurs méthodes sont encore jeunes : percevoir, délimiter, nommer, et enfin assurer la conservation d’un objet de science. Cette idée de transmission prouve la préoccupation pédagogique d’Aratos, qu’il met en scène dans le poème à travers des figures de maîtres et d’élèves. Il s’y lit, notamment dans le mythe de l’Âge d’Or, une foi en la collaboration entre tous les vivants, fondée sur un respect qui tranche avec la dureté des poèmes didactiques archaïques. La pédagogie devient dans les Phénomènes un enjeu poétique : Aratos définit le poète comme un des membres de cette collaboration universelle, derrière laquelle il doit s’effacer, dans une éthique et une esthétique de l’anonymat qui remettent en question le kléos archaïque. La tradition poétique peut désormais être bousculée au nom de la transmission scientifique, et cette nouvelle conception n’est pas sans rappeler les récentes critiques opérées par Platon. Tout se passe comme si Aratos avait voulu relever le défi que Platon a lancé aux poètes de son temps : chanter le Dieu et sa création selon le Vrai ou le Vraisemblable, et devenir par son chant l’éducateur de la cité idéale. C’est probablement la réussite de cette gageure qui a assuré la gloire des Phénomènes dans les siècles où la philosophie de Platon a été suivie et admirée. / The Phaenomena by Aratus are not only a didactic, but also pedagogical poem, in which form and content are tightly bound. One may find in it a methodical conscience of how knowledge is built; the analysis of vocabulary, although taken from Homeric poetry, shows that scientific transmission is already understood as a dynamic process, in a time when schools and their proceedings were still young : to perceive an object of science, to delimitate it, to name it, and at last to guarantee his preservation. This idea of transmission proves that Aratus is concerned with pedagogy, which is illustrated in the poem through different figures of masters and pupils. We can observe, especially in the myth of the Golden Age, all his faith in the collaboration between all kinds of living being bound together by a respect that is really different from the harsh tone of archaic didactic poetry. In the Phaenomena, pedagogy becomes a poetic matter: Aratus defines the poet as a member of this universal collaboration, behind which he has to fade because of an ethic and an aesthetic of namelessness; so is the archaic kleos questioned. Poetic tradition can be shaken up in the name of scientific transmission, and this new conception may remind us of Plato’s recent criticism. Apparently, Aratus did want to take up Plato’s challenge to the poets of his time: to sing the God and his creation according to Truth or Verisimilitude, and to become the teacher of an ideal state, thanks to his song. In all likelihood, Aratus’fame came from the success of this wager, during all the centuries when Plato’s philosophy was followed and admired.
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Contribution à l’étude des interactions entre les arts plastiques et les lettres belges de langue française. Analyse d’un cas : Maurice Maeterlinck et l’imageLaoureux, Denis 10 January 2005 (has links)
Cette thèse de nature interdisciplinaire a pour objet d’identifier, de décrire et d’analyser la diversité des interactions entre la littérature et les arts plastiques à travers l’œuvre et la figure de l’auteur belge francophone Maurice Maeterlinck (1862-1949).
Le propos présente une structure symétrique. Celle-ci va de l’impact de l’image sur l’écriture à l’impact des textes sur la création plastique. La référence littéraire à l’image constitue la première phase de l’enquête. Celle-ci aboutit à la référence plastique à la littérature en passant préalablement par les collaborations effectives entre l’auteur et les artistes sur le plan de la théâtralité et sur celui de l’édition illustrée.
Un dépouillement des archives conservées tant en Belgique qu’à l’étranger a permis d’inscrire la lecture des œuvres dans le cadre d’une trame factuelle précise et fondée en termes d’exactitude historique.
Première partie. De l’image au texte. Le musée imaginaire de Maurice Maeterlinck
C’est en se référant à Bruegel l’Ancien que Maeterlinck publie le Massacre des Innocents en 1885. Ce conte de jeunesse, stratégiquement signé « Mooris » Maeterlinck, se revendique clairement d’une origine flamande à connotation bruegelienne. Régulièrement réédité du vivant de l’auteur, il a contribué à fixer les traits de Maeterlinck en fils des peintres flamands. Pour les critiques d’époque, l’œuvre de Maeterlinck trouverait son originalité dans la peinture flamande dont elle est la fille. Campant Maeterlinck en auteur « germanique » par son origine flamande, certains spécialistes s’appuient encore sur ce postulat à caractère tainien. D’autres commentateurs ont pris le parti de ne pas prolonger ce point de vue, mais plutôt d’en interroger les causes profondes. C’est à Paul Aron que revient le mérite d’avoir fait apparaître, dans un article fondateur, le caractère stratégique de cette référence à la peinture flamande dans les lettres belges . Il convenait d’élargir au-delà du seul conte de 1886 l’enquête sur la réception maeterlinckienne de la peinture flamande. On s’aperçoit alors que le Massacre des Innocents est loin d’être le seul Bruegel l’Ancien que Maeterlinck comptait exploiter à des fins littéraires. On s’aperçoit également que le peintre de la Parabole des aveugles est loin d’être le seul peintre flamand auquel Maeterlinck se réfère. C’est pourquoi nous avons entrepris de définir précisément, et de façon exhaustive, les limites du champ maeterlinckien en matière de peinture ancienne. Pour ce faire, nous avons inventorié l’ensemble des occurrences plastiques clairement identifiables dans les archives (lettres et carnets), dans les textes publiés ainsi que dans les interviews. Ce travail de compilation a révélé en effet que la réception maeterlinckienne de la peinture dépasse largement le cadre de l’art flamand des XVe et XVIe siècles. Renaissance italienne, Préraphaélisme, Réalisme et Symbolisme sont les principaux mouvements picturaux qui composent les salles du musée imaginaire de Maeterlinck.
Deuxième partie. Texte et image I. Les décors de l’indicible. Maeterlinck et la scénographie
Cette expérience de l’image, Maeterlinck va la mettre à profit lorsque ses drames seront appelés à connaître l’épreuve de la scène. Car dès lors qu’elle est transposée du livre à l’espace de jeu, l’œuvre dramatique cesse d’être exclusivement littéraire. Elle est alors faite de lumière, de corps en mouvement, de matière… Il est pour le moins paradoxal que l’apparition de ce répertoire coïncide avec une méfiance vis à vis du spectacle de théâtre. Très vite Maeterlinck cherche à définir les modalités de la mise en scène. Au fil de quelques articles, il élabore une pensée théâtrale qui participe pleinement au débat ouvert sur la question dans les revues littéraires par des auteurs comme Stéphane Mallarmé, Albert Mockel, ou Pierre Quillard, pour ne citer que quelques noms. Le décor est un point central de ce débat qui consacre l’émergence de la fonction moderne accordée à l’aspect visuel d’un spectacle de théâtre. Ce n’est pas pour rien si la conception des décors est désormais confiée non plus à des décorateurs de métier, mais à des peintres. L’expression de « tableau vivant » dont use Maeterlinck pour qualifier la métamorphose du texte par la scène indique bien le lien qui se tisse, selon lui, entre image scénique et peinture. Certaines œuvres, notamment préraphaélites, servent d’ailleurs de source pour la conception de scènes, de décors et de costumes. Maeterlinck ne s’est pas privé de donner son opinion personnelle sur le travail de préparation de mises en scène, notamment dans les spectacles de Paul Fort, de Lugné-Poe et de Constantin Stanislavski.
Troisième partie. Texte et image II. Des cimaises en papier. Maeterlinck et l’édition illustrée
Il est significatif que le renouvellement de la théâtralité soit exactement contemporain d’une recherche sur le livre comme objet et sur la page comme support. On pourrait dire que la scénographie est à la scène ce que l’illustration est à la page. La critique maeterlinckienne ignore tout, ou à peu près, de la position prise par Maeterlinck à l’égard du support de la littérature. Il faut bien admettre que le poète des Serres chaudes n’a pas développé sur le livre illustré une pensée qui soit comparable à ce qu’il a fait pour le théâtre. De ce fait, le dépouillement des archives s’est avéré indispensable. Il a permis de mettre à jour la place prise par Maeterlinck dans l’élaboration de l’aspect plastique de l’édition de ses textes.
Sensible à ce qui, dans le langage, échappe à l’emprise de la parole au point de mettre en œuvre une dramaturgie fondée sur le silence, Maeterlinck s’est très tôt intéressé aux formes de communication non verbale en jeu au sein d’une production littéraire. Cet intérêt répond à une volonté d’émanciper l’écriture du logocentrisme de la culture française dont Maeterlinck a livré une critique radicale dans un carnet de note que l’historiographie a retenu sous le nom de Cahier bleu. L’homme de lettres s’est ainsi interrogé dès le milieu des années 1880 sur les effets de sens qui peuvent survenir de la part visuelle inhérente à l’édition d’un texte. L’émergence du symbolisme correspond ainsi à une redéfinition du support même de la littérature. Par l’encre qui lui donne corps et par la typographie qui trace les limites, le mot apparaît à Maeterlinck comme une forme dont la page-image magnifie la valeur plastique. Fort se s’être essayé, dans le secret des archives, à l’écriture d’une poésie visuelle enrichie par un réseau de lignes dont le tracé répondrait au contenu du texte, Maeterlinck va développer une esthétique de la couverture qu’il va appliquer dans le cadre de l’édition originale de ses premiers volumes. Dans ce contexte d’exaltation des données plastiques du livre, l’image va constituer un paramètre majeur. Résultant d’une collaboration étroite avec des illustrateurs qui sont d’abord peintre (Charles Doudelet, Auguste Donnay) ou sculpteur (George Minne), les éditions originales illustrées publiées par Maeterlinck apparaissent aujourd’hui comme des événements marquants dans l’histoire du livre en Belgique. Dépouillée des attributions descriptives qui avaient assimilé l’image au commentaire visuel redondant du texte, l’illustration est ici conçue à rebours des mots auxquels elle renvoie. Le tournant du siècle constitue une jonction dans le rapport de Maeterlinck à l’édition illustrée. Participant pleinement au phénomène d’internationalisation des lettres belges autour de 1900, Maeterlinck privilégie l’édition courante et réserve à la librairie de luxe et aux sociétés de bibliophiles le soin de rééditer dans des matériaux somptueux les versions illustrées de ses textes. Le Théâtre publié par Deman en 1902 avec des frontispices d’Auguste Donnay constitue la première expression de ce goût marqué pour les formes les plus raffinées du livre.
Quatrième partie. Du texte à l’image. La réception de l’œuvre de Maeterlinck dans les milieux artistiques
De telles interactions n’ont pu avoir lieu sans l’existence de facteurs externes de type socio-économique. Elles se déroulent en effet dans des lieux (les salons, par exemple) et des institutions (comme les maisons d’édition) mis sur pied par une société performante économiquement et qui, grâce à la dynamique culturelle d’une phalange d’intellectuels esthètes, peut désormais se donner les moyens nécessaires à l’affirmation de la Belgique comme scène active dans le courant d’émulation esthétique et intellectuelle qui traverse l’Europe de la fin du XIXe siècle. La critique s’est attachée au poète de Serres chaudes comme un homme sinon isolé dans une tour d’ivoire, à tout le moins retiré dans une campagne lointaine. Généralement présenté comme l’arpenteur des sommets de la mystique flamande, des mystères préraphaélites, des romantiques allemands et de Shakespeare, Maeterlinck aurait vécu en dehors des contingences de son temps. L’auteur a lui-même contribué à construire ce mythe de l’écrivain solitaire et du penseur reclus. Le dépouillement de ses archives montre à l’évidence qu’il faut nuancer cette lecture dépourvue de finesse. Cette réévaluation de la place de l’homme de lettres dans la société pose la question de la réception de l’œuvre, dans le cas qui nous occupe, par les milieux artistiques. La dernière partie de la thèse inverse donc la question posée dans la première. Si l’incidence de l’iconographie ancienne sur la production littéraire a fait l’objet de commentaires stimulants, inversement, l’analyse de l’impact de la littérature sur la création plastique demeure réduite à quelques cas célèbres comme les peintres Nabis ou Fernand Khnopff. Pour développer cette problématique, il s’est avéré indispensable d’aborder la visibilité de l’œuvre en fonction des réseaux fréquentés par l’homme de lettres. La quatrième et dernière partie tente de répondre à la question de savoir dans quelle mesure le réseau relationnel de Maeterlinck et les voies de diffusion empruntées par son œuvre ont induit ou pas la création plastique. De ce point de vue, la réception de Maeterlinck en Allemagne et en Autriche constitue un cas d’école. Etrangère à toute implication directe de l’auteur, la réception artistique de l’œuvre de Maeterlinck forme un corpus d’œuvres que nous avons étudié en le superposant à l’architecture interne de la bibliographie.
Projeté au devant de la scène par l’article fameux d’Octave Mirbeau, Maeterlinck rechigne les apparitions publiques. Si l’auteur est pleinement inscrit dans les lieux de sociabilité de la vie littéraire, il reste que l’homme fuit les interviews et délègue à l’image le soin d’assurer la visibilité de sa personne : les portraits de Maeterlinck se multiplient dans les revues au point de former un corpus significatif que la critique maeterlinckienne n’a jusqu’ici pas ou peu abordé. Conscient de l’impact stratégique de l’image qu’un écrivain donne de lui, Maeterlinck souscrit au rituel de la pose. S’il est difficile d’apporter des précisions sur la part prise par l’écrivain dans la composition des portraits, il n’en demeure pas moins que l’homme se met en scène à rebours d’une prise de vue instantanée. Face à l’objectif, il prépare méthodiquement la transformation de sa personne en image. A la césure du siècle, plusieurs pictorialistes américains (Holland Day, Coburn et Steichen) ont conçu des portraits de Maeterlinck. C’est par ce biais que l’auteur belge a été amené à rédiger un texte sur la photographie.
Destiné au numéro inaugural de la fameuse revue Camera Work animée par Alfred Stieglitz, ces pages soulignent le caractère esthétique dont les pictorialistes ont teinté la photographie. Pour Maeterlinck, la photographie relève du domaine de la création artistique puisqu’il n’est désormais plus tant question de fixer les apparences du réel que d’en livrer une image dominée par la pensée et le savoir-faire. Gagné par la foi recouvrée dans les forces de la nature typique de l’optimisme qui touche la littérature au début du XXe siècle, Maeterlinck souligne que l’acte photographique est lié à l’intervention des « forces naturelles qui remplissent la terre et le ciel ». Et l’homme de lettres de préciser : « Voilà bien des années que le soleil nous avait révélé qu’il pouvait reproduire les traits des êtres et des choses beaucoup plus vite que nos crayons et nos fusains. Mais il paraissait n’opérer que pour son propre compte et sa propre satisfaction. L’homme devait se borner à constater et à fixer le travail de la lumière impersonnelle et indifférente ». L’épiphanie des ombres que cultive la photographie pictorialiste passe par un dialogue avec la lumière dont Maeterlinck fait une composante centrale de son théâtre au point de l’incarner, dans L’Oiseau bleu qu’il publie en 1909, sous la forme d’un personnage clé opposé significativement à la figure de la Nuit.
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The “Man Walks Outside Time Now”: Verbal Representations of Photographic Images in the Poems of Larry LevisMiner, Lauren 30 July 2012 (has links)
The poet Larry Levis often employed ekphrasis as an elegiac device—particularly with his verbal descriptions of photographic images—to explore human suffering and reconcile feelings of loss. Through the ekphrastic mode, Levis could juxtapose otherwise disparate images, manipulating their temporal and spatial relationships, to achieve what he conceived an authentic portrait of the human experience. The poet, through his verbal descriptions of photographic images, does not try to evade the pain or joy of being human; instead, he confronts his grief directly and, in so doing, transcends that suffering to better understand himself and his own human position. This thesis analyzes the following poems by Larry Levis: “My Only Photograph of Weldon Kees,” “García Lorca: A Photograph of the Granada Cemetery, 1966,” “The Assimilation of the Gypsies,” “Sensationalism,” and “Photograph: Migrant Worker, Parlier, California, 1967.”
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Commento antiquario allo Scutum Herculis / Antiquarian Commentary on the Scutum HerculisCHIARINI, SARA 20 April 2011 (has links)
La tesi contiene un commento continuo al poemetto tardo arcaico noto col titolo di Scutum Herculis e falsamente assegnato a Esiodo; vi sono affrontate in prevalenza questioni mitografiche, geografiche, antiquarie e iconografiche, ma talora anche aspetti linguistico-letterari, laddove siano utili all'inquadramento dell'orizzonte storico-culturale sotteso alla composizione dell'epillio. Nell'introduzione si dimostra come la sensibilità artistica dell'autore dell'ekphrasis possa essere ricondotta al periodo a cavallo tra il VII e il VI secolo a.C. / The dissertation contains a continuous commentary on the late archaic poem known as Scutum Herculis and wrongly attributed to Hesiod. It discusses especially mythographical, geographic, antiquarian and iconographic issues, but also some linguistic and literary aspects, which can contribute to the outline of the historical and cultural milieu, within which the poem was composed. In the introduction it is showed how the artistic taste of the author of the ekphrasis could date back to the period between the 7th and the 6th century B.C.
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Image and Text in Nineteenth-century Britain and Its After-imagesTerry, Gina Opdycke 2010 May 1900 (has links)
"Image and Text" focuses on the consequences of multi-media interaction on the concept of a work's meaning(s) in three distinct publishing trends in nineteenth-century Britain: graphic satire, the literary annuals, and book illustration. The graphic satire of engravers James Gillray and George Cruikshank is replete with textual components that rely on the interaction of media for the overall satirical impact. Literary annuals combine engravings with the ekphrastic poetry of writers including William Wordsworth, Samuel Taylor Coleridge, Robert Southey, and Letitia Elizabeth Landon. Book illustrations provided writers Sir Walter Scott and Alfred, Lord Tennyson a means to recycle previously published works as "new" texts; the engravings promote an illusion of textual originality and reality by imparting visual meanings onto the text. In turn, the close proximity of text to image changes visual meanings by making the images susceptible to textual meanings. Many of the theoretical implications resulting from the pairing of media resound in modern film adaptations, which often provide commentary about nineteenth-century visual culture and the self-reflexivity of media.
The critical heritage that has responded to the pairing of media in nineteenth-century print culture often expresses uneasiness with the relationship between text and mechanically produced images, and this uneasiness has often resulted in the treatment of text and image as separate components of multi-media works. "Image and Text" recovers the dialogue between media in nineteenth-century print forms often overlooked in critical commentary that favors the study of an elusive and sometimes fictional concept of an original work; each chapter acknowledges the collaborative nature of the production of multi-media works and their ability to promote textual newness, originality (or the illusion of originality), and (un)reality. Multi-media works challenge critical conventions regarding artistic and authorial originality, and they enter into battles over fidelity of meaning. By recognizing multi-media works as part of a diverse genre it becomes possible to expand critical dialogue about such works past fidelity studies. Text and image cannot faithfully represent the other; what they can do is engage in dialogue: with each other, with their historical and cultural moments, and with their successors and predecessors.
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Totta, tarua vai narrinpeliä?:Lars Sundin Siklax-trilogian (meta)fiktiivinen historiankirjoitusHietasaari, M. (Marita) 22 November 2011 (has links)
Abstract
Historical novels are widely published and read in Finland. During the last few decades both Finnish and Finland-Swedish writers alike have addressed such incendiary topics as the Finnish Civil War and the events of the Second World War. The object of the present study is Lars Sund’s Siklax trilogy: Colorado Avenue (1991), Lanthandlerskans son (1997, ’Son of a Country Shopkeeper’) and Eriks bok (2003, ’Erik’s Book’). These novels can be defined as postmodern historical novels, relatively rare as a genre in Finland and even less studied.
The impact of historical novels on readers’ attitudes may be strong, and as a result it is necessary to contemplate the ways in which history is reproduced and interpreted. The present study analyses the ways Sund’s novels represent the past, their relation to historiography and the historical novel as a genre, as well as their conception of history. The aim of the study is to demonstrate what kind of connection exists between narrative techniques and representations of the past.
This study utilizes narratological, intertextual and contextual approaches. Cultural narratology integrates features from both classical and postclassical narratology, in consequence the novel’s narrative structures are examined as active forces that both reflect and influence the cultural discourses of a given period. During the research process, the narrative structure of Sund’s novels has been analysed as well as intertextual allusions to other texts and to other cultural and social discourses.
The narrative structure of Sund’s historical novels suffices to raise epistemological questions about the achievability and reliability of historical knowledge. The occurrences of other media on the story and discourse level, such as descriptions of paintings and photographs and filmic narration, as well as numerous intertextual allusions, accentuate the polyphony of history and the subjectivity of historical conclusions. The present study connects Lars Sund’s historical novels with the international, Nordic and domestic tradition. Additionally, the analysis of the visual features of the novels connects the study with the abounding discussion on the relationship between word and image. / Tiivistelmä
Historiallisia romaaneja julkaistaan Suomessa runsaasti, ja laji on yhä lukijoiden suosiossa. Sekä suomen- että ruotsinkieliset kirjailijat ovat viime vuosikymmeninä käsitelleet maamme historian kipupisteitä, kuten kansalaissotaa ja toisen maailmansodan tapahtumia. Tutkimuksen kohteena on Lars Sundin Siklax-trilogia, jonka muodostavat romaanit Colorado Avenue 1991 (suom. Colorado Avenue 1992), Lanthandlerskans son 1997 (suom. Puodinpitäjän poika 1998) ja Eriks bok 2003 (suom. Erikin kirja 2004). Nämä teokset edustavat postmodernia historiallista romaania, jota Suomessa on kirjoitettu suhteellisen vähän ja tutkittu vielä vähemmän.
Historiallisten romaanien vaikutus lukijan asenteisiin voi olla suuri, ja siksi on tarpeen pohtia myös niitä keinoja, joilla historiaa tuotetaan ja tulkitaan. Tutkimuksessa analysoidaan Sundin romaanien tapoja representoida mennyttä, historiankäsitystä sekä suhdetta historiankirjoitukseen ja historiallisen romaanin lajiin. Tavoitteena on selvittää, millainen yhteys kerrontatekniikoiden ja menneisyyden representaatioiden välillä on.
Tutkimuksessa yhdistyvät narratologinen, intertekstuaalinen ja kontekstuaalinen tarkastelutapa. Analyysin kohteena ovat teosten kerrontarakenteet sekä viittaussuhteet toisiin teksteihin ja muihin kulttuurisiin ja yhteiskunnallisiin diskursseihin. Lähestymistapaa kuvaa parhaiten klassisen ja postklassisen narratologian piirteitä yhdistävä kulttuurisen narratologian käsite, jossa teoksen kerronnallisia rakenteita tutkitaan sekä aikakautensa kulttuurisia diskursseja heijastavana että niihin vaikuttavana aktiivisena voimana.
Sundin historialliset romaanit nostavat jo rakenteellaan esiin epistemologisia kysymyksiä tiedon saavutettavuudesta ja luotettavuudesta. Muiden medioiden, kuten elokuva-, maalaus- ja valokuvataiteen, esiintyminen niin tarinan kuin kerronnan tasolla sekä lukuisat intertekstuaaliset viittaukset korostavat historian moniäänisyyttä ja tulkintojen subjektiivisuutta. Tutkimus osallistuu kuvan ja sanan vuorovaikutuksesta käytyyn vilkkaaseen keskusteluun ja kytkee Lars Sundin historialliset romaanit osaksi niin kansainvälistä, pohjoismaista kuin kotimaista traditiota. / Abstrakt
Historiska romaner publiceras det rikligt av i Finland och genren är fortfarande populär bland läsarna. Under de senaste decennierna har både finländska och finlandssvenska författare behandlat sådana nationella smärtpunkter som inbördeskriget, vinterkriget och fortsättningskriget. I denna avhandling forskas Lars Sunds Siklax-trilogi: Colorado Avenue (1991), Lanthandlerskans son (1997) och Eriks bok (2003). Dessa romaner representerar den postmoderna historiska romanen, som det till dags dato skrivits relativt litet om i Finland och ännu mindre forskats i.
Historiska romaner konstruerar nationell identitet och deltar i den kulturella och politiska dialogen om det förflutna och nutiden. Deras inverkan på läsarens inställningar kan vara stark, och därför är det nödvändigt att reflektera på de medel med vilka historien produceras och uttolkas. I avhandlingen analyseras på vilket sätt det förflutna representeras i Sunds romaner; historieuppfattningen samt relationen till historieskrivningen och till den historiska romanen som genre. Syftet är att redogöra för hurdant förhållande det finns mellan berättarmetoder och representationer av det förgångna.
I undersökningen förenas ett narratologiskt, intertextuellt och kontextuellt betraktelsesätt. Det gäller att analysera romanernas berättarstrukturer samt intertextuella referenser till andra texter och till andra kulturella och sociala diskurser. Betraktelsesättet skildras bäst med begreppet kulturell narratologi (cultural narratology), som förenar drag av den klassiska och postklassiska narratologin. Detta betyder att romanens narrativa strukturer granskas som en aktiv kraft, vilken både reflekterar tidens kulturella diskurser och påverkar dem.
Själva konstruktionen av Sunds historiska romaner framför epistemologiska frågor om den historiska kunskapens åtkomlighet och pålitlighet. Andra mediers närvarande på historiens och på diskursens nivåer, så som beskrivningar av fotografier och målningar eller filmiskt berättande, och åtskilliga intertextuella hänvisningar, betonar historiens polyfoni och tolkningars subjektivitet. Undersökningen kopplar Lars Sunds historiska romaner till internationell, nordisk och finländsk tradition. Dessutom anknyter analysen av Sunds visuella material undersökningen till den livliga diskussionen om samspel mellan ord och bild.
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Moderata Fonte’s Tredici canti del Floridoro: Epic Means, Political EndsColleluori, Tylar Ann January 2023 (has links)
This dissertation explores Moderata Fonte’s Tredici canti del Floridoro from a new critical perspective, by taking into consideration Fonte’s authorial positionality, situating the text within its literary and historical contexts, and devoting sustained attention to its extradiegetic and structural components. Through this framing, this study highlights Fonte’s innovation as an author of chivalric epic and reveals the Floridoro to be a text with political motivations.
The first chapter examines Fonte’s authorial persona and her metapoetics, both as they are written about by her contemporaries and as they are made manifest within the Floridoro. The remaining two chapters are devoted to an analysis of the two ekphrastic sub-narratives found within the Floridoro, and how they mirror Fonte’s dual dedication of the poem to Francesco I de’ Medici and Bianca Cappello: chapter 2 considers Fonte’s Medici genealogy as a response to a specific political moment and to the unique anxieties of her first dedicatee, while chapter 3 explores how Fonte’s history of Venice functions as a civic genealogy for her second.
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